L’économie belge ne va pas bien. Verhofstadt a tenté de le nier des mois durant dans les médias. Mais entre-temps, il travaillait bel et bien à un Plan Global qui soutiendra sans doute la comparaison avec le Plan Global de 1993. C’était alors le plan d’austérité le plus sévère depuis la Deuxième Guerre mondiale; il a mené à la plus grande grève générale de l’histoire de la Belgique.
Bart Vandersteene
Les pensions en danger
Avant que le contrôle budgétaire de cette année ne soit clôturé et que la discussion sur le budget 2006 ne démarre, le gouvernement veut aller de l’avant dans le dossier des pensions. Seule 7% de la population croit que la pension légale suffira à leur garantir un revenu décent pour ses vieux jours. Sur ce plan, les patrons et le gouvernement ont déjà marqué pas mal de points. 20 années de propagande sur les pensions complémentaires et le maintien des pensions légales à un niveau très bas, ont répandu l’idée que les pouvoirs publics n’étaient pas en mesure de garantir une pension décente à tous.
Le débat sur la réforme des pensions était annoncé depuis des mois. Et les premières propositions gouvernementales sortent peu à peu. Il en ressort que, non seulement nous devrons recourir à l’épargne privée pour compenser une pension trop basse, mais nous devrons en outre travailler plus longtemps pour y avoir droit. Aujourd’hui, après 35 ans, on peut prendre sa pension anticipée (avec cependant un poucentage de perte par année anticipée). Ils vont relever graduellement ce seuil à 40 ans. La possibilité de prendre sa pension de manière anticipée va ainsi devenir quasi impossible.
L’économie stagne, on économise des milliards
Malgré les déclarations ronflantes sur la prochaine relance économique, l’économie belge a stagné dans la première moitié de 2005. Et il y a pas vraiment matière à optimisme pour la deuxième moitié de l’année. Le secteur de la construction est le seul secteur de l’économie belge qui continue à croître. Mais cette croissance est entretenue par des taux d’intérêt historiquement bas. On peut obtenir un crédit hypothécaire à 3,5% avec un taux d’intérêt variable. Ça rend l’acquisition ou la construction d’un logement très attractive pour nous tous et davantage encore pour les spéculateurs. Conséquence: des hausses de prix énormes.
Fin mai, le Bureau du Plan avertissait le Ministre du Budget Vande Lanotte que, à politique inchangée, on se dirigeait vers un déficit budgétaire de 0,5%, soit 1,5 milliard d’euros, en 2005. A ce moment-là, le Bureau du Plan prévoyait encore une croissance de 1,7%. Les chiffres du gouvernement, des banques, de la FEB et de l’OCDE sur la croissance économique ont servi d’instrument de propagande pendant des années pour nous faire croire que tout allait bien. Mais quelle est la base scientifique de tous ces chiffres? Au début de l’année, le gouvernement a calculé son budget sur base d’une prévision de croissance de 2,2%. En fait, on escomptait secrètement une croissance de plus de 2,5%. En avril, le gouvernement a fait un premier contrôle budgétaire et les prévisions de croissance ont été ramenées à 1,7%. Aujourd’hui, même les plus confiants ne semblent plus croire à une croissance supérieure à 1%.
Il nous semble donc plus probable que le déficit s’élèvera à 2,5 milliards d’euros, soit 0,8% du budget. Ça signifie que le gouvernement va devoir mettre en oeuvre dès octobre un paquet de coupes budgétaires pour cette année-ci et un autre, bien plus lourd encore, de quelque 6 milliards d’euros pour l’année prochaine. Mais le gouvernement a multiplié les largesses envers le patronat. Entre 1993 et 2005, les patrons ont empoché annuellement des baisses de charges pour 3,75 milliards d’euros. Il suffirait de revenir sur ces largesses pour résoudre d’un coup pas mal de problèmes de la sécurité sociale. Ou, mieux encore, de s’en prendre à la fraude fiscale dont on s’accorde à dire qu’elle est d’au moins 15 milliards d’euros par an.
La croissance économique ne dit pas tout
Le patronat et le gouvernement accordent beaucoup d’attention aux chiffres bruts concernant la taille du gâteau économique. Et pour les travailleurs, les pensionnés, les chômeurs et les jeunes, il n’importe pas moins de savoir si le gâteau que nous produisons tous ensemble grandit ou non. En effet, plus grand est le gâteau, plus il y a de morceaux à distribuer. Mais la taille du gâteau ne dit rien sur son partage. Une plus grand gâteau ne signifie pas automatiquement davantage de prospérité pour tout le monde. La situation en Irlande en est une bonne illustration.
L’Irlande produit le plus de richesse par tête d’habitant dans l’Union européenne. C’est dû à l’augmentation spectaculaire de la productivité que l’Irlande a connue ces 15 dernières années. Entre-temps, la part de la richesse produite qui va aux travailleurs a diminué de 25%. En 1991, les entreprises payaient encore 50% d’impôts sur leurs bénéfices, aujourd’hui ce n’est plus que 10 à 12,5%. Le prix moyen du loyer à Dublin a atteint les 1.300 euros par mois et le prix d’achat moyen d’une maison était de 303.000 euros l’année passée. Le taux de pauvreté des enfants y est de 15,7%, un chiffre très élevé pour un pays industrialisé. Il s’agit donc d’une forte croissance économique qui, loin de bénéficier à la majorité de la population, s’est au contraire faite à son détriment. Une croissance dans laquelle les travailleurs et leurs familles payent pour les profits de la bourgeoisie.
Accroître la flexibilité? Est-il possible d’être encore plus flexible?
Pour nous mettre en concurrence avec les travailleurs des pays voisins, le gouvernement veut nous rendre encore plus flexibles. Les travailleurs belges sont déjà parmi les plus flexibles du monde. Verhofstadt veut stimuler encore davantage le travail à pauses et le travail de nuit en prévoyant des primes supplémentaires pour les employeurs et en assouplissant la réglementation du travail intérimaire de façon à ce que les services publics puissent aussi y recourir. On prépare ainsi à la jeune génération un avenir fait de travail précaire et de revenus précaires. La pension à laquelle cette génération pourra encore prétendre après une telle "carrière" sera à l’avenant.
La PS et le SP.a en maîtres d’œuvre de la régression sociale
Il va sans dire que les partis sociaux-démocrates sont la force motrice de ce gouvernement . Ce sont les Vande Lanotte et les Vanden Bossche qui donnent le ton et qui jouent le rôle de maîtres d’oeuvre. Ils font valoir qu’ils ne peuvent pas faire autrement et qu’ils veillent à le faire d’une façon qui soit socialement acceptable. Quels mensonges ! Le PIB par tête d’habitant a augmenté de 37,5% ces dix dernières années. Si on décompte l’inflation (dévaluation de l’argent) qui était de 18,8% pour la même période, ça aurait dû signifier une hausse générale du niveau de vie de 18,7%. Mais tout le monde voit bien que ce sont surtout les grands actionnaires, les managers et les ménages à hauts revenus qui ont tiré les marrons du feu. Ces dix dernières années, les travailleurs, les pensionnés, les chômeurs et les jeunes ont vu les trains d’austérité se succéder l’un après l’autre.
Malheureusement les directions syndicales prêtent leur concours au démantèlement de l’Etat-Providence d’après-guerre depuis fin des années ’80 qui a vu la social-démocratie revenir au gouvernement. Le risque est grand d’assister à une régression négociée en automne. Il faut que les militants syndicaux combatifs s’organisent dans leurs syndicats afin de pouvoir tenir en échec la direction actuelle et sa politique et de lutter pour un programme socialiste qui offre une réponse aux problèmes avec lesquels nous sommes confrontés.
Cette direction a opté pour le "moindre mal": la régression socialement corrigée. Cela se traduit politiquement par un soutien au PS. Mais il devient chaque jour plus clair que cette politique ne pourra pas stopper la régression sociale. Le mouvement ouvrier a besoin de son propre parti. En Allemagne, des couches plus larges de travailleurs combatifs ont déjà tiré cette conclusion, ce qui a mené des groupes de militants issus de différents syndicats à lancer WASG (Alternative électorale pour la Justice sociale), une nouvelle formation à la gauche du SPD et des Verts. Les années qui viennent verront la question d’une telle formation se poser en Belgique également.