Bruxelles-Hal-Vilvorde. Fin de la crise politique ou début d’une guerre de positions?

Bruxelles-Hal-Vilvorde

Beaucoup de gens ont été soulagés quand la fin (temporaire) de la saga de BHV fut annoncée. Le soutien parmi la population pour les manœuvres du gouvernement flamand était quasi nul. Du côté francophone, ce soutien était mobilisé en invoquant la peur de la scission de la sécurité sociale et même de la Belgique.

Anja Deschoemacker

Tous les partis flamands sont devenus des partis flamingants

Le CD&V sait très bien qu’une communauté ne peut pas unilatéralement imposer sa volonté à l’autre. Pourquoi s’est-il de lui-même compromis pour un dossier qui implique au maximum quelques dizaines de milliers de gens? Le CVP avait dans le passé une position dominante comme "parti populaire". C’était toujours un parti bourgeois, mais sa politique dans la période d’après-guerre était basée sur la collaboration de classes. Cette option n’est utilisée qu’en cas de croissance économique, et permet de lâcher des concessions à la classe ouvrière mais seulement si la bourgeoisie y est elle-même préparée.

A ce jour, aucune des deux conditions n’est remplie. Le dirigeant CSC Cortebeeckx a reproché publiquement au CD&V et au SP.a leur néolibéralisme et leur populisme. De plus, la bourgeoisie voudrait aujourd’hui soutenir un parti plus offensif, mais elle se heurte à des traditions bien implantées : la sécurité sociale, l’index, la concertation nationale,… Le seul parti qui reste encore dans la tradition de la " paix sociale " est le PS qui continue à emballer socialement des mesures asociales. Le CD&V a construit autour de lui un nouveau bloc sur base du nationalisme flamand, suivi par tous les partis flamands.

Mauvais timing

Le forcing autour de BHV ne semblait donc pas une mauvaise idée pour le CD&V afin de regagner du terrain électoralement. Le reste des partis flamands ont voulu éviter cela en sautant dans le train avec lui. Avec la condamnation de la situation actuelle par la Cour d’Arbitrage, il semblait faisable d’arriver finalement à une victoire flamande. De plus, cela pouvait servir de rideaux de fumée pour le débat sur les fins de carrières. Mais rien ne s’est déroulé comme prévu.

L’élément le plus important dans cette situation est la détérioration de l’économie belge, avec une croissance zéro dans le premier trimestre de l’année 2005. Sous cette pression, BHV ne pouvait pas servir de paratonnerre pour les dossiers socio-économiques, mais a fait e sorte que ces dossiers soient à nouveau postposés. Cela explique l’appel de la FEB et du Palais pour en finir avec le dossier BHV. Aucun parti ne veut d’élections aujourd’hui, car elles n’offriraient que des bonus électoraux au Vlaams Belang et au PS.

Pas de scission de BHV – victoire pour les politiciens francophones?

Non. Le quasi-accord final s’est heurté à la résistance de Spirit, parti de la majorité violette. Sans leur résistance, l’accord serait passé. CD&V et NVA auraient, dans cette situation, parlé de "concessions inacceptables", mais ils l’auraient quand même vendu comme une " demi-victoire ".

Aujourd’hui, le gouvernement flamand a mis en oeuvre une liste de " concessions inacceptables " : l’élargissement de Bruxelles, l’octroi de compétences pour la communauté française sur le terrain flamand, retirer la circulaire Peeters, etc. Cela promet pour les prochaines négociations sur une nouvelle réforme de l’état!

Lutter contre la régression sociale

Des services dans la langue maternelle sont nécessaires afin de pouvoir participer à la société. Dans certains cas, l’absence de ceux-ci peut mettre en danger de mort les personnes concernées. Les deux groupes linguistiques de Bruxelles et des environs subissent dans ce climat tendu toutes sortes de harcèlements. On a beau dire que les francophones doivent s’adapter dans les localités où ils vivent, mais Bruxelles s’étend inexorablement. Cette réalité connue ne va pas changer.

Les attaques sociales dans Bruxelles et ses alentours doivent être stoppées. Mais cela ne concerne en rien la langue, c’est un problème d’augmentation des loyers, d’achat de maisons et de terrains à bâtir. Ce problème ne peut être résolu qu’avec un programme massif de construction de logement sociaux. Les investissements du gouvernement flamand, stipulant que seuls les Flamands ont droit aux logements sociaux, ne sont manifestement pas assez efficaces pour résoudre le problème, mais en plus ils sont discriminatoires pour les francophones qui travaillent à Bruxelles et qui cherchent un logement dans les environs.

La politique de construction belge est totalement contrôlée par quelque grandes sociétés privées qui ne s’intéressent qu’aux profits. Il est évident que l’on peut faire plus de profits avec des lofts chics et des villas cossues qu’avec des logements simples pour des familles à faible ou moyen revenu. Ce n’est pas l’autre groupe linguistique qui est l’ennemi, mais bien les grandes sociétés privées qui contrôlent le marché immobilier et les multiples politiciens locaux qui leurs offrent leurs services.

Les travailleurs et jeunes flamands, wallons et bruxellois ont besoin d’unité dans la lutte contre le démantèlement social

BHV n’a pas été scindé. Mais la pression pour une politique encore plus néo-libérale s’accentuera en Wallonie. La régression sociale qui en découlera dans la région ouvrira ensuite la voie à un nouveau tour de vis en Flandre. Depuis la communautarisation, l’enseignement dans les deux parties du pays a été victime d’assainissement : aucune lutte n’a été depuis lors assez massive pour arrêter le démantèlement. L’unité dans la lutte est absolument nécessaire.

Il est positif qu’un front commun national se développe- FGTB, CSC et PS – pour éviter qu’un éventuel refinancement de la sécurité sociale ne se fasse à travers la TVA, une mesure totalement anti-sociale. Mais une Cotisation Sociale Généralisée (CSG) ne serait qu’un recul négocié.

Le poids de la force potentielle de la classe ouvrière belge, une des plus organisées dans le monde, pèse sur toutes les décisions. Si ce poids n’est utilisé que de façon passive, il ne servira qu’à emballer “socialement” la régression avec une mesure comme la CSG.

S’il est utilisé activement, cela empêcherait des réformes structurelles. Le maintien de la sécurité sociale telle qu’elle est aujourd’hui – un système de droits acquis, basé sur la solidarité dans la classe ouvrière- est mieux que la CSG. La lutte unifiée de la classe ouvrière peut stopper la régression, pourvu qu’il y ait un plan d’action, une stratégie et une mobilisation digne de ce nom.

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