Israël-Palestine: Témoignage de Gaza

Ce qui suit est un rapport écrit par un activiste et auteur de Gaza, Rana Shubair, à la demande du Mouvement de lutte socialiste (MLS), la section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Israël-Palestine.

L’article est suivi de deux vidéos. La première est une séquence prise lors des manifestations du 14 mai à Gaza par la fille de Rana ; la deuxième est une séquence de membres du MSL participant à une manifestation contre les meurtres de manifestants à Gaza le 18 mai à Yad Mordekhay Junction en Israël, près de la clôture de Gaza.

Lundi sanglant

Le 14 mai était le premier jour des vacances d’été pour les écoliers. Ils avaient terminé les finales un jour avant et le lundi était censé être un jour de sortie en famille. Cependant, mes enfants m’ont surpris cette année en ne m’incitant pas à les emmener quelque part comme d’habitude. Le seul endroit où ils voulaient aller était la Marche du retour.

Il y avait beaucoup d’exaltation dans l’air les jours précédents, et nous avons tous senti que lundi serait le moment de la Marche par excellence. Il s’est avéré que c’était le cas, mais les soldats israéliens en ont fait un jour de deuil pour nous.

Nous sommes arrivés là (à l’est de la ville de Gaza) vers midi et la première chose que j’ai vue, c’était un grand drapeau palestinien, ce qui m’a rempli d’espoir et de courage. La zone du campement était inondée de gens se rassemblant dans différentes zones. Beaucoup se sont assis sous des tentes et beaucoup d’autres se sont levés et se sont assis à 300 mètres de la clôture barbelée.

En descendant vers la clôture, la fumée noire des pneus en feu remplissait l’air et, de temps à autre, les manifestants étaient confrontés à un torrent de grenades lacrymogènes. Certains portaient des masques pour se protéger, d’autres avaient des raquettes pour faire rebondir les grenades, beaucoup couraient dans la direction opposée pour éviter d’inhaler le gaz. Plus je me rapprochais de la zone de rassemblement, plus l’air commençait à être lourd.

Le nombre d’ambulances était plus élevé que n’importe quel autre jour. Elles étaient partout et ont manœuvré à partir de différents points.

A côté de moi se tenait un groupe de femmes qui imploraient à haute voix, appelant à la victoire.

Un vieil homme s’est assis sur une chaise devant une caméra et a été interviewé. Il avait l’air d’avoir plus de quatre-vingts ans et avait beaucoup d’histoires à raconter. C’était un survivant de la Nakba, plus âgé que l’État occupant d’Israël.

Toujours debout, j’ai entendu des cliquetis sporadiques de coups de feu. Avant d’arriver au campement, le nombre de morts parmi les manifestants était de 16. Quelques instants plus tard, j’ai entendu le nombre passer à 30.

Étant donné l’escalade folle des meurtres, je m’attendais à ce que les gens se dispersent. Mais ce fut exactement le contraire. Ils sont restés là avec une ténacité qui n’a fait que s’affirmer de minute en minute.

La Marche a ravivé l’espoir en nous tous à bien des égards. Les jeunes ont bravé sans crainte les tireurs d’élite israéliens lourdement protégés qui pouvaient si facilement choisir d’éliminer l’un d’entre eux. Tandis que je me tenais là, j’ai pensé : tous leurs mouvements sont mesurés et calculés. En fait, ce qu’ils font ressemble beaucoup à ce que font les braconniers. Ils observent leurs proies impuissantes et saisissent l’occasion de tirer.

A la fin de la journée, le bilan s’élevait à 60 morts parmi les manifestants. Ce fut une journée sanglante et inoubliable, qui a ajouté une autre Nakba à notre histoire. Pourtant, nous croyons fermement que le sang versé par les innocents sera la graine qui fera un jour fleurir notre liberté.

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