Japon : Le désastre frappe d’abord les travailleurs

La première réaction face au séisme a été le choc et l’incrédulité face aux images de la région de Tohoku. Même si Osaka est à plusieurs centaines de kilomètres de la région touchée par le tremblement de terre et par le tsunami, beaucoup de personnes ont ici de la famille ou des amis dans ces zones. L’atmosphère générale est faite de dépression et de découragement. Les comparaisons avec les désastres de la seconde guerre mondiale ne manquent pas, même si la zone affectée est bien plus limitée.

Carl Simmons, Kokusai Rentai (Solidarité Internationale, CIO-Japon)

Il existe aussi une grande nervosité au sujet des perspectives de désastre nuclaire, les autorités luttant pour empêcher une fusion totale de trois réacteurs nucléaires au moins. Les représentants du gouvernement et de la Compagnie de l’énergie électrique (TEPCO) se sont efforcés de faire croire que la situation est sous contrôle et que les personnes irradiées n’ont pas été fortement exposées. Les gens sont généralement très sceptiques à ce sujet.

Il faut dire que l’industrie nucléaire et les entreprises énergétiques privées ont au Japon une longue histoire concernant les tentatives de dissimulation d’incidents de ce type, comme en 1995 à Monju (préfecture de Fukui) et de Tokaimura en 1999. La plupart des gens considèrent que le gouvernement sous-estime la sévèrité de la crise afin de ne pas provoquer de panique.

Une bonne partie des milieux d’affaires étrangers fuient déjà Tokyo. La septième flotte américaine, avec le porte avion  »Ronald Reagan », (dont nous n’avons apris que le 13 mars qu’elle était présente afin dans la région afin de  »livrer des secours »), s’est retirée à bonne distance de Fukushima en raison de la radioactivité. Mais la majeure partie de la population japonaise n’a nulle part où aller pour se mettre à l’abri d’une alerte nucléaire, mis à part trouver refuge sur le sol rugueux d’une salle de gymnastique, d’une classe d’école primaire ou d’un autre bâtiment des services publics. Près de 60.000 personnes ont dû évacuer leur foyer dans la région autour des réacteurs.

Le mouvement antinucléaire au Japon a depuis longtemps prévenu des dangers de construire des réacteurs au dessus ou près des lignes de faille majeures. Les signaux d’avertissement n’ont pas manqué, comme avec les dommages subis à un site de TEPCO lors du tremblement de terre de Chuetsu-oki en 2007.

Mais la capitalisme japonais est devenu extrêmement dépendant de l’énergie atomique, les réacteurs nucléaire fournissant 30% de l’alimentation énergétique du pays. Mais cette fois-ci, même si un désastre nucléaire majeur est évité, une crise énergétique majeure est face à nous, plusieurs réacteurs étant de toute façon hors d’état de marche. Dans le cas de Fukushima, l’utilisation d’eau de mer pour refroidir les barres signifie très certainement que ces réacteurs ne seront jamais remis en marche. Les autorités organisent dorénavant un roulement des coupures d’électricité dans le Japon oriental, et invitent la population à économiser sa consommation d’énergie.

L’industrie énergétique au Japon est dominée par dix entreprises privées régionales et il n’existe pas de standard. Même si le Japon occidental n’a pas été touché par cette crise, il est difficile de détourner de la puissance énergétique de cette région vers l’autre, car l’Ouest du pays fonctionne avec du 60Hz, et l’Est avec du 50Hz. Seules trois usines sont capables de convertir le courant créé à l’Ouest pour qu’il soit utilisé à l’Est.

Un vértitable parti des travailleurs réclamerait la nationalisation de ces 10 entreprises sous le contrôle et la gestion des travailleurs. Cela permettrait de progressivement éliminer l’énergie nucléaire et de développer des sources d’énergie alternatives. Comme le Japon est le seul pays au monde à avoir subi une attaque nucléaire, sa population a une très grande peur de l’impact des radiations et est très sensible à la question du nucléaire. Cette crise donnera assurément une nouvelle impulsion au mouvement antinucléaire, et ce même si un désastre nucléaire important est évité. Ce thème sera encore plus important si ce n’est pas le cas, et jouera le rôle d’un élément radicalisant sur le terrain politique.

Au cours de ces prochains jours, l’essentiel de l’attention portera sur les secours. Comme lors du tremblement de terre de Hanshin en 1995, les syndicats et les collectivités locales lanceront leurs propres initiatives de secours. Les syndicats de la région de Kansai en discutent d’ailleurs déjà en ce moment. De très nombreux jeunes des zones intactes interviewés par les chaînes de télévision parlent de leur volonté de venir en aide aux sinistrés et d’aller dans les régions affectées. Mais au fur-et-à-mesure que les jours et les semaines passeront, le point central qui focalisera l’attention sera le travail de reconstruction.

On a beaucoup parlé dans la presse étrangère des réglementations stricts régissant la construction de bâtiments. Mais tout ce qui a été dit est fort loin de la réalité concrète vécue ici. Bien que les lois sont devenues plus dures au fil du temps, les efforts des grands constructeurs, des services d’urbanisme et des politiciens ont assuré que les législations à ce sujet ne sont pas souvent respectées. D’autre part, des années après le séisme de Hanskin en 1995, beaucoup de pauvres et de personnes âgées vivaient toujours dans des constructions provisoires parce qu’elles ne pouvaient pas se permettre de reconstruire un logement. La majeure partie de l’argent prévu pour la reconstruction a dans les faits été réservée à des travaux d’infrastructure, ce qui a donné de beaux bénéfices aux entrepreneurs, mais qui a très peu aidé les personnes qui avaient tout perdu dans le tremblement de terre.

La reconstruction ne doit pas servir les intérêts du secteur privé

C’est ce que défend le CIO. Les grandes entreprises de construction devraient être nationalisées sous le contrôle et la gestion des travailleurs et de la collectivité afin de procéder à la reconstruction des zones sinistrées selon un plan démocratiquement élaboré par les comité de quartier et les organisations ouvrières.

L’impact économique du désastre sera très grave. La Bourse japonaise est tombée de 7% en une seule journée, et se retrouve maintenant à nouveau sous la barrière des 10.000 points. Le Premier Ministre japonais, Naoto Kan, a parlé d’une sorte de  »New Deal », la reconstruction devant servir à relancer l’économie du pays.

Il est vrai qu’après le tremblement de terre de Hanshin, après les effets négatifs immédiats du tremblement de terre, il y a eu un rétablissement limité de l’économie, avec l’aide des travaux de reconstruction. On ne peut pas dire que quelque chose de semblable ne se produira pas cette fois, mais la destruction est ici d’un niveau beaucoup plus grand qu’en 1995. De plus, les caisses de l’Etat se trouvent dans une bien pire position.

Le gouvernement est déjà revenu sur ses promesses concernant l’augmntation des allocations familiales et essaye maintenant de construire un certain soutien pour une augmentation des taxes à la consommation, en expliquant que cela est nécessaire pour l’effort des pensions dans le cadre d’un vieillissement rapide de la population. Cela donne une très petite idée de ce qui se trouve face à nous

Il ne fait aucun doute que les capitalistes japonais essayeront de faire payer cette crise aux travailleurs et aux pauvres. Cela provoquera inévitablement une résistance. Cette crise dévoile à court terme l’avenir que nous réserve le capitalisme, un système assailli de problèmes majeurs.

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