Ce fut un reportage remarquable sur la télévision locale AVS du 29 janvier : une cinquantaine d’élèves de l’école St Lucas à Gand ont mené une action devant l’entrée de leur établissement pour défendre le droit de parler du sexisme à l’école et pour imposer une série de mesures à cet égard. Les élèves impliqués sont organisés au sein de la campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité). Nous en avons discuté avec Mai, l’une des pionnières de ROSA – St Lucas.
D’où est venue cette idée d’agir contre le sexisme à l’école ?
‘‘Le point de départ n’était pas tellement le sexisme à l’école. Le sexisme est un vaste problème social qui se reflète par conséquent à l’école. L’école est un lieu de socialisation important. Elle joue un rôle majeur dans la vie des jeunes, mais aussi dans la formation et la détermination d’idées sur les relations sociales. Les jeunes font souvent l’expérience du sexisme pour la première fois à leur école.
‘‘L’attention pour #Metoo a pénétré les conversations à l’école. Ce qui se passe dans la société a des conséquences à l’intérieur des portes de l’école. Nous avons donc jugé nécessaire de mettre en place une campagne qui rende le sexisme discutable au sein de l’école.
‘‘Avec cette campagne, nous voulons mettre le thème à l’agenda et sensibiliser les jeunes. Nous avons réuni un premier groupe dans notre comité ROSA à l’école. Là, nous avons eu une discussion sur le sexisme et comment il se manifeste. Ce n’était pas une discussion personnelle : il s’agissait de savoir ce qu’est le sexisme, d’où il provient et ce que nous pouvons faire à ce sujet.
‘‘Sur cette base, nous avons fait des demandes concrètes : des serviettes hygiéniques et des tampons gratuits dans chaque toilette à l’école; des leçons d’éducation sexuelle qui vont au-delà de la biologie et qui ne sont pas seulement centrées sur l’hétérosexualité mais aussi sur le sexisme, le consentement mutuel, la différence entre genre et sexe,… ; le droit de porter ce que nous voulons sans être dérangées ; des cours à l’école vers le 8 mars sur la lutte contre le sexisme et un espace pour les initiatives des élèves eux-mêmes.’’
Comment avez-vous mis en place une action à partir de là ?
‘‘Des discussions sont venues des idées précises de ce que les jeunes considèrent eux-mêmes comme important et nous avons fait une pétition autour de ces revendications. Son but n’était pas tant de récupérer un certain nombre de signatures que de discuter du sexisme avec cet instrument. Cette approche a permis d’attirer des jeunes et, surtout, de leur permettre d’en parler dans leur entourage. Cela a concrétisé le soutien que nous avons reçu.
‘‘Nous avons décidé de remettre la pétition à la direction lors d’une action à l’entrée de l’école. Nous sommes retournées à l’école pour attirer autant d’étudiants que possible. Nous avons mené l’action à l’extérieur pour en augmenter la visibilité. Cela rend la pression sur la direction plus grande et rend notre action également plus visible pour les étudiants eux-mêmes. Avec la campagne, nous voulions mettre la lutte contre le sexisme à l’ordre du jour, dans le cadre d’une campagne plus longue dans laquelle la marche contre le sexisme du 8 mars est également très importante. Nous réalisons que pour faire respecter nos exigences, nous devons aussi regarder plus largement : il y a trop peu de moyens pour l’enseignement. Une lutte générale est nécessaire.’’
Comment la direction a-t-elle réagi ?
‘‘La campagne a été très réussie avec 50 à 60 participants qui ont scandé des slogans très forts. ‘‘Mon corps, mon choix’’ a eu un succès frappant. Cela concerne plus que le sexisme : nous voulons prendre le contrôle de notre propre vie et de notre avenir nous-mêmes.
‘‘La direction a tout d’abord réagi avec prudence. Elle a défendu que le sexisme n’est pas un tabou dans cette école, une école d’art. Elle a simplement nié le problème. Un certain nombre d’enseignants ont toutefois estimé que quelque chose devrait être fait contre le sexisme. La pression a augmenté et nous avons été invités à la direction pour un entretien avec les enseignants.
‘‘Des promesses y ont été faites pour répondre à quelques revendications : il y aurait une heure de cours annuelle de sensibilisation, la mise sur pied d’un groupe de travail pour organiser quelque chose autour du 8 mars à l’école et, dans la même semaine, un cours serait donné dans chaque classe sur la lutte contre le sexisme. Toutes les revendications n’ont pas été satisfaites, seulement ce qui est facilement réalisable avec le budget limité de l’école. Une nouvelle campagne sera donc nécessaire pour donner suite aux promesses faites et pour faire passer les autres exigences, même s’il y a une opposition de la part de certains enseignants.
‘‘Nous avons diffusé une lettre ouverte au sujet des actions et de ce qui en est sorti. Nous appelons également à nous organiser davantage et à manifester le 8 mars. Une deuxième version de la lettre ouverte a été distribuée à 12 autres écoles. Cela augmente la pression sur la direction de St Lucas et donne un exemple pour les étudiants d’autres écoles : oui, on peut s’organiser et, par exemple, utiliser une pétition, créer un comité d’action et participer activement à la lutte contre le sexisme !
‘‘Toutes ces actions, y compris la marche contre le sexisme du 8 mars, sont un tremplin pour d’autres campagnes. L’expérience du comité d’action de notre école a été très instructive. Nous évaluons les actions, faisons d’autres plans et discutons des perspectives pour la lutte. De cette façon, nous apprenons aussi à convertir une argumentation en pratique. Ça introduit une culture de discussion à l’école avec laquelle nous pouvons également être actifs autour d’autres thèmes et essayer de nous battre pour que notre avenir soit entre nos mains.’’
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