Japon. Tremblement de terre & cauchemar nucléaire

Le système capitaliste est incapable de faire face aux désastres naturels – pour un contrôle démocratique sur l’aide et la reconstruction

Le tremblement de terre massif qui a ébranlé le Nord-est du Japon ce vendredi 11 février et les destructions causées par l’un des plus puissants tsunamis jamais vu est la “pire crise depuis 1945”, selon les termes employés par le Premier Ministre japonais, Naoto Kan. Les terribles évènements du Japon soulèvent de nombreuses questions concernant les folies du capitalisme, et plus particulièrement le développement massif du nucléaire – qui n’est jamais entièrement sûr – dans une région connue pour ses secousses sismiques.

Par des correspondants du CIO en Chine, Hong Kong et Taiwan, de chinaworker.info

L’épicentre du tremblement de terre de ce vendredi est situé dans la préfecture de Miyagi, à 400 kilomètres au nord-est de Tokyo. Il aurait atteint 8.9 sur l’échelle de Richter, ce qui en fait le 5e séisme le plus puissant depuis 1900. Sa puissance a été telle qu’elle a, aux dires des géologues, fait bougé 2,5 mètres l’île principale de l’archipel du Japon et que l’axe de rotation de la terre lui-même a bougé de 10 cm. Depuis lors, il y a eu au moins 67 autres chocs, d’une magnitude de 5, y inclus le puissant contrecoup d’une magnitude de 7 qui a lancé un tsunami d’une hauteur de 10 mètres qui a englouti de nombreuses villes côtières de l’Est du pays. La vague monstrueuse a causé d’incroyables destructions aux docks, aux chemins de fer et autres, des navires de plusieurs milliers de tonnes étant tout simplement balayés. Au moins deux trains ont totalement été engloutis dans les eaux. La puissance de l’onde de choc a été ressentie jusqu’à la côte pacifique des Etats-Unis, causant même la mort d’un homme qui filmait les vagues en Californie.

Les premiers reportages sur le réseau de télévision japonaise NNT parlaient de 1.000 personnes décédées. Mais des dizaines de milliers de personnes sont toujours disparues. Dans la préfecture de Miyagi, fortement touchée, la police a déclaré qu’il y avait encore de “nombreuses” personnes disparues et dans la préfecture de Sanrikucho, la région la plus touchée, un million de personnes sont toujours recherchées. La police a parlé de centaines de milliers de personnes évacuées et que le nombre de bâtiments et de routes détruits était incalculable. Deux millions de maisons sont toujours sans électricité, dans le froid hivernal. Le Shinkansen (train à grande vitesse) et d’autres moyens de transport majeurs sont toujours hors d’état pour la troisième journée consécutive. Les zones affectées par la catastrophe incluent la ville de Tokyo, où de nombreux travailleurs n’ont eu d’autre choix que de marcher pour rejoindre leur foyer après le travail, parfois à plusieurs heures de marche.

Les explosions de Fukushima – ‘le troisième plus grave incident nucléaire de l’histoire’

Mais il y a aussi les explosions dans deux réacteurs nucléaires. Le jour suivant le séisme (le 12 mars), le réacteur n°1 a explosé à la centrale nucléaire de Fukushima, à cause d’une fissure dans l’unité de refroidissement. Une seconde explosion a été rapportée, sur le même site hier (le 13 mars). Le porte-parole du gouvernement Yukio Edano a révélé qu’il pourrait y avoir une “fusion partielle” des barres de combustible au réacteur n°1 de Fukushima.

Le gouvernement a annoncé l’état d’urgence dans la région ainsi que l’évacuation de tous les habitants dans un rayon de 20 km autour du complexe de Fukushima, soit un total d’environ 300.000 personnes. Des fuites radioactives ont été officiellement confirmées, mais le Premier Ministre Kan a déclaré que le niveau n’était pas “élevé” et a assuré la population que cela était “fondamentalement différent de l’accident de Tchernobyl” – une référence à la catastrophe nucléaire de 1986 en Ukraine. Quelque 160 personnes évacuées sont examinées, suspectées d’avoir été irradiées. Les expertes disent qu’il s’agit du troisième plus grave accident nucléaire de l’histoire, après Tchernobyl et la crise de Three Mile Island, en 1979 aux Etats-Unis. Le niveau de radiation par heure dans les centrales affectées au Japon est égal au niveau normalement autorisé en une année. Même les navires et avions américains envoyés pour prendre part à l’effort d’aide ont été déplacés des zones côtières en raison du taux trop élevé de radiations, qui constitue une menace pour le personnel US.

Au moment d’écrire ces lignes, 11 des 55 réacteurs japonais étaient à l’arrêt, et on parle d’un incident à une troisième centrale à Ibaraki, à 120 km au nord de Tokyo. La méfiance et le scepticisme à l’encontre du gouvernement se répandent. C’est bien compréhensible dans ce pays, le seul à avoir subit une attaque nucléaire, avec toutes les horreurs que cela suppose.

Cet incident souligne les dangers du nucléaire, qui n’est en rien une solution à la crise énergétique et constitue de nombreux risques pour les hommes et la nature. Les désastres naturels, comme les séismes et les inondations, ou encore les guerres, peuvent causer de dangereuses déstabilisations des centrales nucléaires, avec des dégâts à long terme pour la société humaine. Sous les conditions capitalistes, depuis que les énergies fossiles se raréfient, on assiste à un virage en direction de l’atome. Cette tendance a été renforcée par la pression pour diminuer les émissions de gaz carbonique et pour sembler plus “verts” au vu de la croissance des inquiétudes concernant le climat.

En Asie et dans le Pacifique, au Japon mais aussi en Chine, en Russie et aux USA, il y a une extension massive du nucléaire. Dans son dernier plan quinquennal, la Chine a prévu de largement étendre ses capacités nucléaires. Il est globalement question de construire 350 nouveaux réacteurs nucléaires pour les 20 prochaines années. L’industrie nucléaire se frotte les mains en imaginant les profits à venir, mais les experts avertissent des nombreux dangers.

“Les centrales nucléaires japonaises étaient sensées résister aux séismes et être les mieux préparées au monde pour résister aux catastrophes, mais voyez ce qui s’est produit.” a déclaré un porte-parole de Greenpeace. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a averti que 20% des centrales nucléaires au monde se situent sur des zones d’activité sismique (comme les séismes) “significative”.

Le ministre chinois de la science et de la technologie, Wan Gang, a récemment annoncé qu’au cours du prochain plan quinquennal, les investissements dans les alternatives aux énergies fossiles seraient principalement concentrées sur le nucléaire et non sur le vent, l’énergie solaire ou d’autres formes d’énergie renouvelable. La Chine est aussi hautement sous le risque de séismes, et a subi les deux tremblements de terre les plus mortels au cours du demi-siècle dernier (Tangshan en 1976 et Sichuan en 2008). Il est donc particulièrement insouciant de la part des autorités chinoises de construire plus de centrales nucléaires. A Taiwan aussi, la crise nucléaire japonaise provoque un grand débat. Il y existe une grande panique concernant d’éventuelles retombées radioactives. Le parti écologiste a connu un certain progrès dans sa popularité avec son opposition à la construction de réacteurs nucléaires, Taïwan en ayant construit deux juste au-dessus d’une faille sismique.

Sur le front économique, le Japon est en crise depuis 20 ans, et cela va encore être aggravé par le tremblement de terre. La région du Japon la plus affectée a une forte concentration de fer et d’acier, d’entreprises pétro-chimiques, de fabriques, de centrales nucléaires et autres industries clés du pays. Une explosion et un incendie à la COSMO Oil Company, dans la ville de Chiba, a fait fermer la raffinerie. De nombreuses compagnies dans cette region ont été forcées de fermer leurs portes, y compris Mitsui Chemicals, Mitsubishi Chemical, JFE Steel, Sumitomo Metal Industries, Maruzen Oil Company et d’autres grandes entreprises. Nissan Motor et Honda ont annoncé qu’ils allaient stopper la production dès le 14 mars faute de fournitures. Sony et d’autres producteurs d’électronique ont aussi leur chaîne de production affectée par la catastrophe. En raison du poids de l’économie japonaise dans l’économie globale, la catastrophe du 11 mars aura un impact significatif sur les USA, la Chine, l’Union Européenne et d’autres économies.

Quelques économistes parlent en des termes positifs des investissements qui ont suivi le séisme de Kobe en 1996, et voient une possible croissance dans l’infrastructure. Le Premier Ministre a fait écho à cette théorie en disant à la population de ne pas être pessimiste car le Japon connaîtra une sorte de “ New Deal” avec la restauration de l’économie, sur base des travaux massifs nécessaires à la reconstruction. Mais alors que le gouvernement japonais va être force de faire de grandes dépenses d’urgence, ses caisses sont vides, et le pays connaît le plus grand taux de dette au monde (la dette publique équivaut à 200% du Produit Intérieur Brut), juste après le Zimbabwe. Dans un environnement de crise économique globale, ce tremblement de terre peut avoir des conséquences très néfastes pour le capitalisme. Cela a été illustré par la chute massive sur les marches asiatiques, au vu du fait que les spéculateurs ont pris peur.

Ces processus exposent entièrement les conséquences de la soif de profit capitaliste, sans aucune considération pour la vie humaine et l’environnement naturel. La théorie économique capitaliste de la “fenêtre brisée” montre aussi la logique complètement folle du système, où la perspective de profits élevés est acclamée, même si cela doit être réalisé par la destruction économique ou la guerre. Le capitalisme et ses idéologues sont les seuls véritables éléments “antisociaux”.

La reconstruction et l’aide causera de sérieux problèmes spéculatifs. La nécessité d’un grand nombre de projets de reconstruction et d’investissements lies aux assurances provoquera certainement une réduction de liquidités dans l’économie, le tremblement de terre aura donc aussi probablement comme conséquence de pousser le Yen encore plus haut, et affaiblira la position des exportations. Au même moment, les capitalistes lancent partout des attaques massives contre la classe ouvrière – de l’Union Européenne au Wisconsin et d’autres Etats américains – et la classe ouvrière japonaise devra faire face à des mesures similaires de la part de son gouvernement, qui voudra leur faire payer la crise pour sauver les capitalistes.

Nous revendiquons :

  • L’auto-organisation immédiate des travailleurs et des communautés locales dans les régions affectées afin de gérer les secours et de démocratiquement déterminer les besoins liés à la reconstruction. Pour la solidarité internationale et le soutien actif à la population japonaise !
  • Pour une révision urgente de la politique énergétique et des investissements massifs dans les énergies propres, en alternative au nucléaire! Pour la nationalisation du secteur énergétique sous le contrôle des travailleurs !
  • Aucune confiance envers les profiteurs, les spéculateurs et les capitalistes dans l’organisation des secours et de la reconstruction du pays. Luttons pour le socialisme et la propriété démocratique et publique de l’économie japonaise, seule façon de concilier les besoins des travailleurs et le développement de la nature et de la terre.
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