École d’été du CIO : Quelques explications sur le voyage du député européen Paul Murphy au Kazakhstan

Paul Murphy, euro-député Socialist Party (la section irlandaise du CIO) était présent lors de l’école d’été du CIO, tout juste de retour du Kazakhstan, après avoir participé à la Flottille de la Liberté en route pour Gaza et avoir été en Tunisie. A la suite du dossier d’hier consacré au Kazakhstan, voici quelques autres informations, qui illustrent aussi de quelle façon le CIO utilise ses positions parlementaires.

Images de droite: Joe Higgins, Tanja Niemeier et Paul Murphy

Le député européen Paul Murphy et Tanja Niemeier, attachée au groupe de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) au Parlement européen, se sont rendus au Kazakhstan du 15 au 21 juillet dernier. Cette visite suivait une >précédente de Joe Higgins en 2010, alors qu’il était député européen (depuis lors, il a été élu au Parlement Irlandais, et a été remplacé par Paul Murphy), également grâce au groupe GUE/NGL. Ces visites ne ressemblaient pas du tout aux visites officielles auxquelles est habitué le régime… Plutôt que de s’adresser aux officiels, Joe, Paul et Tanja ont avant tout cherché à rencontrer des militants syndicaux, des militants des droits de l’Homme, etc.

Paul explique :  »Le Kazakhstan a profondément été inspiré par le souffle révolutionnaire provenant d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. Notre présence dans la pays a eu un impact incroyable. Nous avons été en une de la presse non-contrôlée par le gouvernement plusieurs jours durant. D’ailleurs, même les médias contrôlés par l’Etat n’ont pu passer la chose sous silence, et on mené une campagne de propagande haineuse. Ce pays est une dictature, il n’y a aucun doute à avoir, mais elle affirme pourtant se diriger vers les  »idéaux européens ». Notre arrivée a mis pression sur cette comédie.

 »La principale compagnie pétrolière est toujours aux mains de l’État, et enrichi le clan Nazerbayev. En termes de réserves pétrolières, le pays a énormément à offrir, mais la population n’en profite absolument pas. Cela rend cette grève particulièrement emblématique. Les conditions de travail sont très dures, avec des écarts de température entre l’été et l’hiver très impressionnants. Il y a eu plusieurs morts là-bas ces dernières années. Cette grève dure maintenant depuis deux mois, sans le moindre salaire. Toute la machine répressive a été lancée contre les grévistes, en plus de lock-out patronaux. Plusieurs grévistes ont reçu des lettres de menace, des messages anonymes qui disent que si la grève se poursuit, leur maison va brûler,… La police et la police antiémeute ont souvent été envoyés pour dégager les grévistes. Des jets de combat ont même survolé la zone afin de tenter d’intimider les travailleurs.

 »L’impact dans tout le pays de la grève des travailleurs du pétrole est gigantesque, ces évènements sont suivis avec espoir par toute la population. Notre visite a pu aider cette lutte, qui, à cause de son ampleur, de sa combativité, de sa durée, est la grève la plus importante dans un pays d’ex-URSS depuis la chute du stalinisme. Par exemple, le parti d’opposition officiel, qui soutient les oligarques, a été forcé de se répandre en propos élogieux dans la presse en faveur des grévistes et de la délégation du Parlement Européen qui était présente.

 »Notre arrivée a été une occasion d’affaiblir la répression et de redonner courage aux travailleurs en lutte. La direction de l’entreprise nous a invités à discuter avec elle, et les travailleurs nous ont d’ailleurs poussés à accepter afin de clairement signifier qu’ils n’étaient pas contre la négociation et qu’au contraire, c’était la direction qui refusait. Mais nous avons bien entendu insisté pour que les représentants des travailleurs soient présents. Ils ont été agréablement surpris de voir que nous avons directement argumenté en faveur des travailleurs et que nous ne nous sommes pas laissés bercer par les belles paroles de la direction de l’usine.

 »Nous avons dénoncé la direction, qui refusait toute discussion avec les travailleurs tant qu’ils étaient toujours en grève. Nous avons également aidé à diffuser les informations concernant cette lutte dans tout le pays. Nous venons d’apprendre que 5.000 travailleurs d’une usine du pays sont entrés en grève en solidarité, durant une journée. De plus petites entreprises ont aussi fait grève, parfois plus longtemps, pour soutenir leurs camarades. Nous voulons pousser la campagne de solidarité au niveau international également, que des messages de solidarité parviennent de partout dans le monde.

 »Un des éléments les plus importants de la lutte, c’est qu’il ne s’agit pas simplement d’une lutte économique, des revendications telles que la liberté de se syndiquer librement, la nationalisation du secteur sous le contrôle des travailleurs,… font aussi partie des demandes portées par les grévistes. La victoire de cette grève pourrait véritablement enflammer le pays. Il faut se remémorer quel rôle a pu jouer en Tunisie la grève de Gafsa en 2008 (qui dura pas moins de 6 mois). Cette lutte a véritablement enclenché tout un processus où la peur a commencer à disparaître, puis finalement à changer de camp, jusqu’à la chute du dictateur. Cela peut devenir pareil ici.

 »Nous pouvons être fiers du travail effectué par la section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Kazakhstan. Nos camarades sont devenus une référence pour les grévistes, et ils jouissent d’une grande autorité parmi les travailleurs, y compris pour des camarades qui habitent parfois à plusieurs milliers de kilomètres de là. »

Dans la session spéciale de l’école d’été du CIO consacrée à la situation au Kazakhstan, Tanja et Paul sont encore revenu sur leur expérience au Kazakhstan. En voici un rapport.

La visite de l’an passé était surtout basée sur la question des droits syndicaux et de la situation dans les prisons. Il y avait alors un soulèvement dans celles-ci, très vétustes et héritées de la période de l’Union Soviétique. Il y avait notamment des exemples massifs d’automutilation de prisonniers afin de protester contre les très mauvaises conditions de détention. Mais ce qui se passe dans prisons n’est qu’un élément illustratif de la situation de la société de façon plus globale. L’an dernier, Joe et Tanja avaient conclu de leur visite qu’il y avait une véritable bombe à retardement sociale au Kazakhstan. Tous les travailleurs ont successivement commencé à dénoncer leurs conditions de vie et de travail. La peur disparait peu à peu, et la différence avec l’an dernier est flagrante.

Avant le départ de Paul Murphy, ce dernier a interpellé le représentant du Kazakhstan au Parlement Européen pour lui demander des précisions sur le mouvement de grève dans le secteur du pétrole, une grève très importante pour l’avenir des luttes dans le pays, et notamment de l’arrestation de l’avocate des grévistes. Mais le représentant du Kazakhstan a juste brièvement répondu qu’il ne s’agissait que d’une grève de quelques centaines de personnes (alors qu’il y aurait actuellement 18.000 travailleurs impliqués dans le conflit…), et que ce conflit n’était en rien important. Mais il a par contre beaucoup parlé du caractère de la visite de Joe Higgins l’an dernier, qui n’était pas professionnelle (c’est-à-dire qu’elle ne respectait pas le protocole officiel) et avait menacé les relations entre l’Union Européenne et le Kazakhstan.

Tant au Parlement Européen qu’à l’Ambassade du Kazakhstan en Belgique, les représentants officiels étaient très inquiets par cette visite, car le régime accorde beaucoup d’importance à sa réputation internationale. Quant à l’Union Européenne, elle entretenir de bonnes relations avec le régime en raison des richesses naturelles du pays et de la position du Kazakhstan en tant qu’acteur régional en Asie Centrale. Ce pays a une position clé dans la sauvegarde des intérêts impérialistes dans la région et est par exemple intervenu dans situation révolutionnaire en Kirghizistan, notamment en assurant la fuite du président. De même, lorsqu’il y a eu des troubles en Ouzbékistan en 2005, le président Nazerbaïev est intervenu pour assurer que les choses restent sous le contrôle du régime. Le Kazakhstan possède aussi une position clé pour assurer que l’Union Européenne soit moins dépendante de la Russie en termes d’approvisionnement de pétrole.

Le pays est très riche, et la population, qui vit dans une pauvreté insoutenable, en est bien consciente. Astana, la capitale, ressemble quasiment à Las Vegas, avec des routes massives, d’énormes bâtiments futuristes, des statues gigantesques (surtout du président, bien entendu),… Mais à côté des grandes routes très modernes, le reste n’est que de la boue. Quant aux gens qui travaillent dans les bureaux, ils quittent leurs habitations qui ne sont que des cabanes très vétustes pour aller travailler dans des bâtiments ultra-modernes, pour ensuite retourner dans leurs taudis.

La grève qui se développe actuellement dans le secteur pétrolier est d’une grande importance car elle porte en elle un grand potentiel de changement pour le pays et a un effet énorme sur l’élévation de la conscience politique de la population. De façon générale dans le pays, il y a une grande connivence entre le patronat et le gouvernement. La politisation générale des travailleurs est très visible, et particulièrement remarquable si on compare la situation actuelle à celle de l’an dernier.

De plus en plus, la population est consciente que ce n’est pas l’entourage du président qui pose problème, ni même le président, mais bien le système dans son entièreté. Des couches plus larges font maintenant clairement le lien entre le régime politique et le régime économique. Concernant la grève des travailleurs du pétrole, c’est surtout le fait que la grève soit devenue une grève politique, avec des revendications portant par exemple sur la liberté de s’organiser et pas seulement sur les salaires, qui fait peur au gouvernement. Une extension de cette grève étendrait aussi au pays la question des revendications politiques comme celle du contrôle ouvrier sur la production, que portent les grévistes.

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