Plan de relance à la FNAC : ici comme ailleurs, le patronat à l’attaque

Confrontée à des difficultés financières en 2004, la direction de la FNAC a imposé cette année un « plan de relance » particulièrement dur pour les employés de la multinationale. Ce plan s’est vu fortement critiqué par une partie des travailleurs de l’entreprise et plus particulièrement par le dépôt central d’Evere qui a marqué son opposition par près de huit jours de grève. Le magasin de Liège étant en ligne de mire pour une fermeture, c’est sur ce site que la déléguée CNE (Centrale Nationale des Employés, CSC) Sevgi Akyol a eu le plus à faire pour lutter contre ce plan. L’Alternative Socialiste l’a rencontrée.

Propos recueillis par Simon Hupkens

Peux-tu présenter l’implantation de Liège en quelques mots?

Sevgi Akyol : C’est une implantation qui employait 77 personnes, 74 depuis le plan de relance. La plupart des travailleurs sont syndiqués, majoritairement à la CNE. Il s’agit d’une « vieille » implantation donc avec pas mal d’employés qui sont en contrat à durée déterminée (CDD) et qui ont une assez longue carrière. Ce qui représente pour la direction un coût important et qui explique probablement la volonté pour l’employeur de s’en prendre au magasin de Liège pour faire des économies.

Rappelle-nous en quoi consistait le plan de relance

Sevgi Akyol : Initialement il comprenait la suppression de 25 équivalents temps pleins, l’introduction d’une nouvelle grille salariale nettement moins intéressante qui implique des salaires inférieurs de 10 à 15 %. En plus, l’introduction de la flexibilité et du salaire au mérite ce qui, en plus d’être une arnaque puisque ça concerne à peine 0,5% du salaire, met les collègues en concurrence. Cela va se ressentir dans l’ambiance de travail.

Comment les travailleurs ont-ils accueilli ce plan?

Sevgi Akyol : Il a été annoncé en mars. Nous savions que l’entreprise rencontrait des problèmes pour l’exercice 2004, mais pas à ce point là. Ca a été une surprise pour tout le monde. Il y a eu pas mal de colère surtout par rapport aux licenciements que nous avons tout de suite refusé en bloc. Nous voulons bien faire un effort si l’entreprise est en perte mais il ne faut pas nous demander n’importe quoi. La direction voulait tout : des licenciements, la flexibilité, 10% de rabotage des salaires, le blocage des traitements pendant 3 ans, l’augmentation du laps de temps pour changer de catégorie salariale…

Certains employés en ont vraiment eu marre des méthodes de la direction. Ils sont préférés partir volontairement plutôt que de travailler dans pareilles conditions. C’est une perte pour l’entreprise en terme d’expertise et de professionnalisme parce que c’était des gens qui aimaient leur métier et qui avaient à cœur de bien le faire.

Quelles a été la stratégie patronale?

Sevgi Akyol : Durant tout le conflit, la direction s’est montrée vraiment intransigeante et arrogante. De bout en bout, elle a fait des difficultés pour négocier en usant de divers prétextes. Entre autre parce qu’il y avait une menace de grève, parce que les travailleurs ont fait grève ou parce que nous accordions un entretien à la presse. Le chantage à la fermeture était très dur et ils n’ont pas hésité non plus à utiliser les délégués comme boucs émissaires en nous rendant responsable de l’échec des négociations. Ils m’ont notamment imputé la responsabilité de l’éventuel fermeture du magasin de Liège. Cela a été jusqu’à instrumentaliser une collègue contre moi. Mais heureusement nous avons pu déjouer leur stratégie. Ce plan est la conséquence de facteurs conjoncturels, d’une concurrence agressive, mais aussi un manque d’anticipation et d’organisation de la direction. La mise en place d’un nouveau système informatique censé améliorer la situation n’a fait que l’empirer. Maintenant, c’est nous qui payons ces erreurs par des licenciements ou des départs « volontaires ».

La direction a pourtant consulté le personnel sur ce plan de relance…

Sevgi Akyol : C’est vrai mais la direction a joué la carte de la désinformation. La conciliation sociale a été demandée par la direction et paradoxalement le referendum a été suggère par le banc syndical! C’était, de l’avis des délégués syndicaux locaux, une mauvaise idée car la direction a pu influencé le scrutin par les menaces de fermetures! Les délégués ont seulement eu droit à un pavé de 157 pages de fouillis et à 3 réunions du conseil d’entreprise pour expliquer la situation aux travailleurs. Et surtout, il y avait un pression énorme sur les employés : le choix qui était devant nous à Liège, c’était « soit vous acceptez le plan, soit on ferme le magasin ». Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que la plupart des employés aient dit oui au plan (75% des votants). La direction a tout fait pour désavouer les représentants légitimement élus par les travailleurs en refusant de négocier avec eux . Le referendum est un mode de consultation démocratique, mais ici ça a été dévoyé par l’attitude autoritaire de la direction et l’atmosphère d’intimidation qu’elle a induit. D’autant que la direction comme le personnel encadrant s’est exprimé alors qu’ils n’était pas concernés par les mesures salariales du plan.

Le personnel s’est-il montré combatif?

Sevgi Akyol : A la fois combatif et résigné. Il y a eu peu de collègues du côté de la direction mais il y en a eu. Ceux-là feraient bien de se demander quel avenir ils laissent à leurs enfants en agissant de la sorte. Les restructurations comme celles qui ont eu lieu à la FNAC se multiplient un peu partout. Et les directions recourent de plus en plus à des méthodes de « terrorisme » au sein du personnel pour faire passer leurs plans. Que se passera-t-il si nous ne réagissons pas ?

Et les directions syndicales?

Sevgi Akyol : Elles ont été peu présentes dans les journaux ce qui a étonnés plus d’un travailleur au vu de l’acharnement médiatique de la direction. Sur le terrain, on a maintenu notre tradition de front commun. On n’a jamais fait de clientélisme syndical à la FNAC de Liège. Quelle que soit l’appartenance d’un travailleur, on l’a toujours défendu. Ca « irrite » parfois nos syndicats respectifs, mais ça nous donne une force face à la direction. Ils ne sont jamais parvenus à nous diviser entre organisations syndicales.

Vous avez reçu le soutien de la clientèle?

Sevgi Akyol : Oui, ils ont été formidables. Comme nous ne pouvions pas faire de piquet de grève à cause des menaces d’astreinte, les délégués des différents sites ont établis une stratégie en front commun pour contourner cette atteinte au droit de grève. Nous avons distribué un tract et fait signer une pétition aux clients pour leur faire connaître nos revendications. Beaucoup voulaient faire quelque chose pour nous. Ils comprenaient la situation.

Tu peux expliquer en quoi consistaient ces astreintes?

Sevgi Akyol : Nous avons décidé une action de grève pour contrer le plan et soutenir nos collègues d’Evere, même si nous savions que la direction ferait appel au tribunal des référés comme elle l’avait déjà fait en obtenant une astreinte de 5000€ par heure pour chaque gréviste présent au piquet du dépôt central. C’est pour cela que nous avons décidé cette action d’information à la clientèle. Cette décision du juge montre vraiment que la loi n’est pas faite pour les travailleurs, qu’elle est du côté des patrons et qu’il faut se poser la question du droit au travail et du droit de grève.

Quelle est l’ambiance depuis que le plan de relance a été accepté?

Sevgi Akyol : Dès la signature de la nouvelle convention, la direction a commencé à houspiller les employés, plus précisément au dépôt d’Evere. Et dans tous les sites, nous constatons une volonté de prendre les employés en faute pour pouvoir procéder à des licenciements secs et sans indemnités. Il y a eu encore des licenciements et notamment pour faute grave. Dans certains cas, nous avons constatés de la part de la direction des manquements dans le respect des conventions et du droit des travailleurs. Tous les prétextes sont bons. Récemment, un collègue a été menacé de licenciement parce qu’il ne pouvait pas changer son horaire. C’est pourtant contraire à une des clauses du contrat de travail qui stipule que c’est de commun accord que l’employé et le patron fixent les horaires. Nous sommes devant une période très dure où il va falloir se battre pour tout. Même pour qu’ils respectent la convention, ça ne va pas être facile.

Cet exemple illustre bien la tendance actuelle du patronat, quel que soit le secteur d’activité, à réduire les acquis voire à les supprimer. Le seul rempart que nous avons par rapport à ces atteintes reste encore la solidarité entre collègue et, comme l’a montré l’exemple des délégations de la FNAC Belgique, le front commun syndical.

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Première page de Lutte Socialiste