Beaucoup de travailleurs de Splintex de la région de Charleroi et du pays se posent la question sur l’origine de la défaite d’AGC-Slintex. C’est pour répondre à cette attente que Gustave Dache et le Mouvement pour une Alternative Socialiste ont écrit une brochure afin de répondre aux interrogations et d’éviter à l’avenir pareilles déconvenues pour le mouvement ouvrier.Ce tract est un court extrait de la brochure et est en fait un appel à la discussion afin de répondre à la question Que faire pour éviter les défaites?
Tract Produit le 7 juin 2005 en commun par Gustave Dache, ex-délégué FGTB-métal et le MAS, Mouvement pour une Alternative Socialiste
Il n’y avait pas de justification économique aux pertes d’emplois, avec un personnel hautement qualifié dans le verre, un outil des plus moderne -ASHASI a fait en 2003 des bénéfices de 1,3 milliards $. Pour justifier son plan de restructuration, la direction d’AGC parle de pertes. En se rappelant l’objectif de départ qui était « Non au plan de restructuration, non aux licenciements, non aux pertes d’emplois » (289) et voyant que tout le plan patronal est passé malgré l’énorme potentiel de combativité des travailleurs, on doit se poser des questions. Il y a comme un gouffre entre les déclarations triomphantes des responsables syndicaux qui à l’issue de cette lutte la considère comme une victoire et le résultat, avec les conséquences pour les travailleurs de Splintex et leur famille qui se retrouvent à la porte sans compter toutes les conséquences négatives pour ceux qui n’ont pas été licenciés.
De part la durée du conflit et ses objectifs, celui-ci a eu un impact national. Ce conflit par ces objectifs et ses résultats concernait l’ensemble de la classe ouvrière. Devant les pertes d’emplois à répétition personne ne peut plus rester indifférent et fataliste. Car accepter le fatalisme de la crise capitaliste, cela se traduit toujours par des pertes d’emplois. En refusant ce fatalisme les travailleurs de Splintex ont montré la voie à suivre à toute la classe ouvrière. Il est évident que ce n’était pas le choix le plus facile à faire. Ils ne croyaient plus aux arguments de la direction qui disait que ce plan était nécessaire pour la pérennité de l’entreprise. L’expérience nous montre qu’une victoire des ouvriers en lutte à un impact positif sur toute la classe ouvrière. Cela entraîne une plus grande confiance de celle-ci face au patronat. Mais une défaite à l’effet inverse.
S’il est plus agréable de tirer les leçons d’une victoire, il est cependant nécessaire de tirer aussi les leçons d’une défaite, sans complaisance, afin que cette lutte malgré son aboutissement, arme la classe ouvrière pour les prochaines luttes qui ne vont pas manquer de se produire dans un laps de temps relativement court.
Une « lutte exemplaire » est-elle suffisante en soi pour gagner la grève?
Dans la presse ouvrière de toute tendance lors du conflit, il était frappant de lire de toute part que la lutte était à juste titre une lutte exemplaire, la conclusion logique serait que la victoire était à portée de main. Cela n’a pas été le cas. Que les grévistes aient fait preuve de courage à toute épreuve est indéniable ! Plus de trois mois de grève avec toutes les pressions montrent la grande combativité qu’il y avait. Mais si la combativité est une chose importante, la méthode de lutte et les moyens employés ont aussi leur importance.
Cinq semaines avant la fin de la grève, réunis en assemblée interprofessionnelle des délégués FGTB, Gustave Dache à proposé publiquement une grève régionale interprofessionnelle de 24 heures pour appuyer et créer un rapport de force en faveur des grévistes de Splintex. Cette proposition à été très bien accueillie par les délégués présents et aussi par les ouvriers de Splintex, mais le bureau de l’interprofessionnelle a fait la sourde oreille comme si rien n’avait été proposé. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?
A l’annonce du plan de restructuration les travailleurs ouvriers et employés sont partis spontanément en grève. Ils ont demandé à ne pas rester cantonné à Fleurus, de bouger afin d’animer la lutte par des actions ponctuelles. Mais les appareils syndicaux tant FGTB que CSC sous toutes sortes de prétextes ont répondu NIET. Ils ont fait en sorte de verrouiller le conflit pour ne pas qu’il prenne une ampleur trop importante. Ils ont constitué un comité de grève désignant eux-mêmes paritairement un nombre restreint d’ouvriers sans pouvoir de décisions qui était dans les faits sous contrôle de la délégation syndicale. Un comité de soutient a aussi été créé mais il s’est très vite révélé inefficace sinon que de se placer dans l’ombre des appareils syndicaux sous prétexte de non « ingérence dans la grève ». Pendant toute la grève l’avant-garde ouvrière de Splintex à cherché le moyen pour étendre la lutte, mais des pressions des appareils ont été faites afin que les ouvriers de Splintex qui le souhaitaient ne puissent faire partie du comité de soutient qui aurait pu avoir ainsi un autre impact.
Pourquoi l’appareil a-t-il freiné l’élargissement de la grève ?
Sous la pression de la base et vu l’arrogance patronale, c’est après trois mois seulement que la régionale FGTB avait finalement annoncé dans un communiqué de presse qu’elle « se prépare à mettre en œuvre une réaction syndicale interprofessionnelle ». Mais ce n’était que des intentions, qu’une façade. Depuis de nombreuses années la classe ouvrière est dominée par la politique social-démocrate réformiste des directions ouvrières tel que le PS et la FGTB. Tant qu’il ne s’agit que de se placer sur le terrain du réformisme pour obtenir des petites améliorations, des petits avantages de rattrapage vis-à-vis de la hausse du coût de la vie, alors et alors seulement les appareils syndicaux poussés par la base répondent parfois positivement et sont disposés à des mobilisations limitées dans le temps et qui ne dépassent pas un certain cadre autorisé et toléré par la démocratie bourgeoise, et qui n’est pas trop préjudiciable pour les patrons.
Mais comme on le constate, un demi siècle de collaboration de classe prôné par la social-démocratie et les réformistes n’a pas adouci d’un iota le cœur des capitalistes. Les appareils réformistes tant syndicaux que politiques s’opposent avec la plus grande énergie à poser le moindre acte qui va dans le sens des méthodes traditionnelles employées depuis toujours par les travailleurs en grève. Les appareils syndicaux réagissent violemment et avec la plus grande détermination contre tous ceux qui veulent appuyer et défendre les méthodes traditionnelles de la lutte des classes sans compromis pour arracher les revendications ouvrières et faire triompher les luttes.
L’absence de prolongement politique aux luttes syndicale et le rôle du PS.
Beaucoup de permanents syndicaux FGTB ont leur carte au PS. C’est presque une obligation s’ils veulent faire carrière au syndicat et devenir des fonctionnaires disciplinés. Les liens entre le PS et la FGTB sont encore très forts. Avec un parti qui défendrait vraiment les travailleurs sur base de la lutte de classe en les mobilisant, le problème ne serait pas pareil. Mais nous avons un PS qui se trouve en coalition avec d’autres partis dans les gouvernements pourtant en position dominante – mais le PS au lieu de défendre les revendications ouvrières, joue le rôle de médecin au chevet du capitalisme malade d’un cancer généralisé. Il gère la crise capitaliste en bon gestionnaire. Dans ces conditions le PS ne veut certainement pas de conflits qui pourraient mettre à mal sa position au sein des institutions de l’Etat. La tradition réformiste du PS s’accorde très mal avec des mots d’ordre de grève régionale ou nationale, car il existe toujours le risque qu’une grève régionale de 24 heures s’élargisse et prenne un caractère nettement politique.
L’idéologie réformiste qui prédomine au sein des instances syndicales FGTB, qui considèrent toujours le PS comme leur relais politique, pèse également sur les délégations syndicales qui n’ont pas une longue expérience de la lutte de classe et qui sont aussi facilement enclines à accepter le réformisme parce qu’elle ne voient pas où ne croient pas dans l’efficacité d’un syndicalisme combatif qui remet en cause le capitalisme.
Pourquoi avons-nous autant insisté pour que l’interprofessionnelle donne le mot d’ordre de 24 heures de grève avec piquets devant les usines à Charleroi ?
Parce que d’une part, la direction d’AGC, filiale de la multinationale japonaise, avait le soutien inconditionnel de la FEB et aussi de la police de la justice, de la presse du politique. Les plus hauts dirigeants du PS également ne sont pas restés au balcon. Devant cette concentration de forces pour soutenir les patrons AGC, il était impératif et nécessaire, si les appareils syndicaux voulaient vraiment que la lutte soit gagnée, mettre dans la balance toute la force, tout le poids de la classe ouvrière, afin de créer un rapport de force en faveur des grévistes. Il n’y a pas d’autres moyens plus efficaces que d’étendre la grève aux autres usines et de commencer par une grève générale interprofessionnelle de 24 heures à Charleroi. Pourquoi les appareils syndicaux jouent-elles un tel frein?
La peur des arguments patronaux n’a pas été absente dans cette lutte, la menace de fermeture a joué comme argument massue pour impressionner les permanents en charge qui ont eu un prétexte pour accepter la reprise du travail et le plan patronal. L’argument sous-jacent était « Nous ne voulons pas prendre le risque d’être responsables de la fermeture ». Dès le début, la stratégie syndicale n’était pas à la hauteur de l’enjeu. Les appareils syndicaux ont emmuré et laisser pourrir le conflit au lieu de profiter du temps qui était disponible pour organiser la solidarité à l’ensemble des autres usines de la régionale de Charleroi.
L’occupation de l’usine couplée à un élargissement de la lutte, proposition faite le 16 janvier n’a pas été reprise non plus par la délégation syndicale, ni par l’appareil FGTB-CSC sous le prétexte que les ouvriers pouvaient endommager l’outil. Il était dès lors plus facile pour les patrons dans une situation qui s’enlisait d’organiser de l’intérieur de l’usine les non-grévistes afin de réclamer la reprise du travail et d’exercer des pressions sur les grévistes. Dès le début, la stratégie patronale était de briser la grève. Cela s’est concrétisé par la création d’un comité anti-grève sous la conduite des cadres. Il fallait élire un comité de grève composé des ouvriers les plus combatifs et les plus déterminés indépendamment de l’affiliation syndicale. Ce comité de grève devait tenir une assemblée générale quotidienne afin que l’ensemble des travailleurs soient tenus au courant de tout et participent activement au développement de la lutte. Un plus grand nombre de travailleurs se seraient sentis plus concernés, plus impliqués, et n’auraient alors qu’un seul objectif, la victoire de la grève.
Quel rôle a joué la CSC?
Il est incontestable que dans cette grève la CSC, qui pratique depuis toujours une politique de collaboration de classe ( même si par moment elle est poussée plus loin qu’elle le veut par sa base ) a joué un rôle néfaste. La direction syndicale CSC a dans ce conflit, dès le début, pris l’attitude d’accepter le préaccord proposé par le patronat. Elle porte une lourde responsabilité dans la défaite de ce conflit.
Que manque-t-il pour gagner les futures luttes?
Tous les délégués et militants syndicaux combatifs doivent développer dans les usines une stratégie de lutte de classe et au travers de la compréhension qu’un changement de la société est nécessaire et que sous le régime capitaliste tout acquis n’est que provisoire. Si nous ne voulons plus continuer d’aller de défaite en défaites, nous devons nous organiser à la base dans une tendance de Gauche Syndicale à l’intérieur de notre syndicat ; il n’est nullement question de créer un nouveau syndicat. Mais cela n’est pas suffisant, il faut aussi s’organiser afin d’avoir un prolongement politique qui s’appuie sur les méthodes traditionnelles de la lutte de classe. Pour cela il faut construire un grand parti ouvrier, organe de combat de la classe ouvrière pour permettre la transformation socialiste de la société. Un grand parti ouvrier qui lutte contre le capitalisme et qui ne fait aucune concession politique ni au PS, ni aux appareils syndicaux, n’existe pas encore à ce jour. Le MAS est partie prenante dans cette construction, il est encore à l’heure d’aujourd’hui petit mais ses militants agissent sur le plan syndical et politique avec des revendications et un programme qui va dans un sens anti-capitaliste et anti-réformiste. C’est aux travailleurs et à son avant-garde qu’il incombe la tâche d’atteindre ce but.