Après la manifestat ion ‘‘Shame’’: Le mécontentement contre la crise politique augmente

La presse a commenté la manifestation du 23 janvier comme n’étant ni plus ni moins qu’un évènement belgicain et apolitique, symbole d’une ‘‘cyberjeunesse’’. Mais derrière cette façade se trouve un caractère bien plus profond.

Par Baptiste (Wavre)

S’il y avait bel et bien des éléments belgicains et apolitiques présents dans la manifestation ‘‘Shame!’’, il serait plus correct de parler de confusion politique pour l’ensemble de la manifestation. De la même manière, on retrouvait plus une opposition au ‘‘diviser-pourmieux- régner’’ communautaire et au détricotage de la sécurité sociale plutôt qu’un belgicisme inconditionnel.

Réforme d’Etat : pour la casse sociale ou pour des droits sociaux?

Tous les politiciens traditionnels limitent la discussion sur une réforme d’Etat à la question de savoir quel niveau de pouvoir doit le plus supporter l’austérité. Le record mondial pour la formation d’un gouvernement a été battu parce qu’ils ne trouvent pas d’accord.

Des années durant, les partis traditionnels ont essayé de masquer leur politique anti-sociale derrière des thèmes communautaires. La bourgeoisie belge a toujours utilisé cette politique de diviser-pour-régner afin d’éviter une confrontation ouverte entre classes sociales. Ce processus a atteint ses limites et, en l’absence de marge financière, la remise en cause des outils politiques traditionnels de la bourgeoisie est flagrante. C’est ce qui explique l’impasse politique actuelle.

Les partis établis sont en désaccord concernant le rythme et le niveau des assainissements. Mais sur la base de la casse sociale, ils sont tous d’accord. Quand la majorité des militants syndicaux s’est prononcée contre la proposition d’Accord Interprofessionnel, le gouvernement en affaires courantes n’a eu besoin que de deux jours et une nuit pour parvenir à rédiger un nouveau projet s’attaquant aussi à nos salaires. Les marxistes s’opposent à toute réforme d’Etat pour organiser la casse sociale. Cela ne signifie pas que nous sommes opposés à chaque extension de pouvoirs des administrations régionales et locales. Nous n’avons aucun problème avec cela si c’est pour organiser une meilleure politique qui s’en prenne au chômage, aux bas salaires, aux mauvaises conditions de travail, au loyers trop élevés, au manque de services publics,… Mais cela n’est pas le but de la réforme d’Etat proposée par tous les partis traditionnels : ils veulent régionaliser pour assainir plus fortement, en montant l’une région contre l’autre.

Contre la politique de casse sociale, il nous faut une lutte unifiée des travailleurs, tant au niveau politique que syndical, ce qui est possible sur base de revendications combatives incluant des revendications démocratiques. Nous défendons le droit pour chacun à avoir un travail dans sa propre langue, ce qui est très important à Bruxelles. Nous exigeons l’enseignement gratuit des langues, les attaques contre l’enseignement ont déjà fortement miné la connaissance d’autres langues. Nous nous battons pour des logements abordables, y compris dans la périphérie bruxelloise où les prix sont les plus élevés du pays. Le développement et le renforcement des services publics doivent aussi inclure le droit à avoir des services dans sa propre langue.

Ce sont des éléments qui ne sont pas négligeables, et qui ne doivent pas être occultés par l’appel erroné des organisateurs à la ‘‘formation urgente d’un gouvernement’’. Finalement, ce n’est rien d’autre que l’expression des préoccupations sociales, sur les acquis, l’emploi, les services publics, mais dans un contexte politique embrouillé par les polémiques communautaires des politiciens depuis plusieurs années.

Face à une telle situation, deux attitudes sont des dangers pour la gauche. Le premier est l’opportunisme, la facilité de s’abaisser à la confusion politique régnante pour trouver le plus grand écho possible autour de soi. Avoir un écho autour de soi quand l’on se met à la remorque des idées déjà présentes dans la société est une chose, apporter une réponse politique aux préoccupations sociales et développer le niveau de conscience en est une autre.

A l’opposé, une attitude problématique est le sectarisme. Sur base de l’appel des organisateurs, ne considérer la présence de 45.000 manifestants que comme rien d’autre que la promenade annuelle de couches issues de la petite bourgeoisie est une analyse qui ne tient compte que de la façade d’une manifestation, sans voir le processus qui est à l’oeuvre derrière. A ce titre, un parallèle peut être fait avec l’attitude méprisante et fermée de différents groupes dans la gauche visà- vis des manifestations antimondialisation aux environs de l’année 2000.

Une telle approche sectaire, de la même manière que l’opportuniste, est incapable de déceler le processus dans la conscience qui est à l’oeuvre sous la surface, or c’est indispensable pour intervenir avec une réponse politique qui permette d’augmenter le niveau de conscience politique. Car bien que l’expression soit confuse (ce qui est lié à la situation de brouillard politique belge), le ras-le-bol sur les menaces de détricotage de la sécurité sociale via le ‘‘diviser- pour-mieux-régner’’ est un point tournant dans de plus larges couches de la société sur la perception de la question nationale.

Il est nécessaire de pouvoir analyser les changements à l’oeuvre dans la société pour formuler une réponse politique basée sur un programme qui relie le niveau de conscience actuel à la nécessité d’une société socialiste. Attendre que ces changements soient de manière mécanique une irruption de drapeaux rouges est erroné. Les changements et la polarisation politique dans la société s’accompagneront inévitablement d’éléments compliquant hérités de la période précédente. C’est ce qui s’est exprimé parmi les 45.000 personnes présentes lors de la manifestation ‘‘Shame’’.

C’est la raison pour laquelle le PSL est intervenu lors de cette manifestation, tout en étant en désaccord avec le concept d’origine de l’appel, ce que nous avons formulé avec le slogan “Un gouvernement pour s’attaquer aux banques et aux spéculateurs, pas aux travailleurs et à leurs familles.’’

Notre réponse aux polémiques communautaires entre politiciens traditionnels, polémiques qui sont étrangères aux préoccupations de l’immense majorité de la population, est qu’il est nécessaire d’avoir un instrument politique pour les travailleurs et leur famille, qui puisse exprimer leurs revendications, à travers un programme pour le socialisme. La période qui vient est une période de crise pour le capitalisme, une période instable et qui regorge de changements rapides dans la société. La clarté politique sur les processus est nécessaire pour réagir rapidement et être armé d’une réponse qui élève le niveau de conscience politique à travers ces changements ; c’est ce que nous voulons réaliser avec le PSL-LSP.

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