A l’heure où paraît cet article, nous ne connaissons pas encore les résultats des référendums organisés en France et aux Pays-Bas sur la Constitution européenne. Par contre, en Belgique, une chose est certaine : 100% des Belges n’auront pas été consultés !
Jean Peltier
Il a été un moment question d’organiser en Belgique aussi une consultation populaire sur le sujet. Mais l’opposition des partis socialistes et chrétiens a enterré le projet. Motifs officiels : le seul parti parlementaire opposé au projet de Constitution européenne étant le Vlaams Belang, il ne serait pas indiqué de lui offrir une tribune d’expression « grand format » à l’occasion d’un référendum et il serait dangereux, en plus, de développer de nouvelles tensions communautaires à cette occasion. Au nom d’un antifascisme de pacotille et de la défense de l’unité du pays, on a donc décidé en haut lieu de faire ratifier ce projet à la sauvette par le Parlement fédéral puis les parlements régionaux. Et, pour ne prendre aucun risque, la « grande campagne d’information populaire » annoncée en contrepartie de l’absence de référendum a été enterrée avant même d’être lancée…
La vraie raison pour la non-organisation d’un référendum est bien sûr ailleurs : c’est la peur que, comme en France, l’opposition à cette Constitution soit beaucoup plus forte que prévu et qu’elle provoque de grosses tensions au sein des partis, particulièrement au sein du PS et des Verts, et qu’elle creuse encore un peu plus le fossé entre la FGTB, où l’opposition à la Constitution est forte, et le PS et le SP.a.
De son point de vue, Di Rupo a raison de se méfier des remous qu’un véritable débat sur cette Constitution pourrait provoquer dans son parti et dans la gauche belge quand on voit ce qui se passe chez nos voisins. C’est une véritable fracture qui s’est développée au sein de la gauche française. Les directions du Parti Socialiste et des Verts, ainsi que le syndicat CFDT, se sont ralliés sans le moindre état d’âme au libéralisme. Elles mènent activement campagne pour le Oui à la Constitution, aux côtés des partis de droite et du patronat et avec l’appui d’un bombardement médiatique rarement vu.
Mais, malgré cela, elles se retrouvent aujourd’hui minoritaires au sein de l’électorat de gauche sur cette position. Car beaucoup de travailleurs et de jeunes ont vu l’occasion de transformer ce référendum en « raffarindum » et entendent bien se saisir de l’occasion qui leur est donnée pour dire à la fois « Non à Raffarin » et « Non à la Constitution ». Les dirigeants de droite et de gauche ont beau hurler que ces deux « non » n’ont rien à voir, de moins en moins de gens les croient. Car la politique de Raffarin – détricotage des 35 heures, attaques contre la Sécurité sociale, privatisations en cours à la Poste et dans les services publics de l’électricité et du gaz (EDF-GDF), suppression du lundi de congé de Pentecôte,… – n’est que l’application en France de la politique que la Commission européenne préconise et que la Constitution renforcerait.
S’appuyant sur ce rejet populaire de la politique libérale du gouvernement, une alliance pour un « Non de gauche » s’est développée au cours de la campagne entre le Parti Communiste, les courants de gauche dans le PS et les Verts, une partie de l’extrême-gauche (la LCR), ATTAC, des syndicats de travailleurs (CGT et SUD), de paysans (Confédération Paysanne) et d’étudiants (UNEF) et quantité d’autres mouvements et associations. Les porte-parole de ce « Non de gauche » n’ont pas une perspective de rupture avec le capitalisme ni même avec l’Union de la Gauche qu’ils veulent simplement réorienter un peu plus à gauche que sous l’ère Jospin. Mais ces fractures dans la gauche politique et sociale et surtout l’ampleur de la mobilisation militante pour le Non montrent – quel que soit le résultat final du référendum – le potentiel énorme qui existe pour la formation d’un nouveau parti qui défendrait clairement les intérêts des travailleurs et se placerait en rupture avec les exigences du capitalisme. Le drame est qu’il n’y a actuellement que très peu de forces militantes qui mettent clairement en avant cette perspective.
Pour une critique de la Constitution européenne, voir l’article« Une camisole de force ultra-libérale »