La droite ne pliera que si elle a peur Mais: “Tout objectif sans plan n’est qu’un souhait.’’ (Antoine de Saint-Exupéry)

Manifestation en défense de nos pensions, décembre 2017. Photo : Mario

Dans son interview accordée au quotidien flamand De Standaard le 3 mars dernier, Paul Magnette n’avait pas tort sur un point au moins : ‘‘La droite ne pliera que si elle a peur’’. En dépit des tensions internes, d’une popularité en berne et l’amateurisme crasse de ses ministres, le gouvernement Michel n’a pas très peur en ce moment. La raison en incombe à l’absence de toute opposition suffisamment conséquente. Ce n’est pourtant pas le potentiel qui manque.

Edito de l’édition d’avril de Lutte Socialiste, par Nicolas Croes

Un gouvernement en posture de faiblesse

Les réductions salariales (avec le saut d’index mais aussi toutes les taxes supplémentaires sur l’énergie, le sucre, le tabac, etc.), les attaques contre les pensions et la criminalisation des membres les plus faibles de la société n’y font rien : le gouvernement n’atteint pas ses propres objectifs. L’excédent budgétaire se fait attendre et il n’y a pas de réduction fondamentale de la dette publique. Ce que le gouvernement prend dans les poches de la collectivité a depuis longtemps été dépensé en cadeaux fiscaux et autres pour les ultra-riches.

Le gouvernement aime attribuer la relative relance économique actuelle à l’impact de sa politique. Cette dernière assure par ailleurs que nous n’en ressentons pas les effets. Selon une étude de l’Institut européen des syndicats (ETUI), en 2017, le salaire réel en Belgique était 1,1% plus bas qu’en 2010. La productivité a par contre augmenté de 6,6 % au cours de la même période. Ceux qui travaillent voient leur situation empirer tandis que de plus en plus de gens sont laissés pour compte : 21,5% de la population affirme avoir du mal à joindre les deux bouts selon l’institut belge de statistiques.

Cette politique dégrade la popularité du gouvernement. Selon le sondage VTM / Het Laatste Nieuws du 9 mars, le gouvernement parvient à obtenir 72 des 150 sièges du Parlement. Avec les quatre sièges du CDH, une majorité est encore possible, mais fort étroite. Qu’en sera-t-il lors des élections de mai 2019 ? C’est très incertain.

Outre les conséquences de la politique d’austérité, la position du gouvernement est minée par ses propres agitations. La dernière en date est la dissimulation de mensonges dans le cadre de l’achat de nouveaux avions de chasse F35. Le ministre de la Défense Steven Vandeput (N-VA) affirme qu’il ne savait rien, ce qui signifie au minimum qu’il n’a pas de contrôle sur son propre sommet militaire. Quoi qu’il en soit, il est peu évident d’expliquer pourquoi des milliards sont dépensés pour de nouveaux avions de combat alors que les anciens n’ont pas besoin d’être remplacés. Et que les moyens manquent pour nos pensions, l’infrastructure ou les services publics. Lorsqu’elle était encore sur les bancs de l’opposition, la N-VA parlait de l’achat de F35 comme d’un ‘‘suicide fiscal’’, ‘‘certainement en période d’économies’’. (Communiqué de presse du 19 octobre 2011). Mais ça, c’était avant.

Les querelles incessantes entre partenaires de la coalition, particulièrement du côté flamand, complètent le tableau.

Comment faire peur à ce gouvernement affaibli ?

Dans son interview au De Standaard, Paul Magnette a développé ce qui a jadis effrayé la droite. ‘‘Lorsque qu’ils craignaient l’éclatement d’une révolution communiste après la Première Guerre mondiale, ils ont introduit le suffrage universel et la journée des huit heures. La menace d’un mouvement de masse et le renforcement de la position de l’Union soviétique après la Seconde Guerre mondiale ont conduit à la mise en place du système de sécurité sociale’’. Magnette reconnaît ainsi ce que nous avons écrit dans notre édition de février : ‘‘Ce gouvernement ne cèdera que si son existence est menacée’’. Mais dans les deux périodes citées, les prédécesseurs de Magnette à la tête du parti ont tout fait pour arrêter une potentielle révolution par en bas avec des réformes par en haut.

Si ce gouvernement tient encore bon, c’est que l’opposition n’utilise pas, ou à peine, ses faiblesses. Elle les partage d’ailleurs. De quelle crédibilité dispose encore le PS lorsqu’il crie au scandale alors que ses propres dignitaires se sont enrichis en allant jusqu’à se servir dans les fonds destinés aux sans-abri à Bruxelles? Comment ce parti peut-il s’opposer sérieusement à l’achat des F35 alors que c’est sous le gouvernement Di Rupo, avec le ministre De Crem, que la voie a été ouverte pour cette dépense de milliards d’euros ? Vous-même ne manquez très certainement pas d’exemples de la sorte.

Nous sommes nombreux à vouloir mettre fin à l’austérité. Pour que cet objectif soit atteint, il nous faut un plan. De cette manière, il nous serait possible de mobiliser la colère générale qui s’exprime non seulement dans les sondages, mais aussi dans toute action syndicale, même appelée au dernier moment et sans perspective claire. Un potentiel ne dure pas éternellement. La dynamique créée par les manifestations et grèves de l’automne 2014 a été laissée en plan. Bien des militants, dégoutés, ont ensuite jeté l’éponge. L’opinion publique elle aussi a tourné. Mais des actions bien préparées – construites avec des assemblées du personnel et reposant sur des objectifs clairs et adaptés aux situations concrètes de chaque secteur – feraient toute la différence. Il semble hélas que les dirigeants syndicaux ne soient pas prêts à aller au-delà d’une vaste campagne d’information sur les pensions et veuillent se concentrer sur les élections plutôt que sur les actions.

Pareil attentisme est dangereux. Faute d’être organisée, la colère peut se transformer en fatalisme voire même en cynisme. Dans un tel contexte, les préjugés racistes et les provocations les plus diverses peuvent prendre racine. La N-VA ne se retiendra pas. Dans un tel cas de figure, l’arrivée d’un deuxième gouvernement Michel n’est pas à exclure.

L’enjeu des élections d’octobre

Avant les législatives, il reste encore les communales et les provinciales. Du côté néerlandophone, elles offriront la possibilité d’élire des membres du PTB à divers conseils communaux. Du côté francophone, la possibilité de coalitions progressistes PS / Ecolo / PTB suscite un certain enthousiasme. La perspective de telles coalitions est également défendue à la FGTB. L’occasion est à saisir pour défendre un programme combatif au cours d’actions et de campagnes. Le PTB devrait utiliser cet enthousiasme pour s’engager dans l’offensive et exercer une pression maximale sur le PS pour le forcer à regarder à sa gauche et non vers le MR.

Ce soutien croissant pose de grands défis au PTB. Participer à la gestion d’une commune sans faire de différence conduira à une punition rapide et sévère. C’est ce que nous avons vu avec l’arrivée de Syriza au pouvoir en Grèce, mais aussi avec le SP hollandais aux élections locales du 21 mars dernier. Il n’y a pas de choix, il faut construire un rapport de force dans la perspective d’entrer en confrontation ouverte avec le capitalisme. Cela nécessite une mobilisation conséquente organisée autour d’un programme combatif mais aussi de politiquement préparer les couches plus larges de la population avec des débats ouverts et démocratiques. Il faudra parler de propositions et mesures concrètes, mais aussi de la manière de résister à la riposte de l’establishment capitaliste qui fera tout pour étouffer dans l’œuf chaque alternative anti-austérité. Il n’y aura qu’une direction à prendre: celle du socialisme démocratique. Les marges pour mener une autre politique sont absentes dans la société capitaliste.

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