Deliveroo. Résistance contre la régression sociale et l’ubérisation de l’économie

Les coursiers de Delivroo en action au Royaume Uni

En octobre, la plateforme de livraison Deliveroo annonçait son intention de modifier le mode de rémunération et de condition d’emploi de ses livreurs. Elle veut imposer à l’ensemble de ses ‘‘partenaires’’ (comprenez : ses livreurs) de devoir passer au statut d’indépendant à partir du 31 janvier. Deliveroo ne souhaite plus les rémunérer à l’heure mais à la livraison, sans couverture sociale et sans rémunération minimale garantie.

Par Nicolas M (Bruxelles)

Pour le gouvernement et le patronat, le monde change et des réformes ‘‘courageuses’’ doivent être entreprises. La loi Peeters en Belgique et la loi travail de Macron en France donnent le ton. Les anciennes conquêtes sociales sont assaillies. Cette tempête de flexibilisation ne semble pas avoir de limite et, aujourd’hui, ce sont les coursiers de Deliveroo qui sont dans l’œil du cyclone. De telles sociétés mènent leur ‘‘modernisation sociale’’ au pas de charge.

Organisation collective

Depuis 2016 s’est constitué un Collectif des Coursier-e-s pour représenter et organiser les ‘‘partenaires’’ de différentes plateformes. L’initiative est à l’origine des différentes actions comme celle du 24 novembre ou encore des grèves des 8 et 13 janvier. Elle s’est montrée capable de coordonner des actions à Bruxelles, Liège, Malines, Anvers et Gand, avec le soutien de la CNE (centrale des employés de la CSC), de la CSC Transcom ou encore de l’ABVV (aile flamande de la FGTB). En Angleterre aussi, les coursiers ont lutté collectivement à diverses occasions lorsque Deliveroo a modifié les conditions de travail ou a licencié – pardon, ‘‘déconnecté’’ – certains livreurs justement actifs dans de tels comités. A Leeds (une grande ville du Nord de l’Angleterre), un collectif également soutenu par le syndicat local a été capable d’imposer la réintégration de 7 de leurs collègues mis hors-jeu par la direction car ils discutaient de leurs conditions de travail sur WhatsApp.

Avec ce statut d’indépendant que Deliveroo veut imposer à l’ensemble de ses livreurs en Belgique, l’entreprise veut isoler ses travailleurs dans le but de réduire à néant la résistance collective. Les journées d’actions qui ont eu lieu ces dernières semaines illustrent à quel point l’union et la lutte collective sont cruciales face à l’avidité patronale.

Quelles revendications ?

Jusque ici, les livreurs peuvent être salariés via la coopérative SMART. De cette manière, les livreurs accèdent au statut de travailleurs salariés en CDD de courte durée (minimum 3 heures), ils sont couverts par une assurance en cas d’accident et des cotisations sociales sont payées. Mais cela permet aussi à Deliveroo de se cacher et d’éviter ses responsabilités en tant qu’employeur. De plus, la SMART ponctionne sur les prestations ses frais de fonctionnement en tant qu’intermédiaire. En n’étant pas l’employeur officiel des coursiers, mais bien l’employeur officieux, Deliveroo peut contourner des notions jugées dépassées telles que le salaire minimum, la convention collective de travail, la représentation du personnel, etc. Bienvenue dans le monde merveilleux de la ‘‘nouvelle économie de plateforme’’ !

Les coursiers en Belgique revendiquent la possibilité de choisir entre le statut d’indépendant et celui de salarié via la SMART. Ils exigent également de recevoir une rémunération minimum horaire garantie. Ils demandent encore une concertation avec la direction. Ils ajoutent aussi que l’idéal serait d’être directement salarié par Deliveroo, avec de vrais contrats de travail. Ce dernier point est crucial.

Pour de vrais emplois avec de vrais contrats et de vrais salaires

A la RTBF, l’administrateur délégué de la SMART, Sandrino Graceffa, expliquait sa déception de voir sortir Deliveroo du giron de la SMART: ‘‘Nous étions en passe de réussir une expérimentation sociale qui permettait de démontrer qu’il était possible de trouver un modèle protecteur pour ces travailleurs ubérisés.’’ Le ‘‘modèle protecteur’’, c’est un contrat de travailleur salarié signé entre les travailleurs et leur employeur. L’expérience SMART permet à Deliveroo de pouvoir déconnecter n’importe qui n’importe quand puisqu’aucune obligation ou garantie n’est contractuellement signifiée avec des règles claires. Tout cela est jugé désuet, tout comme la période de travail, les horaires, le salaire brut, la durée de préavis, etc.

Le manque d’emplois permet aux patrons de proposer n’importe quoi. Et comme il y a toujours des travailleurs et des étudiants à la recherche de quoi boucler leurs fins de mois, les plateformes instrumentalisent la situation pour brandir que ce sont les travailleurs eux-mêmes qui désirent travailler de manière flexible. Cette économie de plateforme représente un défi pour les travailleurs et leurs organisations syndicales. Il s’agit d’un secteur à bas salaires qui joue le rôle de laboratoire d’expérimentation dans le but de torpiller les conditions de travail de façon plus généralisée. Le soutien des syndicats est capital et la syndicalisation des coursiers s’impose. Ce dont il s’agit, c’est de résister à un modèle de société barbare par une lutte qui exige d’être unifiée : étudiants, travailleurs précaires et salariés, tous ensemble pour des emplois décents.

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