Pour cadrer toutes les discussions concernant le droit d’asile et les réfugiés dans leur contexte réel, il est bien utile de prêter l’oreille aux réfugiés eux-mêmes. Personne ne fuit pour son plaisir, mais les chercheurs d’asile sont pourtant traités comme des citoyens de seconde zone. Le PSL s’oppose fermement à l’actuelle politique d’asile en disant qu’il faut s’en prendre aux multinationales qui pillent le monde néocolonial, pas à leurs victimes.
Nous avons donc parlé du sort des chercheurs d’asile en Belgique avec un jeune réfugié tamoul qui vient du Sri Lanka. Thuva (23 ans) a fuit le pays il y a de cela presque dix ans, avec ses deux frères, sa sœur et sa mère, après qu’une bombe ait tué son père et détruit leur maison. Ils sont premièrement allés à la principale ville du pays, Colombo, mais il était impossible d’y survivre pour Thuva et sa famille. La minorité tamoule est discriminée au Sri Lanka, et le pays a été marqué ces dernières années par une guerre brutale. Dans la dernière phase de celle-ci (jusque 2009), il y a eu au moins 40.000 morts et il est question de nombreux crimes de guerre commis par le régime.
Thuva explique: “Nous avons quitté le Sri Lanka, et pour ce faire nous avons payé 25.000 euros. Après six mois, nous sommes finalement arrivés en Belgique en 2002, et nous avons demandé l’asile politique. Cela nous a été refusé et ils nous ont transféré au centre d’asile de Florennes. Là, nous avons vécu avec notre famille dans une seule chambre, mais nous avions l’espoir de pouvoir rapidement sortir pour commencer à construire notre vie.
“La procédure a trainé et trainé et, après trois ans, nous avons reçu l’ordre de quitter le territoire. C’était un choc, un coup très grave. J’avais appris le français et j’allais à l’école, où j’avais d’ailleurs des bons résultats. Mais après cet ordre de quitter le territoire, la motivation avait disparu. Après ces trois ans à Florennes, nous avons vécu cinq ans à Bruxelles et, après, encore un temps à Alsemberg.
“Il y avait systématiquement de nouvelles procédures et il nous fallait payer des avocats pour pouvoir commencer une procédure et faire appel. Chaque fois, il fallait à nouveau trouver 250 ou 300 euros. Nous étions pris au piège dans un sentiment d’insécurité, notre requête était à chaque fois refusée malgré le fait que la population tamoule au Sri Lanka était victime d’un génocide. L’asile politique nous restait fermé. Finalement, nous avons obtenu des papiers, mais sur base d’une régularisation humanitaire.
“Ces neuf années dans les centres d’asile et les camps de réfugiés ont été une horreur, un véritable enfer. La moitié de ma vie m’a été volée à cause de ça. Je n’ai pas pu étudier, je vivais dans une insécurité constante et dans des conditions difficiles. C’était neuf années avec cinq personnes entassées dans une chambre, sans source de revenu et sans perspective d’avenir, c’était très dur. En plus, nous sommes arrivés dans différentes parties du pays. J’avais appris le français mais, à Alsemberg, je n’avais pas la permission d’aller dans une école francophone. Je devais donc apprendre le néerlandais, et ils m’ont laissé suivre des leçons avec de petits enfants.
“Je ne pouvais pas vivre comme ça et j’étais désespéré. A un certain moment, j’ai même tenté me suicider. Après, j’ai écrit des lettres au Roi, à la ministre Turtelboom, à Amnesty International,… Mais tout cela n’amenait à rien. Fin 2009, j’ai participé à un reportage pour Panorama sur Canvas. Après ce reportage, nous avons finalement reçu la nouvelle que nous pouvions rester.
“J’ai perdu neuf années. Nous avons fuit la guerre et le manque de perspectives, mais nous sommes arrivés dans des centres d’asile où nous avions tout aussi peu d’avenir. Nous avons eu besoin de beaucoup de patience et de courage pour survivre à cet enfer. Mais même maintenant, tout reste difficile. Sans diplôme, on arrive vite dans des boulots d’esclave où nous n’obtenons aucun respect.’’
Avec d’autres Tamouls, Thuva est actif dans notre pays dans la lutte pour que justice soit rendue à la population tamoule au Sri Lanka. Le PSL participe à ce combat. En mai, nous avons soutenu une action de protestation au Parlement européen contre les crimes de guerre du régime du président Rajapakse et après, une audition au Parlement a été organisée par le député européen Paul Murphy. Avec la campagne ‘‘Solidarité Tamouls’’, nous voulons faire en sorte que la lutte de la population tamoule devienne partie intégrante du mouvement ouvrier belge.