De quels syndicats avons-nous besoin? Pour des syndicats combatifs et démocratiques

De quels syndicats avons-nous besoin?

Les syndicats sont régulièrement pris sous le feu des employeurs : ils les trouvent trop radicaux. Beaucoup de militants se demandent si on parle bien des mêmes syndicats! Beaucoup de travailleurs se demandent en effet si les syndicats les défendent encore et si, à l’époque de la mondialisation, les syndicats peuvent agir efficacement. Nous tentons ici d’apporter une réponse.

Un délégué FGTB

Au cours des récentes années, un grand nombre d’emplois ont disparu suite aux fermetures et aux rationalisations: la faillite de la Sabena et le démarrage de SN Brussels Airlines avec beaucoup moins de personnel et avec de plus mauvaises conditions de travail, la fermeture de la phase à chaud chez Arcelor à Liège, les nombreuses pertes d’emplois à La Poste et à la SNCB, etc. Dans la plupart des cas les syndicats ont à peine réagi. Les actions menées par les travailleurs ont timidement été soutenues par les syndicats qui se sont surtout contentés de canaliser les actions et de se concerter avec les employeurs. Un telle politique syndicale ne peut mener les travailleurs qu’à la démoralisation et même à l’antisyndicalisme.

Il y a pourtant une aspiration des travailleurs à passer à l’action pour se défendre. Il suffit de citer les nombreux débrayages spontanés à La Poste ou aux TEC, les grèves sectorielles pour le renouvellement des conventions collectives ou encore la manifestation de masse du 21/12/04 pour un meilleur accord interprofessionnel. Les mobilisations dans le non-marchand montrent que les travailleurs sont mobilisables quand le jeu en vaut la chandelle.

Et pourtant, malgré les nombreuses actions dans les secteurs, le résultat des conventions collectives est souvent plus maigre que ce qui était initialement prévu dans le projet d’accord interprofessionnel! Cela n’est pas dû à un manque de combativité de la base, mais à la couardise des directions syndicales soucieuses de la “santé économique” des entreprises et dont le radicalisme s’exprime en paroles mais pas en actes. Par exemple contre la directive Bolkestein.

Ce n’est que lorsque ça dépasse vraiment les bornes, comme par exemple avec l’affaire Picanol (où le manager avait empoché un solide magot), qu’ils osent encore élever la voix pour s’en prendre au “mauvais” capitalisme. Où est le temps où, à l’intérieur des syndicats, une aile gauche remettait en cause le capitalisme même? Dans les années 80, la FGTB a encore mené des actions de masse contre la politique des gouvernements Martens-Gol. Aujourd’hui le sommet de la FGTB est un allié du gouvernement Verhofstadt via ses alliés politiques privilégiés (PS et SP.a).

Il faut bien constater au-jourd’hui que l’aile gauche dans les syndicats est fluette et que les directions syndicales tentent vite de faire taire les voix dissidentes. Le putsch contre Albert Faust, au sein du SETCa de Bruxelles Hal Vilvorde, mené par un quarteron de secrétaires ambitieux, ralliés temporairement au SETCa national, sous la supervision de Mia De Vits, en est l’exemple le plus frappant. Quelques années plus tôt, les délégués les plus en pointe des Forges de Clabecq, en pleine bataille pour la réouverture de leur usine, avaient été exclus de la FGTB sans avoir la possibilité de se faire entendre dans les structures. La direction de la FGTB voudrait – comme à la CSC – une direction fortement centralisée pour pouvoir plus facilement faire la chasse aux dissidents. Cela semble momentanément leur réussir. Mais cela peut changer. Comment?

Le MRS et le MPDS

Pendant la lutte des travailleurs des Forges de Clabecq s’est créé le Mouvement pour le Renouveau Syndical (MRS). Ce fut un pôle d’attraction – bien que limité – pour tous ceux qui voulaient refaire du syndicat un organe de lutte. Le fait que la liste Debout, aux élections européennes de 1999, ait récolté 5% des voix dans certains cantons électoraux ouvriers montre l’audience qu’avaient ceux de Clabecq. Le MRS s’est cependant progressivement éteint après la fin du procès des 13 travailleurs des Forges, faute de perspectives et de structuration.

Après la liquidation d’Albert Faust et son lynchage médiatique, le Mouvement pour la Démocratie Syndicale (MPDS) a été impulsé par les militants de gauche du SETCa de Bruxelles Hal Vilvorde. Cette initiative a tout de suite suscité l’intérêt de militants syndicaux de gauche d’autres secteurs, mais le MPDS, malgré ses efforts pour s’adresser à la gauche syndicale au-delà du SETCa, n’a pas pu réellement s’élargir.

Le MRS et le MPDS ont pu se développer à partir de l’activisme et le militantisme de syndicalistes de gauche dans une période de lutte. Les militants du MAS présents dans le MRS et dans le MPDS ont insisté sur la nécessité d’avoir une analyse correcte de la situation économique et politique. Etre radical ne suffit pas en soi. Cela doit être encadré.

Quand la lutte perd de son élan, le militantisme faiblit. La tâche d’une direction est alors d’analyser la situation et de réorienter le cours afin d’éviter la démoralisation des travailleurs et d’étayer le rapport de forces pour de futures luttes. Lorsque les travailleurs de Splintex ont entamé leur lutte courageuse pour le maintien de l’emploi, une gauche syndicale aurait pu jouer un rôle important pour soutenir et élargir le mouvement. En l’absence d’une telle gauche syndicale, les directions syndicales avaient les mains libres pour laisser le conflit s’asphyxier progressivement.

Comment faire pour avoir des syndicats combatifs?

Les militants combatifs sont actuellement peu nombreux et dispersés. Aujourd’hui la mise sur pied d’une structure pour les réunir risque de n’être, tout au plus, qu’une réédition de l’expérience du MRS et du MPDS, dans de plus mauvaises conditions. La tâche des syndicalistes de gauche consiste avant tout à œuvrer, sur les lieux de travail mêmes, à rassembler et à former un noyau syndical combatif capable d’analyser la situation et prêt à agir pour mettre en mouvement la masse des travailleurs pour se défendre contre les attaques patronales. Cela implique d’accorder beaucoup d’attention à l’implication des militants et de développer un travail de conscientisation vers les jeunes travailleurs.

Des contacts informels, au sein du secteur et sur le plan régional, peuvent permettre de tisser peu à peu un réseau de militants syndicaux de gauche. Quand ce réseau aura suffisamment de poids, on pourra songer à le structurer pour mener la bataille au sein des syndicats pour exiger plus de démocratie syndicale.

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