La N-VA et le nationalisme catalan: au plus on est loin de chez soi, au plus on est radical…

Photo : Jean-Marie Versyp

Bart Maddens, sommité du nationalisme flamand et mentor critique de la N-VA, était impatient d’aider le nationaliste catalan Puigdemont. Peter De Roover, chef de la fraction parlementaire de la N-VA à la Chambre, a pu commenter le référendum sur l’indépendance du 1er octobre aux nouvelles de la VRT en direct de Barcelone. On a pu voir des photos du nationaliste de droite Puigdemont mangeant à la table du N-VA Lorin Parys après sa fuite de Catalogne. Pas besoin d’autant d’expression du ‘‘nationalisme de droite’’ pour être irrité.

Par Peter Delsing

Le mouvement indépendantiste catalan est cependant un phénomène contradictoire traversé par une ligne de démarcation entre classes sociales aux intérêts divergents. D’un côté se trouvent Puigdemont et ses partisans de l’élite, de droite, pro-austérité. Mais de larges couches des masses catalanes, à la base du mouvement pour l’indépendance, considèrent cette dernière comme un moyen d’en finir avec la politique néolibérale et la répression du gouvernement Rajoy. Puigdemont et son parti, le PDeCAT, ont proclamé l’indépendance sous l’immense pression des travailleurs et des jeunes descendus dans la rue. Avant cela, leur position s’était toujours limitée à renégocier la contribution fiscale de la Catalogne au gouvernement central.

Depuis lors, la bourgeoisie catalane a voté avec ses pieds contre l’indépendance en délocalisant divers sièges d’entreprises en dehors de la Catalogne. Ils redoutent les conséquences sociales du mouvement de masse qui se développe autour de l’autodétermination et des droits nationaux, historiquement liés à la gauche, et qui peut commencer à défendre des revendications sociales. Les banquiers et industriels catalans frémissent face au climat quasi-révolutionnaire qui peut naître d’une telle situation. Quand Puigdemont déclare aujourd’hui qu’il est ‘‘contre une déclaration unilatérale d’indépendance’’, il rejoint ses patrons de la bourgeoisie catalane et revient à sa position initiale. Karl Marx faisait déjà remarquer en son temps que, depuis 1848, la bourgeoisie avait plus peur de la masse des salariés derrière eux que de la réaction féodale des rois !

Ce contexte social montre à quel point l’attitude de la N-VA est hypocrite. A la base, le mouvement catalan est un mouvement social et antifasciste. La N-VA, elle, est partisane d’un néolibéralisme brutal. Ses députés et ministres ne cachent pas leur sympathie pour une politique autoritaire. Le mouvement national catalan recourt aux grèves générales et aux manifestations de masse, des méthodes issues du mouvement ouvrier. La N-VA est fière d’être un parti antigrève. Avec le gouvernement Michel, elle ne cesse d’attaquer le droit de grève, à la SNCB notamment. Cela ne la dérange donc pas en Catalogne, pourvu que cela concerne les droits nationaux et non les revendications sociales ? L’hypocrisie des nationalistes de droite est écœurante.

Si De Wever & Co se sont jetés sur la cause catalane de leur ‘‘ami’’ Puigdemont, c’est aussi pour dissimuler aussi leur manque d’audace communautaire en Belgique. La condition de la mise en œuvre d’une politique d’austérité dure était que la ‘‘réforme d’Etat’’ devait être mise au frigo. La N-VA n’y a pas été contraire afin de participer à une offensive contre la classe des travailleurs et ses droits. Elle se heurte aussi au fait que les deux principales classes sociales en Belgique, les capitalistes et les travailleurs, sont toutes deux opposées à une division du pays.

La bourgeoisie belge ne s’est montrée disposée à confier le pouvoir aux éléments petits-bourgeois de la N-VA (qui représente plus les petits patrons de PME, les avocats, les professions libérales et les intellectuels de droite mécontents) que lorsque son programme communautaire a cédé la place à une politique thatchérienne. Ce faisant, elle verrait bien combien de temps une telle provocation pouvait durer contre le mouvement ouvrier et, dans l’intervalle, engranger tous les bénéfices possibles.

La N-VA est devenue adepte du grand écart communautaire parce que, pour la petite bourgeoisie, défendre la grande bourgeoisie passe généralement avant ses propres fantasmes politiques irréalistes. En réalité, la N-VA et Puigdemont s’opposent à une majorité progressiste qui, comme en Catalogne, pourrait utiliser l’autodétermination pour se débarrasser de la politique de profits avec des méthodes combatives de lutte de masse. C’est pourquoi les formations de gauche catalanes doivent défendre un programme qui lie immédiatement les droits démocratiques nationaux à la lutte pour des revendications socialistes. La nationalisation démocratique des secteurs clés de l’économie, couplée à un appel aux travailleurs espagnols et européens à suivre cette voie, pourrait radicalement changer l’équilibre des forces entre classes sociales en Catalogne, mais aussi en Espagne et à travers le continent.

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