Ken Loach est revenu avec, une nouvelle fois, un sujet fort, celui de la guerre en Irak, et plus particulièrement de sa privatisation avec les ‘‘contractuels’’, ces mercenaires privés qui, l’an dernier, étaient aussi nombreux en Irak que les troupes régulières! Ces derniers cumulent les crimes de guerre dans une impunité scandaleuse. Mais, hélas, on se souviendra bien plus des différents articles parus à ce sujet à l’occasion de la sortie du film que du film lui-même…
Par Nicolas Croes
Le développement d’armées privées a aujourd’hui atteint des proportions gigantesques. La plus grande, Xe Services (anciennement Blakwater), forme plus de 30.000 policiers et militaires par an et dispose d’une armada de véhicules blindés, d’hélicoptères de combat,… Actuellement, on trouve même plus de mercenaires en Afghanistan que de militaires réguliers (130.000 contre 120.000)! Les avantages sont nombreux pour les gouvernements : privatiser la guerre est une manière de la cacher à l’opinion.
En Irak, en Afghanistan ou ailleurs, ces mercenaires jouissent d’une très large impunité alors que leur implication dans des bavures extrêmement sanglantes ne fait aucun doute. ‘‘Route Irish’’ rappelle entre autres qu’entre 2003 et 2009, l’Autorité provisoire de la Coalition a fait passer un décret (l’ordonnance 17) qui donnait l’immunité à tous les agents officiants dans le pays. Le scénariste du film, Paul Laverty, a ainsi déclaré dans une interview : ‘‘Personne n’est intéressé de savoir combien de civils irakiens ont été tués ou blessés par les contractuels privés, mais de nombreuses preuves suggèrent que les abus sont largement répandus. Le massacre de 17 civils au centre de Bagdad par Blakwater est l’incident le plus célèbre, mais bien d’autres n’ont tout simplement pas été rapportés…’’
Le sujet est traité dans le film sous l’angle d’un ancien mercenaire dont le meilleur ami est mort en Irak au service d’une de ces fameuses agences privées. A coup de petites touches, un peu trop faibles hélas, on comprend l’attrait de l’argent de la guerre pour quitter les petits boulots misérables de Liverpool, on voit la détresse des soldats au retour des combats et, bien entendu, les horreurs des bavures en Irak.
Mais la guerre n’est pas véritablement dénoncée en elle-même, seuls les abus sont abordés. Ken Loach nous avait pourtant habitué à aller bien plus en profondeur dans un sujet, jusqu’aux racines à chercher dans la nature même du système capitaliste. De plus, l’angle très personnalisé choisi pour le film donne parfois ici un triste et dérangeant air de ressemblance avec des films parmi les plus réactionnaires du registre hollywoodien, sur le thème du bon-soldatau- coeur-d’or-à-qui-l’on-a-menti. Le malaise est entretenu par un côté franchement ‘‘revenge-movie’’ légitimant la justice personnelle et le meurtre pour la bonne cause.
Au final, on ressort déçu, très certainement après avoir vu comment Ken Loach pouvait aborder avec subtilité des thèmes comme l’indépendance irlandaise sans tomber dans le nationalisme. Là, le récit est assez pauvre et vire au thriller mélodramatique sans grande envergure. Reste le grand mérite d’avoir attiré l’attention sur une facette trop méconnue de l’impérialisme moderne.