Le ‘Murdochgate’, c’est le Watergate de Grande Bretagne. En politique existe également ‘‘l’effet papillon’’, tout comme dans la nature. Un tout petit événement – un battement d’ailes de papillon selon la célèbre métaphore – peut entraîner toute une chaîne d’évènements jusqu’à des conséquences jamais vues. Dans le cas de l’affaire du Watergate, cela a conduit jusqu’à la chute et au discrédit total de Richard Nixon, le président du pays le plus puissant sur terre, les Etats-Unis. Cameron et son gouvernement pourri et corrompu font face au même processus aujourd’hui.
Editorial du Socialist, hebdomadaire du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Le Watergate a exposé la pourriture présente au Cœur même de l’administration américaine et a menacé le système social sur lequel il est basé : le capitalisme. La classe dirigeante américaine a été prise d’effroi et en particulier le régime quasiment hors de contrôle et semi-dictatorial de Nixon et de ses acolytes, qui avaient notamment poursuivi et amplifié l’aventure US au Vietnam, guerre qui n’était pas encore terminée lors de son éviction de la Maison Blanche. Le Watergate a exposé la toile complexe de mensonges et de conspirations qui entremêle les politiciens capitalistes, les criminels et l’Etat. Ce n’est que grâce au travail de quelques journalistes et que Nixon avait lié ses crimes les uns aux autres que la vérité a finalement pu éclater au grand jour. Il est maintenant question de révélations similaires. Cameron, l’empire Murdoch et la police sont impliqués dans une tentative de renverser les droits démocratiques du people britannique.
Au départ, il y a eu l’émoi suscité par la divulgation du numéro de portable de Milly Dowler, une écolière assassinée, par un employé du journal News International, qui fait partie de l’empire Murdoch. L’outrage de masse qui s’est développé a bouleversé les projets de Murdoch et d’autres comme Cameron et son gouvernement, qui n’ont pas réussi à stopper le scandale. Quelques jours plus tôt, il était clair que le Secrétaire à la Culture, Jeremy Hunt, était prêt à accepter de céder à Murdoch la majorité de la propriété du satellite BSkyB, ce qui lui aurait livré le contrôle de 40% des moyens de communication britanniques. Il est maintenant fort peu probable, voire clairement exclu, que Cameron puisse ratifier cet accord face à la colère de masse qui se développe contre l’empire Murdoch et ses acolytes. Une campagne de masse destinée à s’opposer au contrat, largement organisée par les nouveaux medias tels que les réseaux sociaux, a très vite mobilisé 170.000 objections à la prise de contrôle de BSkyB par Murdoch!
D’autres révélations d’accès illégal à des systèmes de messagerie vocale personnels, en particulier ceux de victimes et de leurs proches, n’ont par la suite fait qu’amplifier l’atmosphère de colère. Politiciens, journalistes et chroniqueurs capitalists ainsi que la police, qui a remis les preuves aux employés de Murdoch, ont ainsi été pris dans la tourmente, y compris la dirigeante de News International, Rebekah Wade, et le fils de Murdoch, James. Tous se sont chargés les uns les autres de façon extrêmement hypocrite et nauséabonde pour se distancer de leur ancien patron.
Tous ceux qui ont lutté contre le capitalisme ont été impitoyablement vilipendés par Murdoch et par les médias de droite en général. Ainsi, Tony Benn (une des principales figures de l’aile gauche du parti travailliste dans les années 1970 et 1980) a été comparé à Hitler lorsqu’il s’est présenté comme candidat pour la présidence du parti, tout comme avant lui Arthur Scargill (ancien dirigeant du syndicat des mineurs) durant la longue grève des mineurs de 1984-85. La tendance Militant de Liverpool ainsi que ceux qui ont remporté une victoire contre Thatcher dans la lutte épique contre la Poll-tax (la tendance Militant étant le nom du Socialist Party lorsqu’il était encore l’aile marxiste du parti travailliste) n’ont pas reçu un autre traitement. Tommy Sheridan (militant de gauche radicale écossais, ancien parlementaire et fondateur du SSP, puis de Solidarity) est aujourd’hui en prison à cause de la vendetta personnelle de Murdoch pour ‘virer ce petit communiste’. Dernièrement, il a été démontré que ce sont Murdoch et ses témoins qui ont menti et qui ont même fait disparaître des preuves qui auraient aidé Tommy Sheridan lors de son procès.
Maintenant, le Premier Ministre David Cameron et le reste du gang qui domine la Coalition au pouvoir ne peut pas tout simplement se distancer de Murdoch. Cameron et sa femme ont des relations étroites avec Rebekah Wade et James Murdoch faites de soupers, d’équitation,… ‘Dis moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es’…
Mais le plus important est bien entendu que cette affaire démontre la poigne d’acier virtuelle de Murdoch qui a pesé sur la politique des différents gouvernements britanniques et sur les principaux aspects de la vie de la population au cours de ces dernières décades. Un des responsables de Murdoch avait été jusqu’à dire à John Major – ancien Premier Ministre Tory (le parti conservateur) – qu’il recevrait un ‘gros seau de merde sur la tête’ s’il ne se pliait pas aux ordres de Murdoch. Tony Blair avait vole jusqu’en Australie pour quémander le soutien de Murdoch avant les élections de 1997. Une fois que Blair a été élu, on parlait parfois de Murdoch comme du ‘24e membre du cabinet du Premier Ministre’ ! Murdoch a personnellement visité Blair à trois reprises dans le but de faire pression sur lui au nom de George Bush afin de soutenir l’invasion de l’Irak. Ce n’est pas que Blair avait tellement besoin d’être persuadé, mais c’est un fait que la masse de la population britannique avait démontré sa claire opposition à cette guerre. Mais les diktats de l’impérialisme américain par l’intermédiaire du magnat de la presse Murdoch passaient largement devant cela. Il a aussi été publiquement révélé que lorsque Blair se préparait à quitter le 10 Downing Street en 2007 (le logement de fonction du Premier Ministre Britannique), Murdoch était déjà dans sa Bentley, attendant l’arrivée du nouveau Premier Ministre Gordon Brown pour déjà faire pression sur lui !
Quelle honte pour les dirigeants ‘travaillistes’ que ce soit à des personnalités des medias comme Hugh Grant ou Steve Coogan de dire les meilleures choses à propos de News of the World et de l’empire Murdoch. Coogan a ainsi déclaré le 8 juillet dernier: “Les gens dissent que c’est une mauvaise journée pour la presse. Mais c’est une journée merveilleuse pour la presse: une petite victoire pour la décence et l’humanité…’’
Encore maintenant, le dos au mur, Murdoch a prévenu le nouveau dirigeant travailliste Ed Miliband que News Corporation ‘va s’engager contre lui et son équipe’ pour avoir eu la témérité de demander la démission de Rebekah Wade tout en s’opposant au contrat BSkyB. Mais Miliband n’a adopté cette position qu’après que le scandale ait éclaté.
Précédemment, il avait siroté du champagne aux soirées de Murdoch, jusqu’à quelques semaines avant le scandale. Il affirme maintenant qu’une simple ‘‘occasion sociale’’, mais rien ne saurait être plus éloigné de la vérité. Tout démontre que les invites de Murdoch le sont pour que ce dernier puisse s’assurer que les dirigeants politiques des principaux partis restent en accord avec sa ligne. Si ce n’est pas le cas, les contrevenants doivent s’attendre à une campagne de dénigrement. Murdoch a même tenté d’utiliser Tony Blair sur Gordon Brown quand il était Premier Ministre afin de faire taire le depute travailliste Tom Watson, qui avait courageusement été en première ligne avec le journaliste Nick Davies pour exposer le scandale au grand jour.
Tout cela en dit long sur le caractère de la ‘démocratie’ britannique. Comme l’a déclaré le quotidien The Observer : “Durant 40 ans, Murdoch a convaincu l’establishment qu’il était capable de faire et défaire les réputations politique et de garantir les succès électoraux, ou de leur barrer l’accès. De cette façon, il s’en est pris aux droits des citoyens et a miné la démocratie.” Tout le monde peut voter ce qu’il veut tant que les grands capitalistes et les menteurs de la presse peuvent décider de ce qui doit arriver. Murdoch n’est pas le seul à exercer un contrôle dictatorial sur l’opinion publique en Grande Bretagne. Paul Dacre, du groupe Mail, est exactement le même genre de personnage dégoûtant, dont la plume est remplie de rage contre le mouvement des travailleurs.
La concentration des medias a entraîné une situation où 10 entreprises contrôlent 75% des médias du Royaume-Uni. Les pertes d’emplois nt été nombreuses dans ce processus. 200 journalistes et autres travailleurs ont perdu leur emploi avec la fermeture de News of the World. Nous pouvons très honnêtement dire que nous ne regrettons pas la fin de ce journal. Mais personne ne peut soutenir que, particulièrement dans une période de chômage de masse, des gens puissent ainsi être jetés à la porte de façon aussi arbitraire. Combien de capitalistes ont pensé aux 1.400 travailleurs qui ont perdu leur emploi quand Murdoch avait déplacé ses stocks à Wapping en 1986?
Cependant, l’actuelle situation antidémocratique de la presse et des medias en Grande Bretagne ne peut pas être résolue avec quelques mesures domestiques comme le ‘renforcement du comité de plaintes de la presse’. Nous ne pouvons pas non plus demander, comme certains à gauche l’ont fait, à la division de l’empire Murdoch. Nous ne voulons pas de mini-Murdochs pour remplacer l’ancien monstre. Tous les responsables de violations de droits individuels doivent être jugés et, s’ils sont jugés coupables, doivent recevoir un châtiment approprié. Mais même dans ce cas, cela ne serait pas suffisant pour contrôler les forces antidémocratiques présentes dans les médias.
De nouveaux medias alternatifs et socialistes doivent être construits par les syndicats et les travailleurs. Mais cela doit être accompagné de la revendication de la nationalisation de la presse, de la télévision et de la radio sous le contrôle et la gestion démocratiques de la population – en commençant par l’expropriation par l’Etat des avoirs de News Corporation, qui a largement démontré qu’elle constituait un danger pour la démocratie. Mais nous n’avons pas besoin de reprendre les feuilles de choux que sont le Sun ou le Daily Mail.
Nous nous opposons toutefois au monopole d’Etat sur l’information qui prévalait dans les Etats staliniens. La réelle alternative est le contrôle démocratique et populaire de la classe des travailleurs sur la presse et les médias en général. Cela ne signifierait pas un monopole d’Etat ou d’un parti, mais donnerait un accès aux médias en proportion du soutien politique. Le capitalisme et le stalinisme défendent un contrôle antidémocratique des médias par une minorité alors que nous voulons retirer la ‘production d’informations’ des mains d’une minorité pour les placer dans les mains de la majorité, avec liberté totale de discussion et de prise de décision.