Stop Théo ‘‘Trump’’ Franken : la lutte continue !

Manifestation du 13 janvier. Photo : Mario

Le samedi 13 janvier, des milliers de manifestants sont venus à Bruxelles pour y protester contre la politique d’asile cruelle et répressive de Theo ‘‘Trump’’ Francken. Pour Charles Michel, les choses sont pourtant claires: ‘‘La gauche ne propose aucune alternative crédible à ce que propose le gouvernement’’ (Le Soir, 09/01/18).

Par Pietro (Bruxelles)

L’accueil des réfugiés et la faillite du projet européen capitaliste

585 kilomètres de murs anti-migrants ont été construits en Europe depuis la chute du mur de Berlin. L’Europe-forteresse cherche même à repousser au loin ses murailles en externalisant les frontières et en négociant des accords avec des pays partenaires tels que la Libye ou la Turquie pour les amener à garder les réfugiés chez eux. Cette stratégie a fait de la Méditerranée la frontière la plus meurtrière au monde. Plus de 33.000 migrants sont morts en tentant de la traverser depuis 2000, constate l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans son rapport de novembre 2017.

Ce sont essentiellement les politiques néocoloniales et les guerres impérialistes qui donnent naissance à ces millions de migrants qui risquent leur vie pour atteindre un avenir meilleur. Mais chaque gouvernement tente de se décharger du problème sur d’autres pays, tout en laissant les réfugiés vivre dans des conditions inhumaines effroyables. Alors que L’UE concentre 22,1% des richesses mondiales, elle n’accueille que 6% des réfugiés dans le monde. Ce sont les pays pauvres qui en accueillent la majorité, soit plus de 90%.

Et en Belgique…

Cela fait déjà longtemps que la situation dramatique dans la Méditerranée et la politique raciste du gouvernement font débat et pousse à l’action bien au-delà des milieux activistes. Selon la Plate-forme de soutien aux réfugiés ‘‘Refugees Welcome’’, ce sont pas moins de 3.000 personnes qui sont impliquées dans l’accueil chez eux de réfugiés stationnant au parc Maximilien afin de les protéger des rafles de la police. Environ 400 sont ainsi logés chaque soir chez des particuliers. Des dizaines de milliers d’autres personnes sont investies dans l’accueil et l’assistance aux migrants sous d’autres formes, à Bruxelles et ailleurs.

Dans ce contexte, la Coordination des sans-papiers et plusieurs associations, organisations politiques et syndicats solidaires ont activement mobilisé sur ce thème. La manifestation nationale de la Coordination des sans-papiers du 12 novembre (voir notre édition précédente) a rencontré le succès. Il en fut de même avec l’action menée à l’occasion du sommet européen sur les migrations le 13 décembre, en dépit de la pluie battante. Le racisme est effectivement un problème très répandu, mais la solidarité active existe aussi très largement.

Les craintes et inquiétudes concernant la fragilité de la société actuelle ouvre un espace pour les populistes de droite et le racisme. Cela explique la popularité de Francken (N-VA), au Nord comme au Sud du pays. Nous ne pouvons inverser cette tendance qu’au moyen d’un programme social offensif et d’une lutte unifiée contre toute la politique d’austérité. Cela permettrait de faire prévaloir la solidarité qui existe déjà. La droite veut mettre un terme à cette situation, y compris avec un projet de loi qui permettrait d’entrer dans les domiciles privés pour arrêter des sans-papiers.

C’est toute la politique d’asile qui pose problème

C’est sur cet élan qu’est venu se greffée une autre date d’action, le 13 janvier. Ce jour-là, quelque 8.000 personnes ont manifesté à Bruxelles contre Theo Francken et la politique d’asile du gouvernement. Mais si les critiques sont nombreuses contre le gouvernement, diverses nuances se dégagent. Contre l’opposition parlementaire des partis traditionnels, le gouvernement rappelle facilement que le gouvernement Di Rupo avait pour secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration Maggie De Block (OpenVLD)… Louis Tobback (SP.a) a d’ailleurs déclaré dans une interview au magazine Knack : “pas mal de ce que Theo Francken fait, je le ferais aussi.” Balayer les critiques du PS ou du SP.a n’est pas très compliqué. Elles visent essentiellement la forme de la politique migratoire plutôt que son fond. Finalement, pour eux, le problème de Francken, c’est qu’il en fait trop et trop bruyamment.

Dans la rue, certains se limitent à exiger la démission de Francken, sans remettre en cause le gouvernement lui-même et en dépolitisant le débat. Il est selon nous illusoire d’imaginer une politique d’asile fondamentalement différente avec cela, même si cela serait considéré par beaucoup comme une victoire certaine. D’autres affirment: ‘‘Dans l’affaire Francken, il ne faudrait pas que l’arbre cache la forêt’’ en pointant du doigt le gouvernement et en demandant la démission du gouvernement dans sa totalité, mais sans donner de perspectives claires sur la suite. D’autres enfin veulent s’en remettre à l’Europe et à un système de quotas de réfugiés par pays.

Quelle alternative ?

La vague de solidarité actuellement à l’œuvre est impressionnante et de nature à remobiliser les plus démoralisés. Mais nous savons aussi que rien n’est pire que le cynisme né de l’espoir refroidi. Pour l’éviter, il faut parvenir à relier l’opposition à la politique d’asile du gouvernement à celles contre le reste de ses mesures antisociales en défendant des réponses à la crise en cours.

Le gouvernement essaye de monter les différentes couches de la population les unes contre les autres. Sans stratégie et confiance en la force du nombre, il est souvent plus facile de frapper vers le bas, vers des personnes encore plus exploitées et désespérées. Pour combattre cela, le mouvement doit clairement proclamer que ce ne sont pas les migrants qui sont responsables du manque de logements et d’emplois décents ou des trous dans la sécurité sociale. Nous avons tout à gagner en nous unissant en un puissant mouvement social pour arracher les moyens qui nous manquent pour offrir de bonnes perspectives de vie pour chacun. Les Paradise Papers ont encore illustré il y a peu que de l’argent, il y en a. Mais il faut vouloir aller le prendre là où il est.

Une véritable alternative sur le thème de la migration signifie également d’en finir avec les politiques de pillage et d’interventions militaires dans les pays du monde néocolonial. Au Soudan et ailleurs, des mobilisations populaires se développent contre les élites corrompues et les dictatures, et nous devons réfléchir au soutien à apporter à ces combats. Là-bas comme ici, seule une rupture anticapitaliste et un changement socialiste de société pourra défier cette situation. Mais cela ne tombera pas du ciel.

La manifestation du 13 janvier aura des suites (NDLR, cet article a été rédigé avant que ne se tienne la chaîne humaine de ce dimanche, avec une participation comprise entre 2000 et 3000 personnes). Nous essayerons au maximum d’élargir le débat sur le programme et la stratégie dont nous avons besoin là où nous sommes présents et où des structures de soutien existent. Ce n’est pas toujours le cas dans le pays. C’est pourquoi nous vous invitons vous-mêmes à constituer avec vos proches et vos connaissances des comités de soutien pour participer aux diverses actions. Nos militants seront ravis d’y partager leurs expériences à votre invitation.

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