STIB. Un projet d’accord qui en dit long…

Début avril, un envoi postal anonyme arrive dans la boîte postale du MAS. L’enveloppe contient un projet d’accord entre la direction de la STIB et les secrétaires des trois syndicats (CGSP, CCSP, CGSLB).Le document n’est pas récent (17 décembre 2004), mais trois points attirent l’attention : c’est un projet de convention sur le «mode de règlement des conflits» ; à la mi-décembre les affiliés de la CGSP étaient en plein conflit social ; personne parmi les travailleurs de la STIB n’a entendu parler de ce projet d’accord resté secret. Plus pour longtemps cependant car le MAS a décidé de le rendre public en le publiant sur son site et en diffusant un bulletin d’information aux travailleurs de la STIB (La Planchette).

Guy Van Sinoy

Une mise sous tutelle du droit de grève

Ce projet constitue une mise sous tutelle du droit de grève et de l’autonomie syndicale. Il prévoit la création d’un bureau paritaire de conciliation chargé d’intervenir lorsqu’une partie dénonce une convention, lors de l’application du statut de la délégation syndicale et des crédits d’heures syndicaux, lors du dépôt d’un préavis de grève ou d’action. Pourquoi créer un tel bureau alors qu’il est possible d’avoir recours à un conciliateur social du ministère? Pourquoi soumettre à cet organe paritaire l’application du statut syndical alors que celui-ci est bétonné dans la convention nationale n°5 («le temps et les facilités nécessaires pour les délégués syndicaux») ?

Avant le dépôt d’un préavis, le bureau devra impérativement se réunir. Si le préavis est déposé (car le but est évidemment d’empêcher ou de retarder au maximum le dépôt du préavis) celui-ci doit être adressé à l’employeur, mais aussi au bureau (sans doute pour permettre à celui-ci de juger du bien fondé du préavis).

Le projet prévoit que si UN des éléments n’est pas respecté, la grève sera considérée comme «sauvage», non reconnue et non indemnisée par les syndicats et ceux-ci doivent «appeler leurs affiliés à reprendre le travail sur le champ».

Une telle convention signifierait que les syndicats perdent leur autonomie pour reconnaître ou non un mouvement de grève (puisque le non respect de la procédure dicte le tout). Par la même occasion, cela transformerait automatiquement les responsables syndicaux en hommes de main du patron chargés de casser la grève.

Sanctions contre les délégués et contre les travailleurs

Le projet prévoit des sanctions contre les délégués syndicaux (diminution du nombre de crédits d’heures syndicaux) si la procédure n’est pas respectée.

L’article 12 mérite qu’on le cite en entier : «Tout jour de grève, reconnue ou non, ne fait pas l’objet de paiement, sous réserve d’autres sanctions que l’employeur pourrait prendre, allant jusqu’au licenciement.» Au moment où, partout dans le mouvement syndical, on proteste contre les atteintes au droit de grève (notamment contre les astreintes décidées par les tribunaux), on trouve à la STIB un patron et des secrétaires syndicaux qui préparent en cachette un projet de convention avec des sanctions contre les grévistes (même si la grève est reconnue!)… pouvant aller jusqu’au licenciement!

Grâce à de tels irresponsables syndicaux, la direction de la STIB n’aurait même plus besoin d’aller au tribunal pour imposer des astreintes puisque la convention admet le principe de sanctions contre les grévistes. Comment un travailleur, licencié pour fait de grève, pourra-t-il faire admettre par le tribunal du travail que son licenciement est abusif si une convention prévoit en cas de grève «des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement»?

Il faut nettoyer les écuries

Nous avons déjà écrit que lors des 6 jours de grève à la STIB, entre octobre et janvier derniers, les secrétaires de la CCSP et de la CGSLB avaient ouvertement trahi la lutte en s’opposant à la grève. Nous avons aussi écrit que le secrétaire de la CGSP aurait sans doute souhaité faire de même, mais n’était pas de taille à affronter le mouvement de révolte de sa base et avait préféré laisser pourrir le mouvement pour l’étouffer. Nous en avons maintenant la confirmation. En pleine grève, ces briseurs de grève préparaient une convention en cachette pour empêcher de futures actions..

Ce projet en dit long sur l’intégration des secrétaires syndicaux de la STIB, complètement inféodés à l’employeur. Il appelle d’autres questions. Dans quelle mesure sont-ils encore indépendants du patron ? Quelle est leur salaire? Touchent-ils des jetons de présence au conseil d’administration et au conseil de gestion ? Combien ? C’est une question de démocratie syndicale.

Mais cela va au-delà de la STIB. Car si un tel projet d’accord venait à être signé, cela ferait un précédent. Les secrétaires syndicaux de la STIB resteraient sans doute discrets sur ce qu’ils ont signé, mais pas mal de bureaux d’avocats patronaux y verraient matière à jurisprudence à faire appliquer dans d’autres secteurs. Il faut une réponse ferme. On ne peut pas brader le droit de grève conquis de haute lutte. Interpellez les secrétaires syndicaux concernés pour leur demander des comptes ! (*)


(*) CGSP : Alex Vonck, rue du Congrès 17, 1000 Bruxelles / CCSP : Jean-Pierre Naniot, rue Plétinckx 19, 1000 Bruxelles / CGSLB : Chris Dreesen, Boulevard Baudouin 11 – 1000 Bruxelles

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