[INTERVIEW] Sans-papiers : contrer la stratégie du gouvernement par l’unité des travailleurs

Le gouvernement Michel plonge la Belgique dans un climat de répressions énormes contre les migrants et les sans-papiers. C’est dans ce cadre que la Coordination des Sans Papiers de Belgique, avec la plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés et les syndicats, a organisé une grande manifestation à Bruxelles le 12 novembre dernier ‘‘Pour la justice sociale : régularisation’’. Pour comprendre les enjeux de cette mobilisation, nous avons discuté avec Pietro Tosi, animateur au MOC (Mouvement ouvrier chrétien) et au Comité des Travailleurs avec et Sans Papiers (TSP) de la CSC de Bruxelles et également membre du Parti Socialiste de Lutte.

Article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste

La répression politique provoquée par les politiques racistes du gouvernement est de plus en plus forte. Quel est votre avis sur le contexte politique dans lequel s’est déroulée la mobilisation de la manifestation ?

‘‘Rafles de migrants, arrestations, quotas d’expulsions, centres fermés, contrôles de papiers, voilà le résultat de la politique de Théo ‘‘Trump’’ Franken, N-VA, secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration.
‘‘Depuis sa nomination, il apparaît quasiment tous les jours dans les médias avec des déclarations nauséabondes : ‘‘nettoyage’’ des réfugiés du parc Maximilien, ONG accusées d’encourager la traite d’êtres humains en sauvant la vie de milliers de personnes dans les eaux de la Méditerranée !

‘‘La situation des personnes sans-papiers est des plus précaires : sans droit, sans logement, ils sont obligés d’accepter les pires conditions de travail, au noir, avec des salaires dérisoires et sans protection. C’est la volonté politique de ce gouvernement de droite. Maintenir une couche de la population sans droit profite aux employeurs qui utilisent des travailleurs moins chers.

‘‘Voilà la stratégie du gouvernement : utiliser le racisme comme outils de division entre les travailleurs au profit du patronat. Cette politique consciente utilise cette situation pour faire pression sur l’ensemble des salaires et des conditions de travail, contre tous les travailleurs. Ces attaques sur la couche la plus précarisée de la population s’inscrivent dans une offensive contre l’entièreté des travailleurs. Elles montrent à quel point les uns comme les autres ont véritablement des intérêts communs à défendre contre ceux qui les exploitent.’’

Plus de 3000 personnes ont manifesté ce 12 novembre, cela faisait longtemps que nous n’avions plus vu une telle mobilisation. Comment avez-vous préparé cela ?

‘‘Les militants du comité TSP de la CSC ont occupé l’espace public plusieurs semaines durant, sur les marchés matinaux et dans les occupations pour tracter et sensibiliser les autres sans-papiers à la nécessité de se mobiliser massivement pour cette date.

‘‘Des interventions des militants sans-papiers ont été organisées auprès de plusieurs délégués de centrales syndicales, notamment à la CSC-Metea, la CNE et à la CSC Alimentation et Service.

‘‘Le but du Comité était de construire des liens étroits entre les délégués et les travailleurs sans-papiers afin de renforcer la conscience de classe mais également pour faire du 12 novembre une manifestation non seulement de citoyens mais aussi de tous les travailleurs contre les politiques d’austérité de ce gouvernement.

‘‘Pendant cette campagne, les Etudiants de Gauche Actifs ont organisé plusieurs tractages dans les écoles et à l’ULB pour mobiliser parmi la jeunesse bruxelloise. Le jour de la manif, les militants du PSL, d’EGA et de la campagne ROSA ont organisé un bloc militant et combatif.’’

Quels sont les acteurs et les revendications de la plateforme en soutien aux sans-papiers ?

‘‘Les revendications de la coordination sont : la régularisation de tous les sans-papiers, le droit au logement, l’abolition des centres fermés, la liberté de circulation, l’arrêt des expulsions et de la criminalisation des sans-papiers, la fin du racisme et de l’hypocrisie de l’État, le respect des droits fondamentaux comme l’accès aux soins médicaux, à l’éducation et à la formation.

‘‘Les syndicats ajoutent comme revendication : l’égalité des droits, des critères clairs et permanents de régularisation, un titre de séjour pour toute personne dont les droits fondamentaux sont violés ou menacés, un permis de travail et un titre de séjour pour les travailleurs qui osent porter plainte pour exploitation, la fin des arrestations arbitraires, de la détention et des expulsions de migrants, la fin de la criminalisation des personnes sans papiers.

‘‘Tout cela serait bien sûr une énorme avancée face à ce gouvernement de répression.’’

Mais comment gagner tout cela face à ce gouvernement de droite ?

‘‘Dans le contexte actuel, pour arracher chaque réforme, il nous faut une lutte révolutionnaire. Ces revendications doivent être couplées à une lutte incessante pour l’unité du mouvement de tous les travailleurs contre les politiques d’austérité et le racisme, pour une société libérée de toutes les inégalités. Il faut nous opposer à ce système qui engendre misère et exploitation et qui repose sur la guerre et le pillage néocolonial poussant tant de personnes à fuir leur région au péril de leur vie.

‘‘Il nous faut organiser un rapport de forces pour construire un mouvement de lutte et de solidarité en faveur d’une société socialiste débarrassée de l’exploitation et de la concurrence.’’

Quel bilan tirez-vous et quelles suites envisagez-vous ?

‘‘On était tous très contents à la fin de la manifestation. Malgré le climat extrêmement pluvieux typiquement belge, très défavorable à une manifestation, plus de 3000 personnes ont rejoint l’appel de la coordination. Ce fut un grand succès du point de vue de l’enthousiasme avec lequel les participants ont pu animer le cortège de manière politique mais aussi festive.

‘‘On a enfin montré qu’il est possible de construire un rapport de force dans la rue pour et par les sans-papiers mais également avec des délégués syndicaux prêts à construire la solidarité et à se battre pour la régularisation !

‘‘La tâche qui se présente à nous maintenant est de garder le rythme de la mobilisation et de ne pas faire retomber cet enthousiasme. C’est pour cela que les militants du Comité reprennent la mobilisation pour deux autres dates très importantes : le 12 et le 13 décembre se déroulera à Bruxelles un sommet européen sur les politiques migratoires dans lequel les élites européennes discuteront de comment externaliser les frontières via la mise en place de HOTS SPOTS sur le territoire libyen. Ce sera l’occasion d’organiser un contre-sommet sur le dumping social, sur la politique meurtrière de l’Union Européenne et de se mobiliser tous et toutes dans la rue, le 13 décembre à 17h à Arts-Loi.’’

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