Que fait encore la CSC avec les vautours patronaux du CD&V ?
Le professeur de droit canon Rik Torfs a l’art typique du CVP pour louvoyer entre les questions, ce que l’on appelle aussi de l’hypocrisie dans le langage populaire. Si l’on en croit l’exode du CD&V de politiciens marqués CSC, seul le CD&V a le nez fin pour trouver des gens talentueux. Nous devrions être fiers que Leterme prenne le poste de secrétaire général adjoint de l’OCDE, l’organisation des 31 pays les plus riches au monde. En coulisse, on chuchote toutefois que cet emploi n’est pas du tout aussi prestigieux que ce qui se prétend au CD&V, ce serait au contraire un job réservé d’ordinaire aux diplomates, pas à d’ex-ministres ou d’ex-Premiers ministres.
Par Eric Byl
Après le départ de Vervotte et l’annonce que Van Ackere serait en vue pour le poste de gouverneur de Flandre Occidentale se dresse inévitablement la question de savoir ce que fait encore la CSC avec tous les vautours patronaux qui restent au CD&V. Existe-t-il encore l’illusion qu’elle peut empêcher un cours encore plus à droite ? Le modèle d’un parti populaire tel que le CVP, basé sur la conciliation de classe, a dépassé depuis longtemps sa date de péremption. Ce constat n’exigeait pas 40 ans de politique d’économies, c’était déjà très clair après 20 ans. La crise de la dioxine de ’99 peut bien avoir constitué la cause immédiate qui a plongé le CVP dans les abysses électoraux, le déclin avait été amorcé beaucoup plus tôt, à vrai dire à partir du moment où la croissance d’après-guerre s’est confrontée aux limites du marché capitaliste.
Au sommet de la CSC, tout comme de la FTGB, on a pensé pendant longtemps que les bons jours reviendraient finalement, moyennant quelques concessions des travailleurs. Après 7 années de vaches grasses, 7 années de vaches maigres et ainsi de suite, comme on le sait. Mais après chaque concession, les patrons ont demandé plus. Dans ce contexte, les partis traditionnels si dominants dans la période d’après-guerre, pensons à l’Etat-CVP, ont progressivement vu s’éroder leur soutien social. Le sommet syndical aurait dû dire "stop" à ce moment-là déjà. La base a démontré plus d’une fois qu’elle en avait assez. Mais au lieu de se baser sur la force du mouvement ouvrier, les directions syndicales appuyé sur la pédale de frein. Que nous nous trouvions aux starting-blocs, prêts à nous lancer, et nous étions à nouveau freinés… pour ne pas heurter les amis politiques.
En ’99, au moment où le vieux CVP vacillait, la CSC aurait pu prendre les commandes en mains. Sur base de sa forte position dans le mouvement ouvrier et de sa position dominante dans le secteur des soins de santé et de l’enseignement, le CVP aurait sans nul doute pu se remettre, mais il aurait alors dû s’opposer diamétralement à l’aile patronale. Le sommet de la CSC a à ce moment-là eu plus peur de sa base que des soi-disant opposants du patronat. Par conséquent, la carte qui a été jouée n’était pas celle d’une opposition pour défendre les salaires et les allocations sociales contre les attaques néolibérales de la coalition des libéraux, des "socialistes" et des verts, mais bien la carte nationaliste. Cela semblait contrôlable, car la Volksunie avait cessé d’exister et la NV-A n’avait encore que péniblement obtenu un élu, Geert Bourgeois.
Une erreur d’estimation. Les élections fédérales de 2007 ont donné une nouvelle signification au terme de "victoire à la Pyrrhus". Le pays est depuis totalement bloqué. La "solution" de bart De Wever, une négociation confédérale, est entièrement impossible, mais il le sait. A combien s’assoir à la table ? A deux, et Bruxelles sous tutelle commune, comme le veut la NV-A mais ce pour quoi n’est aucune instance démocratique, ou à trois ? Le problème le plus important, Bruxelles, doit d’abord être résolu pour le scénario De Wever, mais on peut l’envisager. Et que faire des 6 bourgmestres des communes à facilités ? Un jour, les bourgmestres devront être nommés. Sans alternative, parce que seuls 25 à 35% maximum des électeurs votent pour des partis flamands, le Gouvernement flamand peut bien être contre les nominations, mais pas indéfiniment. La NV-A tout de même pas obliger de voter flamand sous peine de purification ethnique ?
Le départ de Leterme est l’échec de la politique de la direction de la CSC pour limiter les dégâts en s’abritant sous les ailes du CD&V, tout comme les résultats électoraux désastreux de la social-démocratie en Flandre devraient être une sonnette d’alarme pour la direction de la FGTB concernant la patience de la base envers ce parti. Le paysage politique du capitalisme belge d’après-guerre ne fonctionne plus. Il doit être revu, et le sera. Le mouvement ouvrier ne peut pas prendre une attitude attentiste et laisser l’initiative à toutes sortes d’aventuriers. Rik Torfs peut bien adopter diverses tactiques, la base matérielle de la politique de conciliation de classe a disparu et ne nous offre qu’une politique toujours plus à droite. Le mouvement ouvrier aspire à son propre instrument politique, cela doit être la conclusion de la direction de la CSC et de la FGTB. Nous appelons tous les syndicalistes à saisir le départ de Leterme pour démarrer cette discussion.