Football : réforme de la honte en Belgique, FIFA mafia,… Le système capitaliste pervertit notre sport

Recherche effrénée de profits, concentration quasimonopolistique du pouvoir et des richesses dans les mains d’un groupe toujours plus restreint, mais aussi crise des institutions, perte de confiance de la population en cellesci, baisse des moyens publics,… Le monde du sport vit la même crise que celle de la société en général.

Par Stéphane Delcros

FIFA mafia

L’institution suprême, la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), est championne de la défense de ceux qui mettent beaucoup sur – et sous – la table. L’attribution des Coupes du Monde 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar ne provient pas de la volonté de promouvoir des contrées peu ou pas encore au centre de l’attention de la planète foot…

Les contrats juteux obtenus par la FIFA lui permettent d’engranger de gigantesques bénéfices. Sepp Blatter (ci-dessous), président de la FIFA, et les top-managers de l’association, se sont d’ailleurs octroyés un bonus de 40 millions d’euros après la Coupe du monde en Afrique du Sud… Mais pour le gouvernement sud-africain par exemple, la facture s’annonce beaucoup plus salée que prévu : d’après une étude récente (1), il y aurait un surplus de 1709% par rapport au budget initial (soit 4,1 milliards d’euros à la place de 240 millions). Des coupes dans les programmes sociaux combleront le gouffre financier du Mondial, dans un pays où 40% de la population vit dans la pauvreté absolue.

Par contre, les 5 plus grosses entreprises de construction sud-africaines ont augmenté leurs bénéfices : 80 millions d’euros en 2004 contre 1,1 milliards en 2009. Les salaires de leurs directeurs ont augmenté de 200% sur la même période. Les ouvriers ont dû, eux, mener 26 grèves locales et 1 grève nationale pour arracher une augmentation salariale qui couvre à peine l’augmentation du coût de la vie. Et pour construire quoi ? Des stades et des infrastructures qui sont inutilisables au lendemain de la Coupe du monde.

Comme toujours, les profits de la FIFA et de ses partenaires sont puisés dans les poches des supporters et de la population locale, face à l’augmentation du coût de la vie autour de l’évènement, mais aussi parce que l’argent public est largement mis à contribution. L’une des conditions notamment imposée aux candidats pour accueillir la Coupe du Monde est l’exonération fiscale totale, y compris pour la TVA. Les autorités politiques belges avaient accepté sans broncher toutes ces conditions pour déposer leur candidature à l’organisation du Mondial 2018.

Mécénat vs moyens publics

Et pendant ce temps souffrent les petits clubs et le financement nécessaire à la base. L’édito du magazine So Foot de novembre 2010 pointe le fait que le budget public des sports 2011 en France vient d’être diminué de 14,4% (2). Depuis 2003, cela signifie 40% de budget en moins. Et ce n’est qu’une des nombreuses mesures qui consistent, dans le milieu du sport comme ailleurs, à ‘‘Faire payer les pauvres !’’, comme le souligne le titre de l’édito. Les autorités locales vont ‘‘faire comme dans n’importe quel ménage, les coupes franches s’appliqueront d’abord sur les loisirs, autrement dit, ici, le sport’’, celui-ci devenant secondaire face à d’autres priorités. ‘‘C’est d’autant plus absurde qu’on demande dans le même temps aux associations sportives de régler la question sociale, d’occuper les jeunes futurs casseurs, de servir quasiment de crèche (…)’’.

Ce qui vaut en France vaut malheureusement partout. Et qui est censé payer l’éducation, la formation, l’encadrement de la jeunesse ? Les supporters, avec des prix exorbitants pour les abonnements, et, évidemment, le sponsoring privé. La course aux sponsors et aux investissements du privé, de la boulangerie du coin à la grosse boîte plein de thunes, voilà sur quoi repose le financement du sport, à la base comme aux niveaux les plus élevés des compétitions. Belle assurance de stabilité et de développement pour l’avenir…

Cela implique dans les faits le contrôle d’une personne ou d’un groupe très restreint sur la manière de gérer l’équipe, la formation, avec des choix de joueurs parfois portés exclusivement vers l’extérieur de la région, sans une politique de formation de jeunes locaux.

Le capitalisme : une voie sans issue

Le football, et le sport en général, ont besoin d’un projet public de financement, pour tous, à tous les échelons. Et pour cela, l’argent, en réalité, ne manque pas. Les profits récoltés sur notre dos par la FIFA et les autres institutions footballistiques et sportives le prouvent.

Les sommes folles que sont prêts à donner les gros mécènes le prouvent (pour la Coupe du Monde 2006 en Allemagne, la FIFA a perçu 750 millions d’euros rien qu’en contrats de sponsoring !). Le montant des droits télés, en Belgique et ailleurs, le prouve. Les profits annuels de Belgacom et des autres opérateurs médiatiques en général, le prouvent aussi. Il faut utiliser ces moyens pour le vrai sport, en développant les infrastructures de base et la formation, tant pour ceux qui prennent le football et le sport comme loisir que pour développer une vraie compétition, saine, dans un esprit fraternel, sans autre enjeu que le sport.

Mais il faut aussi s’assurer que la gestion et le contrôle des clubs sportifs et des fédérations soient entre nos mains : celles des sportifs, des supporters et de la population locale. Les plus grands clubs de football sont en réalité pris en otage par des capitalistes aux pouvoirs immenses.

Nombre de ceux qui possèdent et contrôlent nos clubs, nos évènements sportifs, et décident de leurs avenir, contrôlent également nos lieux de travail et l’avenir de ceux-ci. La lutte pour démocratiser notre football et notre sport doit passer par leurs reprises en mains par les jeunes et les travailleurs et doit être liée à la lutte contre les patrons sur nos lieux de travail.

Le sport doit être une institution, un évènement populaire, contrôlé par la collectivité et les supporters, qui permette d’encadrer sainement la jeunesse, de l’impliquer, épaulée par les sportifs plus expérimentés. Il doit être accessible à tous, sportifs comme supporters, à des prix démocratiques, et ne doit pas générer des salaires exorbitants pour les sportifs de haut niveau.


(1) Etude de l’OEuvre Suisse d’Entraide Ouvrière (OSEO) : « A preliminary evaluation of the impact of the 2010 FIFA World Cup : South Afrika » : www.sah.ch/ index.cfm?ID=D2A1FABA-E82D-4332- 83CD34DD6B28EF1D

(2) So Foot, n°81, novembre 2010. A lire sur le blog lié à So Foot : «Never trust a marxist in football !»: www.sofoot.com/ blogs/marxist/edito-so-foot-faire-payer-lespauvres- 133520.html

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