C’est le dernier jour de la grève et, ce matin, on apprend encore une nouvelle terrible ; M. Boutet, âgé de 25 ans, père de trois enfants, qui avait été blessé à la gorge par une balle lors des bagarres de la gare des Guillemins le 6 janvier à Liège, a succombé à ses blessures. Ce décès porte à quatre le nombre d’ ouvriers grévistes tués au cours de cette grève générale de l’hiver 1960-61. Trois dans la région de Liège et un à Bruxelles.
Cet article, ainsi que les autres rapports quotidiens sur la »Grève du Siècle », sont basés sur le livre de Gustave Dache »La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61 »
Les tués de Liège l’ont tous été dans le dos. « Le gendarme qui a tué J. Woussem prétend qu’il a tiré en l’ air. » La presse réactionnaire fait l’ éloge des tueurs. Malgré qu’ils aient repris le travail depuis le 16 janvier, la CGSP d’Anvers organise une manifestation de deuil qui rassemble plus d’ un millier de participants.
C’est donc la fin de la grève, mais une fois rentrés dans les entreprises, la colère au ventre et le moral en acier, la lutte n’ est pas terminée pour les travailleurs. Elle va prendre d’ autres formes et assurément rester, comme toujours, une lutte classe contre classe. Déjà, au lendemain de la reprise, à Charleroi, les cheminots repartent en grève le mercredi 25 janvier pour protester et empêcher les sanctions prises contre les grévistes.
Quelques semaines seulement après la reprise du travail, les travailleurs doivent faire face à une offensive patronale, sans doute pour tester si la longue grève et le manque de revenu n’ont pas affaibli la capacité de résistance des travailleurs. Les sanctions tombent dans les services publics, de même que les appels au mouchardage et à la dénonciation, les tentatives de mise à pied ou de licenciements dans le secteur privé, le chômage, etc.
Le 23 janvier 1961, la direction de »L’E spérance-Longdoz » (métallurgie) à Liège publie une circulaire à l’intention de tout le personnel. Tout en y exprimant sa considération à l’égard du syndicalisme, elle y affirme qu’elle est la seule à pouvoir exercer l’autorité au sein de l’entreprise et qu’elle prendra des sanctions à l’égard de délégués syndicaux combatifs.
Même scénario aux ACEC de Charleroi, où le directeur général publie une circulaire datée du 26 janvier 1961. Il y est question de l’esprit de collaboration avec le syndicat. Mais brusquement, il interdit à la délégation syndicale d’ organiser plus d’une assemblée générale par mois avec obligation d’ en demander l’autorisation à la direction, en lui soumettant l’ordre du jour proposé. Évidement, la délégation syndicale refuse de se soumettre à cet attentat contre les libertés syndicales, et douze délégués sont mis à pied. Ces différentes attaques font partie d’ un plan d’ensemble des patrons. Il est à noter que dans de nombreux endroits, les délégués CSC sont solidaires des délégués FGTB.