La crise est finie, vive la crise !

L’anarchie de la production en régime capitaliste ne peut rien signifier d’autre que des crises économiques, sociales et environnementales.

‘‘La croissance s’intensifie et le nombre de citoyens européens au travail est sans précédent. Profitons de ce momentum pour effectuer un bond résolu en avant’’(1) déclarait Charles Michel le 4 mars. Ce n’est qu’un des derniers exemples de la confiance de façade affichée par la bourgeoisie et son personnel politique. Mais, au vu de la situation économique, le bond en avant annoncé pourrait aussi bien être une glissade.

Par Clément (Liège)

Il est vrai qu’une certaine reprise économique semble se manifester. En 2017, le PIB mondial aurait crû de +3% (+2,4% dans la zone euro) selon la Banque mondiale(2). Le FMI et l’OCDE s’accordent pour annoncer la perspective d’une croissance de 3,9% pour les deux années à venir (2,2% dans la zone euro)(3). En Belgique, la Fédération des Entreprises de Belgique se réjouit de la perspective d’une croissance de 2% pour 2018 (1,7% selon la Banque nationale) et annonce que ‘‘le moteur de l’emploi tourne à plein régime’’(4).

Les germes d’une nouvelle crise sont bien présents

Cela doit immédiatement être nuancé, car ces niveaux de croissance restent bien inférieurs à ceux d’avant la crise. Ensuite, tant l’OCDE que le FMI soulignent que les tensions géopolitiques, les phénomènes climatiques extrêmes, l’instabilité politique et le protectionnisme économique constituent de sérieuses menaces pour l’économie(5). Le risque de guerres commerciales est également présent(6). Lors de la chute des valeurs boursières de février 2018, ‘‘l’indice de la peur’’ sur les marchés boursiers (le VIX, ‘‘the fear index’’) a atteint des sommets inconnus depuis 2009(7), poussant le FMI à appeler à ne pas céder à la panique. Les capitalistes et leurs économistes ne sont finalement pas si confiants que ça.

Dix ans après la crise, la dette cumulée des États, des entreprises et des ménages est environ 64% supérieure au niveau de 2007 et représente plus de 300% du PIB mondial(8). La croissance actuelle reste dépendante de l’injection d’argent dans l’économie pour éviter un effondrement total. L’assouplissement quantitatif (créer des liquidités pour racheter des titres de la dette) est toujours de mise et actuellement la BCE rachète mensuellement pour 30 milliards de ces titres, avec 2.400 milliards rachetés depuis mars 2015. Malgré de timides augmentations aux USA, les taux d’intérêts auxquels les banques centrales prêtent aux banques privées restent très bas, ce qui stimule les comportements à risque.

Martin Wolf, directeur du Financial Times, souligne que ‘‘parmi les pays du G7, le taux d’investissement net reste en dessous de son niveau d’avant la crise, et que la productivité du travail y est en-dessous de sa moyenne entre 1995 et 2007’’ (Financial Times 5/12/2017). Et pour cause, les liquidités injectées auront principalement servi à gonfler les dividendes reversés aux actionnaires ou auront servi à des fins de spéculation boursière où un fort profit à court terme reste assuré, plutôt qu’à développer les forces productives ce qui, bien qu’indispensable, assure un profit moindre.

Au vu de ces différents éléments la question n’est pas tant de savoir si une nouvelle crise surviendra, mais plutôt quand elle arrivera, d’où et sous quelle forme.

Contre la casse de nos conditions de vie, il nous faut une alternative

Si les représentants de la bourgeoisie célèbrent la croissance avec tant d’emphase, c’est notamment qu’ils essayent de renforcer la légitimité de leur système. Ainsi, sur l’année 2017, 1% de l’humanité a capté 82% de la valeur créée(9). La casse des conditions de travail et des salaires n’est pas étrangère à un tel résultat. Se focaliser sur la quantité en parlant des ‘‘bons chiffres de l’emploi’’ masque la qualité de ces emplois : les relativement bons emplois qui ont disparu sont systématiquement remplacés par des contrats précaires, ultra-flexibles ou à temps partiel. La pénibilité présente sur les lieux de travail couplée aux discours triomphalistes sur la croissance peut aussi stimuler la lutte, comme cela a été le cas en Allemagne, où le syndicat IG Metall a pu obtenir une augmentation salariale de 6% (voir notre édition précédente).

Lutter pour de meilleures conditions est évidemment indispensable, mais cela ne suffira pas à fondamentalement régler le problème. La recherche de profit des capitalistes se fait à court terme, sans la moindre attention pour répondre aux besoins de la population, tant que l’exploitation reste possible. L’anarchie de la production sous le capitalisme ne peut signifier autre chose que des crises économiques, sociales et environnementales. Nous avons besoin d’un système économique rationnel, d’une économie démocratiquement planifiée pour répondre aux besoins de la majorité sociale et de l’environnement. Revendiquer le contrôle des secteurs-clefs par les travailleurs est une condition cruciale pour y arriver.

1) http://premier.fgov.be/fr/r%C3%A9action-face-%C3%A0-la-%C2%AB-grande-coalition-%C2%BB-en-allemagne-nous-ne-pouvons-pas-perdre-de-temps
2) http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2018/01/09/global-economy-to-edge-up-to-3-1-percent-in-2018-but-future-potential-growth-a-concern
3) http://www.oecd.org/fr/eco/perspectives/perspectives-economiques-analyses-et-projections/
https://www.imf.org/fr/Publications/WEO/Issues/2018/01/11/world-economic-outlook-update-january-2018
4) https://www.rtbf.be/info/economie/detail_previsions-de-croissances-et-d-emploi-la-feb-optimiste-pour-2018?id=9802823
5) http://trends.levif.be/economie/politique-economique/la-banque-mondiale-optimiste-sur-la-croissance-mais-pas-a-long-terme/article-normal-781249.html
6) https://www.lesechos.fr/monde/europe/0301388896700-le-risque-de-guerre-commerciale-incite-la-bce-a-la-prudence-2159200.php
7) https://www.lecho.be/actualite/archive/La-fete-est-finie-La-volatilite-revient-sur-les-marches/9981413
8) https://www.reuters.com/article/us-global-debt-iif/worldwide-debt-more-than-triple-economic-output-as-central-bank-shift-looms-idUSKBN1CU1V9
9) Rapport sur les inégalités d’Oxfam, édition de 2018, “Récompenser le travail, pas la richesse”.

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