TEC. Une défaite, malgré la combativité de la base

Les travailleurs des TEC ont mené, pendant plus de trois semaines, en mai dernier, un enchaînement de grèves à l’occasion du renouvellement de la convention collective. Ce fut à la fois un combat tenace, difficile et courageux car la direction de la SRWT (PS), le gouvernement wallon (et en particulier le ministre des Transports, le CDH André Antoine) et les médias se sont acharnés sur les travailleurs des TEC pour salir leur combat.

Vincent Devaux

SRWT, TEC et apparatchiks

La Société Régionale Wallonne du Transport (SRWT) chapeaute les TEC (transports en commun) du Brabant wallon, de Charleroi, du Hainaut, de Liège/Verviers et de Namur/Luxembourg. En Flandre, il n’y a qu’une seule société (De Lijn) et les billets sont valables dans toute la Flandre. En Wallonie, un billet du TEC Charleroi ne peut être utilisé à Liège. La structure féodale chapeautée par la SRWT a été faite pour placer des directeurs grassement payés (et qui ont en poche la carte du PS). Un exemple? Jean-Claude Phlypo touche 300.000 euros/an comme administrateur général de la SRWT et 200.000 euros/an comme président d’Eurobus holding, une société privée qu’il a créée en 1996 en puisant 650.000 euros dans les caisses des TEC!

Mensonges et provocations

A l’annonce du dépôt d’un préavis de grève pour le 9 mai, la direction de la SRWT a déclaré de façon provocatrice que "les syndicats des TEC abusaient de leur position pour poser des revendications déraisonnables". Déraisonnable? Les syndicats demandaient 3% d’augmentation en deux ans. En avril, le conciliateur social avait proposé 6% (index compris), ce qui revenait à une augmentation de 1,1% en deux ans: une misère! La direction de la SRWT a ensuite déclaré dans la presse que les chauffeurs gagnaient entre 1.500 et 2.200 euros nets par mois. Un mensonge éhonté pour isoler les travailleurs des TEC de la population: un chauffeur avec 13 ans d’ancienneté gagne 1.200€ par mois en travaillant tous les jours et deux week-ends par mois!

L’action se durcit

Le 12 mai, les chauffeurs ont bloqué le siège de la SRWT avec une centaine de bus. Au cours des négociations menées sous la conduite d’un conciliateur social, la SRWT a proposé une augmentation de 0,15 euro l’heure (le front commun CGSP/CGSLB demandait 0,25€), une prime de 15% pour le travail du samedi (les syndicats demandaient 25%), 30% d’intéressement du personnel aux recettes (les syndicats demandaient 50%). Les médias ont continué de dénigrer les grévistes à tour de bras ("chaos", "climat pourri", "prise d’otage des voyageurs"…). Les conciliateurs, insultés par l’administrateur général de la SRWT ("Marchands de frites!") ont fini par démissionner. Trois grévistes qui avaient arrêté, de façon musclée, un bus d’une société de sous-traitance ont été licenciés.

Les appareils syndicaux

La presse a écrit que les dirigeants syndicaux "ne contrôlaient plus leur base"… comme si leur rôle était d’être les gendarmes de la base plutôt que de suivre l’avis des travailleurs qui les ont élus et qui les rétribuent grâce aux cotisations syndicales. Chacun à leur manière, les dirigeants syndicaux ont tenté de reprendre la situation en mains.

La CCSP (CSC) a proposé une action "tarif zéro" (rouler sans faire payer les passagers). Nous avons déjà expliqué que cette forme d’action est peu efficace (les abonnés ont déjà payé) et peu mobilisatrice. La direction de la SRWT a immédiatement menacé de licencier pour faute grave tout chauffeur qui pratiquerait le "tarif zéro"!

A la fin mai, les responsables de la CGSP (FGTB) ont commencé à dire "qu’on était condamné à s’entendre" : en fait ils ne voulaient pas se heurter au PS, à travers les responsables de la Région wallonne. La CGSP et la CGSLB ont fini par accepter une augmentation de 0,17 euro l’heure et une prime unique de 35 euros. Brut évidemment! Après une lutte aussi dure, le résultat est maigre! La CCSP, de son côté, n’a rien signé du tout car elle voulait un meilleur intéressement du personnel aux recettes.

Les limites du conflit

Ce n’est ni le courage ni la combativité qui ont manqué aux travailleurs des TEC pour remporter une victoire, mais la capacité de mettre sur pied, face à la bureaucratie syndicale qui voulait ménager les dirigeants de la Région wallonne, une direction de grève alternative (un comité de grève wallon démocratiquement élu dans les assemblées de dépôts) qui aurait coordonné les actions et négocié sans prendre de gants avec les responsables politiques.

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Première page de Lutte Socialiste