Après les mensonges, le chantage. Mais sur le fond, ils sont d’accord.

Manifestation contre la visite de Francken à l’université d’Anvers fin 2017.

Theo Francken doit rester en place, faute de quoi la N-VA provoquera une crise gouvernementale. De Wever n’aurait pas pu être plus clair ce week-end : « Si on demande à Theo Francken de se retirer, alors la N-VA se retirera. À ce sujet, je suis très clair. Je soutiens Theo Francken et je ne le laisserai pas tomber ». Si Theo Francken s’est retrouvé dans une telle situation, ce n’est pas en raison de sa politique, mais bien parce qu’il a menti au sujet de celle-ci. L’occasion a été saisie par le CD&V, l’Open-Vld et le MR pour aboyer contre la N-VA, en prenant toutefois bien garde de ne pas mordre. C’est qu’ils ne désirent vraiment pas aborder le fond de la question : la politique d’asile antisociale des autorités.

Qui a le plus gros bouton rouge?

Comme à son habitude, De Wever a réagi en aboyant encore plus fortement. Sur le plateau de l’émission « De zevende Dag » (VRT), le député européen Ivo Belet (CD&V) a déclaré que Theo Francken aurait dû démissionner depuis longtemps. Son collègue du CD&V, Eric Van Rompuy, Charles Michel est devenu « la marionnette » de la N-VA. Il a également accusé la N-VA d’être responsable d’un « climat politique écœurant » en recourant notamment à des tweets populistes. Ni Belet ni Van Rompuy n’ont toutefois été jusqu’à remettre en question la participation du CD&V à ce gouvernement… Ils ont laissé à leur président le soin de se prononcer. Mais Wouter Beke a déjà indiqué que le CD&V n’allait pas exiger le renvoi de Francken.

Nous avons déjà assisté il y a peu à la petite joute des présidents des partis présents au gouvernement fédéral par le biais de tweets particulièrement empoisonnés concernant les émeutes. De Wever avait une fois de plus atteint le sommet en menaçant de faire chuter le gouvernement. Difficile de ne pas penser à Donald Trump qui a répondu au message de Nouvel An de son homologue nord-coréen, qu’il appelle « Rocket-Man », en déclarant que lui aussi avait un bouton rouge ‘‘plus gros et plus puissant que le sien’’ pour lancer des missiles nucléaires. Ce système capitaliste plongé dans la crise en crise génère des leaders politiques qui se décrivent – sans rire – comme des ‘‘génies stables’’ alors qu’ils discutent sur Twitter de qui a le plus gros bouton rouge !

Au milieu des mensonges et du chantage, un accord sur l’austérité

Si Francken est capable de s’en tirer avec ses mensonges et De Wever avec son chantage, c’est avant tout parce que la totalité des partis du fédéral partage la politique à propos de laquelle on ment. Ces dernières années, les conditions de vie de la majorité de la population ont durement été frappées : saut d’index, augmentation de l’âge de départ en pension, suppression progressive des retraites anticipées, flexibilité et précarité renforcée,… Pour mettre en œuvre ce type de mesures, le gouvernement ne s’embarrasse pas de tellement de discussions. Sur tout cela, la concorde règne en maître. Michel n’hésite pas à qualifier de menteur celui qui ose critiquer la logique de ces mesures antisociales sur base de faits et de chiffres. « Fake News ! » a-t-il encore osé dire au sujet des syndicats à la suite de la manifestation du 19 décembre dernier. Ce jour-là, des dizaines de milliers de syndicalistes défilaient à Bruxelles en défense de nos pensions.

Les partis établis ne veulent pas d’une campagne électorale dont le thème central serait la politique d’asile. Ils redoutent que cela profite à la N-VA. Le débat porte avant tout sur la forme et non sur le fond, comme l’a encore tout récemment illustré le ponte du SP.a Louis Tobback en disant : ‘‘Une grande partie de ce que fait Theo Francken, je le ferais aussi.’’ Il a au moins eu le mérite de résumer simplement toute la faiblesse de l’opposition. Et c’est vrai, Tobback a à plus d’un titre tracé le chemin pour Francken. Souvenons-nous qu’il a dû démissionner de son poste de ministre en 1998 trois jours après la mort de Semira Adamu. La seule critique de Tobback vis-à-vis de Francken, c’est qu’il en fait trop.

Il n’est pas évident d’en finir avec cette politique d’asile et ce racisme d’Etat qui condamnent les victimes de guerres, de tortures et d’exploitation extrême. Pour y parvenir, c’est avec le capitalisme lui-même qu’il faut rompre. Dans ce système, la concentration de richesses aux mains d’une infime élite signifie d’imposer une effroyable misère, d’exacerber les tensions parmi le reste de la population, de piller les pays du monde néocolonial,… Défendre une véritable politique d’asile, cela implique de s’assurer que plus personne n’ait à fuir la misère, la guerre ou la dictature tandis que des mesures soient prises pour garantir que les migrants ne soient pas instrumentalisé contre d’autres travailleurs en termes de conditions de travail, de vie ou de salaire. En entendant cela, les yeux des politiciens établis s’écarquillent : il est hors de question pour eux de toucher aux fondements de la logique de profit du capitalisme !

Francken s’est fait prendre pour avoir menti. Mais c’est la règle plutôt que l’exception dans ce gouvernement. Tous ses membres sont fiers des fameux nouveaux emplois créés par sa politique. En oubliant opportunément de préciser qu’il ne s’agit quasiment pas d’emplois décents à plein temps… Ça aussi, Charles Michel en parlera-t-il comme «d’informations incomplètes» au lieu de mensonges ? Les autorités fédérales répètent inlassablement que le progrès a embrassé la Belgique, alors que tous les chiffres indiquent que notre pouvoir d’achat et nos salaires réels sont en retard par rapport à ceux des pays voisins. C’est peut-être bien pour ça que l’on entend plus beaucoup parler de ce fameux ‘‘handicap salarial’’ d’ailleurs… On pouvait encore lire hier dans le quotidien flamand Het Nieuwsblad: « Au moins 1 Belge sur 20 ne peut pas chauffer suffisamment son logement. C’est ce qui ressort des chiffres d’Eurostat. »

Ce gouvernement n’a cessé de nous mentir au sujet de nos pensions, de nos salaires, de nos services publics,… Comme le dit Gwendolyn Rutten: « Celui qui fait violence à la vérité une fois sera mis en doute la fois suivante.’’ Et Wouter Beke : ‘‘Au sujet de tout ce qui est dit, nous ne savons plus distinguer le vrai du faux.’’ Instaurer l’austérité, ça passe quand même mieux en montant les différentes couches de la population frappée les unes contre les autres. Et dans ce cadre, un mensonge de plus ou de moins…

Le gouvernement ne parvient à s’en tirer qu’en raison de la faiblesse de l’opposition. Au Parlement, l’opposition se limite en grande partie à des remarques sur les mensonges de Francken tout en soulignant l’importance de l’enquête du Commissariat général aux Réfugiés et Apatrides sur les conséquences des rapatriements. La situation actuelle doit être saisie pour se mobiliser activement contre toutes les mesures antisociales de ce gouvernement de malheur – que le gouvernement ait menti ou non. Le succès de la manifestation du 19 décembre a encore tout récemment illustré le potentiel dont bénéficierait un mouvement social conséquent contre ce gouvernement de droite dure. Tout l’enjeu est de parvenir à construire une opposition active dans la rue pour mettre un terme à cette politique de casse sociale. Ce défi sera d’autant mieux relevé si le mouvement est armé d’un programme de rupture avec le capitalisme, un programme qui défend l’instauration d’une société socialiste démocratique, où les besoins de la majorité de la population sont centraux en lieu et place de la soif de profit de quelques-uns.

Pendant ce temps, au Soudan

Le week-end dernier, des actions de protestation ont eu lieu dans tout le Soudan contre l’augmentation des prix du pain. La répression des autorités s’est abattue sur le mouvement : des journaux ont été fermés, un dirigeant de l’opposition a été arrêté et la violence policière s’est déchaînée contre les manifestants. A Geneina, il y a eu un mort. Cette augmentation du prix du pain fait suite à la décision du gouvernement de stopper de subventionner cette denrée de base, dans le cadre d’un plus vaste paquet de mesures néolibérales faisant suite aux recommandations du FMI. Il y a quelques années, le pays avait déjà été secoué par des protestations de masse à l’occasion de l’augmentation des prix du carburant. Selon Amnesty International, en 2013, pas moins de 185 personnes ont été tuées dans la répression des manifestations. Cela est un temps parvenu à paralysé les protestations, mais les premiers signes d’un nouveau mouvement sont actuellement visibles. En septembre 2017, des actions d’étudiants avaient également eu lieu.

Samedi 13 janvier, 14h, gare du Nord à Bruxelles – Manifestation « Francken doit quitter le gouvernement » (événement Facebook)

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