De l’intérêt de la crise politique pour le mouvement ouvrier – Un regard réellement socialiste sur la crise politique persistante

La tentative de conciliation de Vande Lanotte était qualifiée de tantième  »négociation de la dernière chance ». A nouveau, aucun accord n’a été obtenu, mais il apparaissait en même temps qu’il ne s’agissait pas de  »la dernière chance » non plus. Les négociations continuent sous la direction de Vande Lanotte, avec De Wever et Di Rupo, et de nouveaux pourparlers  »cruciaux » vont suivre. Le gouvernement en affaires courantes sous la direction d’Yves Leterme a entretemps reçu du Roi la demande d’élaborer un budget pour 2011 avec un déficit plus bas que prévu.

Texte d’Anja Deschoemacker au nom du Bureau Exécutif du PSL

L’homme et la femme de la rue ne savent plus que penser. La dépression, le cynisme et surtout le défaitisme sont aux prises avec le fou rire, bien que ce soit un rire jaune. Entretemps, les institutions internationales, y compris les institutions de crédit, commencent en avoir assez. Les journaux sont remplis d’articles consacrés à la menace issue des marchés financiers. Selon le bureau de recherche du marché CMA, le risque d’une faillite de la Belgique a considérablement monté au cours du dernier trimestre, jusqu’à atteindre 17,9% (site web du quotidien flamand De Tijd, 10 janvier 2011). Avec cela, notre pays occupe aujourd’hui la 16e place des pays à risque, contre la 53e il y a neuf mois.

Cela doit être fortement nuancé. Même si la crise politique et l’absence d’un gouvernement stable attire évidemment l’attention et peut donner des idées aux spéculateurs, il est insensé de mettre la Belgique au même niveau que la Roumanie, comme fait le CMA. Ceci étant dit, il est évidemment correct de dire que le taux d’intérêt croissant que la Belgique doit payer sur ses emprunts coûte une masse d’argent, certainement au vu du fait que les intérêts que paie notre pays sur sa dette d’Etat représentent aujourd’hui déjà à peu près 11% du PIB.

Si ces éléments sont actuellement très fortement mis en avant dans les médias et si les dangers sont encore souvent exagérés, c’est surtout afin de mettre pression sur les partis impliqués dans les négociations pour enfin conclure un accord et former un gouvernement. Si la NVA ne peut pas y être poussé, même pas quand la crise financière frappe à nouveau, cela constituera la donnée devant servir pour gouverner sans la NVA, car la NVA ne veut pas gouverner et  »nous ne pouvons pas entretemps voir sombrer le pays ».

Au vu du fait que la Flandre – et donc aussi la Belgique – risque de devenir ingouvernable si les partis traditionnels perdent encore du soutien électoral et que la NVA l’emporte encore, la pression des marchés financiers et des institutions internationales va devoir être très grande avant que le CD&V ne soit prêt. Ce parti qui a durablement été le plus grand parti du pays, le meneur de jeu ultime, est aujourd’hui dans une situation où son existence même est menacée. C’est l’explication principale de son comportement capricieux.

Le CD&V dit “non, sauf si” – ou était-ce quand même  » oui, mais »?

Après la déclaration de Wouter Beke selon laquelle le CD&V ne voulait pas se mettre autour de la table avec les sept partis sur base de la note de Vande Lanotte, sauf si des adaptations fondamentales sur des points essentiels étaient préalablement adoptés, la confusion a totalement éclaté. Le bureau du CD&V aurait décidé de dire  »oui, mais » (selon Torfs et Eyskens), mais le G4 du parti (Kris Peeters, Yves Leterme, Steven Vanackere et Wouter Beke) aurait modifié cette décision après que des contacts aient eu lieu avec la NVA pour dire  »non, sauf si ». Wouter Beke a clairement été surpris des réactions et surtout de la décision de Vande Lanotte de démissioner. C’est du poker à haut niveau…

Et en première vue, cela semble avoir marché. Vande Lanotte peut maintenant quand même continuer à négocier, bien qu’accompagné de deux  »belles mère »: De Wever et Di Rupo. Qu’il n’y ait maintenant aucune garantie que ce triumvirat ne parvienne à quelque chose, pour le dire le plus doucement que possible, peut être clair au vu des premières réactions. Tant la NVA que le CD&V voudraient maintenant emprunter un chemin où moins de thèmes seraient discutés, mais où les réformes concernant ces sujets seraient plus profondes. Le socio-économique est évident mais, pour la NVA, cela signifie par exemple de revendiquer la scission de toute la politique du marché de l’emploi. Les réactions du CDH, du PS et d’Ecolo ont clairement été  »non! » Le CD&V s’oppose d’ailleurs lui aussi à une scission de la sécurité sociale et de l’Onem, ce parti est aussi sous pression de l’ACW (le Mouvement Ouvrier Chrétien en Flandre) et de l’ACV (la CSC en Flandre) qui s’y opposent également.

Le CD&V et la NVA veulent plus de responsabilisation des gouvernements régionaux et des adaptations dans la note sur Bruxelles, où joue surtout la veille contradiction entre régions et communautés. L’existence de ces deux structures est une exemple typique de ce qu’on appelle le compromis belge : les communautés ont étés créés sur demande de la Flandre qui voulait mener une politique culturelle propre (la Communauté Germanophone utilisant ce développement pour pouvoir elle aussi disposer de compétences communautaires), les régions ont étés créés sur demande de la Wallonie pour pouvoir mener sa propre politique économique. Les deux s’imbriquent et entraînent une structure d’Etat très compliquée.

Pour les politiciens flamands, les communautés sont les plus importantes. C’est pour cela que les politiciens et les journalistes flamands parlent tout le temps de deux  »Etats régionaux » et que des propositions reviennent pour que Bruxelles soit gérée à partir de la Flandre et de la Wallonie. Ils nient donc que la création d’une Région de Bruxelles a créé une nouvelle réalité qu’on ne peut pas simplement éviter et que l’application d’un Bruxelles géré par les communautés peut conduire dans la capitale à de grandes différences, et même à une politique de séparation. Ils laissent aussi de côté le fait qu’à peu près la moitié de la population bruxelloise ne se considère comme faisant partie ni d’une communauté, ni de l’autre.

Pour les politiciens francophones, les régions sont la structure de référence, de manière à ce que deux régions (la Wallonie et Bruxelles) se retrouvent face à la Flandre, ce qui renforce évidemment leur position. Ils refusent le développement de  »sous-nationalités » à Bruxelles, ce avec quoi le PSL est d’accord, mais ils passent à côté de la réalité historique que les Flamands ont dû se battre pour avoir, par exemple, le droit à un enseignement néerlandophone, car les compromis qui étaient conclus à ce sujet avant la création des communautés n’ont jamais été réellement appliqués et la politique visant à repousser le néerlandais et à privilégier le français continuaient tout simplement.

Maintenant que des nouveaux compromis doivent être conclus, ces vielles contradictions continuent à jouer parce que les compromis du passé n’ont pas résolu l’affaire, mais l’ont seulement temporairement  »concilié ».

Est-ce que ça va finir un jour?

Les partis francophones ont évidemment tous négativement réagi face au refus du CD&V et de la NVA de se remettre autour de la table à sept. Car eux aussi veulent des adaptations à la note de Vande Lanotte, mais en direction inverse. Ecolo a déclaré être d’accord pour continuer de négocier autour de cette note, avec des amendements, mais le PS et le CDH ont attendu jusqu’aux déclarations du CD&V et de la NVA pour laisser entendre un  »oui, mais ». Le découragement monte : est-ce qu’un accord finira par arriver un jour ?

Dans sa première déclaration après l’échec de la note Vande Lanotte, Elio Di Rupo a créé une ouverture envers le MR. Cette ouverture a été de suite refermée – les propositions du MR de travailler sur base de l’article 35 de la constitution et de commencer à discuter sur ce que nous voulons encore faire ensemble à partir d’une feuille blanche n’ont pas aidé Reynders à se réimposer – mais c’était un manœuvre tactique importante. En fait, Di Rupo disait ainsi que le PS n’est pas seulement préparé à fonctionner avec la NVA dans un gouvernement qui est de centre-gauche pour le reste, mais également au sein d’un gouvernement de centre-droit. La NVA a fait savoir auparavant qu’elle préférait impliquer les libéraux afin de pouvoir mener une politique sociale (plus) à droite.

La NVA a aussi laissé savoir qu’elle était en faveur d’une augmentation des compétences pour le gouvernement sortant et être préparée à donner un soutien de tolérance à plusieurs mesures budgétaires, entre autres autour du dossier du droit d’asile et de l’immigration, ce qu’ils avaient déjà proposé à Leterme en octobre. Il est donc clair que pour la NVA, un gouvernement de (centre) droit est un objectif important, un objectif qu’on ne sait pas obtenir sans les partis libéraux comme tant les sociaux-démocrates que les chrétiens-démocrates, et dans une moindre mesure les verts, sont gagnés à l’idée d’une politique d’austérité socialement emballée et accompagnée au lieu d’une thérapie de choc qui conduirait sans doute à une lutte du mouvement ouvrier. Mais il est très clair qu’avec le MR, il serait encore beaucoup plus difficile d’arriver à un accord autour du dossier symbolique par excellence – la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde – au vu des intérêts électoraux du MR/FDF dans la périphérie de Bruxelles. Si Vande Lanotte échoue à nouveau, une tentative de formation d’un gouvernement de centre-droit sans les verts et avec les libéraux n’est pas exclue.

La pression sur la NVA augmente aussi dans les médias flamands, et il est clair que ce parti constitue un obstacle sérieux pour parvenir à la formation d’un gouvernement. Mais est-ce qu’il y a la possibilité d’arriver à un accord, avec ou sans la NVA ? Les commentaires dans les médias sur les contradictions de la note de Vande Lanotte montrent qu’il s’agit des même qu’il y a trois ans : la responsabilisation des gouvernements régionaux et la place des Communautés à Bruxelles face à celle de la Région.

Dans le passé, ces contradictions ont toujours été – temporairement – conciliées dans les structures belges sur base de compromis où chaque côté recevait partiellement ce qu’il voulait en échange de concessions de l’autre côté. Cette tradition de compromis – pas seulement sur la question nationale et la langue, mais aussi en conciliant les contradictions entre travail et capital et celles entre les piliers catholiques et laïque – fait que la politique en Belgique est fortement caractérisée par le pragmatisme.

En Belgique, tous les commentateurs disent unanimement :  »la politique c’est l’art de faire des compromis ». Les coalitions sont ici la forme gouvernementale traditionnelle. Participer aux coalitions était déjà l’objectif du Parti Ouvrier Belge avant la Première Guerre Mondiale (sur le plan communal), et toutes les forces flamingantes ou régionalistes wallonnes ou bruxelloises ont dans le passé été prises dans des coalitions, une récompense pour leur volonté de compromis.

Maintenant, il semble que la NVA ne veut pas s’inscrire dans ce processus, ou du moins veulent ils visiblement en faire monter le prix tellement haut que ce ne soit plus acceptable du côté francophone. Mais nous ne devons pas nous tromper : pour la bourgeoisie aussi, par la voix de ses organisations comme la FEB, nombre de revendications de la NVA sont inacceptables. Le dernier rapport du FMI également appelle bien à la responsabilisation des gouvernements régionaux, mais appelle également à éviter que la concurrence entre les régions ne fasse des dégâts à l’unité du marché de l’emploi. Comme le rédacteur en chef du magazine Knack l’écrivait il y a des mois, la Belgique fonctionne pour le patronat comme la vache à lait parfaite, il ne veut en aucun cas s’en débarrasser. A la table des négociations, le PS n’est pas seulement le représentant de la Communauté francophone, mais aussi celui de ces cercles du Grand Capital.

La NVA reçoit un soutien pour son refus de rentrer dans ce jeu: une rupture avec cette politique des coulisses. Les études du comportement électoral illustrent toutefois que de grandes parties de l’électorat gagné par la NVA n’a rien à voir avec le programme de ce parti, on vote pour la NVA après avoir déjà conclu qu’on ne doit rien attendre des autres partis si ce n’est plus de la même chose. Plus de la même chose, c’est encore quelques décennies de modération salariale, une politique menée ces trente dernières années et qui conduit à ce qu’aujourd’hui, une famille a besoin de deux salaires afin de maintenir le niveau de vie de vie qui pouvait dans le temps être assuré par un salaire. Encore quelques décennies de sous-financement de toute l’infrastructure et de tous les services publics, avec comme résultat des crevasses dans les routes, des retards dans les transports publics, les listes d’attente dans chaque secteur des soins,… Encore quelques décennies d’augmentation de la pauvreté (de 6% dans les années ’80 à 15% aujourd’hui), de sous-emploi et de chômage, d’insécurité sur l’avenir,…

Mais avec la NVA, tout ça ne s’arrêtera pas, bien au contraire. Le parti peut bien se poser idéologiquement comme parti conservateur et non pas libéral, ses revendications socio-économiques sont par contre ultralibérales. Il semble totalement échapper à la NVA que c’est cette politique libérale qui a conduit à la crise mondiale actuelle. Ou est-ce que la NVA pense que le néolibéralisme mène partout à un bain de sang social et à l’appauvrissement, mais que par une ou autre magie la population flamande peut être sauvée ? Il semble aussi échapper à la NVA que leur idée que l’Europe se développera vers une sorte d’Etat national pour les régions européennes – dans laquelle peut pacifiquement s’évaporer la Belgique et la Flandre pacifiquement et presque automatiquement devenir indépendante – a toujours été utopique et qu’avec la crise financière-économique, la direction que prend aujourd’hui l’Union Européenne est plutôt une direction qui disperse les pays européens plutôt que de les rassembler pour la construction d’une véritable fédération européenne.

Ce qui échappe aussi à la NVA, c’est le fait que  »la Flandre » est tout sauf unanime – même si les partis flamands le sont – sur la nécessité d’un démantèlement des dépenses sociales et des services publics. En 2008, les fonctionnaires flamands ont protesté contre la diminution de leur pouvoir d’achat et, maintenant, ces mêmes fonctionnaires devraient accepter sans lutter qu’on mette fondamentalement un terme à leurs pensions?

Si la NVA n’est pas préparée à avaler un accord qui satisfait la bourgeoisie – une réforme d’Etat répartissant l’austérité sur différents niveaux – ce parti ne va pas prendre place au gouvernement. Si ce n’est vraiment pas possible autrement, elle serait éventuellement reprise mais seulement le temps nécessaire pour lui brûler les ailes au gouvernement. A côté de ce chemin, il ne reste à la bourgeoisie que la stratégie de pourrissement, où la NVA est brûlée justement en la gardant hors du pouvoir, si nécessaire avec le prix d’encore quelques années de crise politique et, entre autres, des élections se suivant rapidement.

Un accord est donc possible si De Wever peut imposer un compromis à son parti et si les “pragmatiques” l’emportent sur les  »romantiques flamands ». Si ce n’est pas le cas, le feuilleton va sans doute encore continuer quelque temps pour alors inévitablement conduire à un certain moment à des élections. La pression externe – de la part de l’Europe, des institutions internationales, la menace des marchés financiers,… – va sans doute être nécessaire pour forcer tous les partis à un accord (et pour en même temps donner l’excuse au fait que cet accord sera sans doute en-dessous du seuil minimum aujourd’hui mis en avant par les partis concernés).

La Belgique a-t-elle encore un avenir ?

Comme cela a déjà été dit, dans le passé, des compromis ont été conclus conduisant à chaque fois à une période de pacification. Ces compromis étaient possibles sur base de l’énorme richesse produite par la classe ouvrière belge et qui créait la possibilité d’acheter un accord. Les partis régionalistes ou nationalistes flamands ont toujours obtenu des concessions partielles, et on s’assurait en même temps que toutes sortes de verrous étaient instaurés pour éviter la désintégration du pays. L’attribution de plus de pouvoir et de poids des structures belges vers la Flandre en pleine floraison économique et vers la Wallonie frappée de désindustrialisation, s’accompagnait de doubles majorités et d’autres mesures de protection pour les minorités nationales comme les mesures de conflits d’intérêt et la procédure de la sonnette d’alarme. La pleine reconnaissance du bilinguisme à Bruxelles s’est accompagnée d’une Région bruxelloise, qui constitue aujourd’hui la pierre d’achoppement la plus importante contre la désintégration du pays. L’élite flamande ne sait unilatéralement proclamer l’indépendance que si elle accepte la perte de Bruxelles, ce qui n’est pas en train de se faire immédiatement, qu’importe à quoi peuvent bien rêver nombre de membres de la NVA.

De l’autre côté, il est aussi clair qu’il devient toujours plus difficile de conclure des compromis. Ces trente dernières années, une partie de plus en plus grande de la richesse est allée vers les couches les plus riches de la population, les capitalistes. Les presque 90% de la population qui vivent de salaires et d’allocations ne reçoivent aujourd’hui même plus la moitié des revenus qui sont produits avec le travail de la classe ouvrière en Belgique. Les salaires et les allocations ont été de plus en plus vidées pour faire à nouveau monter les profits, mais les revenus de l’Etat – impôts et sécurité sociale – ont aussi été toujours plus écrémés. Aujourd’hui, l’Etat fédéral n’est plus dans la position d’acheter n’importe quoi. La question actuelle n’est pas de savoir si on sait parvenir à atteindre une situation  »gagnant-gagnant », et même pas  »gagner un peu, perdre un peu », mais à un équilibre sur ce qui est perdu, et donc à une situation  »perdant-perdant ». Cela explique la difficulté.

Mais le plus probable à ce moment est que – finalement – un compromis soit trouvé. Un compromis bancal qui ne va pas conduire à la stabilité – seulement à plus de coupes dans les dépenses sociales et les services publics, alors que les manques y sont déjà grands. Un compromis donc, dont on peut dire avec certitude qu’il ne va qu’encore augmenter les tensions.

Et le mouvement ouvrier?

Il était là et il regardait… Par manque de parti des travailleurs, les intérêts de la classe ouvrière n’entrent pas en ligne de compte dans ces négociations et ne vont certainement pas être à la base d’un accord. Qu’importe ce que dit le PS, ils ont déjà prouvé plus que suffisamment au cours des trente dernières années qu’ils sont préparés à faire tout ce que la bourgeoisie demande. Bien que le PS reste plus à l’arrière-plan et se cache derrière les partis flamands qui ont toujours livré le dirigeant du gouvernement, il est tout comme le SP.a à la base du vol du siècle (passé) : vider presque tous les acquis d’après-guerre du mouvement ouvrier petit à petit, avec une tactique du salami.

La NVA n’agit clairement pas dans l’intérêt de la classe ouvrière en Flandre, Bart De Wever a rendu cela très clair très tôt dans les négociations, quand il a appelé le Voka – qui a toujours été une des organisations patronales la plus extrême sur le plan des revendications ultralibérales –  »mon patron ». S’il y avait un réel parti des travailleurs en Flandre, qui mène réellement la lutte pour les intérêts des travailleurs flamands, il serait déjà rapidement clair que le Voka – et la NVA avec lui – ne représente qu’une petite minorité de la population flamande, cette minorité qui veut faire travailler pour elle la majorité au coût le plus bas possible. Par manque d’un parti des travailleurs qui réagit aux attaques des partis bourgeois et petit-bourgeois en prenant en main la lutte de classe pour la classe ouvrière, et qui y donne une direction, un climat peut être créé où les intérêts des patrons flamands peuvent être représentés comme les  »intérêts de la Flandre ».

Il n’y a pas de short-cut. La bourgeoisie n’est pas capable de concilier définitivement et complètement la question nationale en Belgique, la seule chose qu’elle a à offrir est encore quelques exercices d’improvisation et d’équilibre avec comme objectif final de maintenir son système et ses privilèges. Une conciliation réelle de contradictions nationales ne peut se faire que si les moyens sont mis à disposition pour garantir à chacun en Belgique une vie et un avenir décent. Des emplois à plein temps et bien payé pour tout le monde, assez de logements abordables et de qualité, un enseignement de qualité et accessible pour offrir un avenir à nos enfants, des services publics et une sécurité sociale avec assez de financement pour couvrir les besoins,… sont des revendications qui doivent nécessairement être remplis, sans aucune discrimination, pour mener à une fin aux tensions. Un développement harmonieux de l’économie belge avec comme but de satisfaire les besoins de la grande majorité de la population et d’en finir avec les pénuries sur le plan social (et donc en finir aussi avec les luttes pour savoir qui peut disposer de ce qui reste comme moyens) devrait mettre fin au chômage colossal et au manque de perspectives qui règnent dans nombre de régions wallonnes, mais certainement aussi à Bruxelles et dans des villes comme Anvers et Gand, où de grandes parties de la jeunesse ouvrière n’a aucune perspective pour l’avenir, sauf le chômage et la pauvreté. Il ne faut pas attendre ce développement harmonieux de la bourgeoisie. Le capital ne va que là où il y a beaucoup de profit à faire à court terme.

Tant que ces énormes moyens produits par la classe ouvrière en Belgique disparaissent dans les poches des grandes entreprises et de ceux qui sont déjà super-riches, ni une Belgique unifiée ni une Flandre indépendante ne sait fonctionner. Ces moyens sont nécessaires pour qu’une société réussisse, que ce soit à l’intérieur de la Belgique ou – si une majorité de la population le souhaite, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – dans le cadre d’une fédération de régions indépendantes. Le PSL ne résiste pas à la disparition de l’Etat belge comme nous le connaissons, mais au fait que la rupture se base sur la destruction totale des acquis du mouvement ouvrier belge (comme la NVA le propose en réalité). Ces moyens sont en d’autres mots nécessaires aussi bien pour une scission pacifique et harmonieuse du pays, si cela était désiré, que pour une réparation de l’harmonie dans le  »vivre ensemble » en Belgique.

Le mouvement ouvrier doit prendre en mains ses affaires. Sur le plan syndical, nous ne pouvons pas nous faire imposer un mauvais accord interprofessionnel parce  »mieux n’est pas réalisable ». Rien, sauf l’appauvrissement, n’est réalisable. Si l’économie repart en chute, stagne ou se relance temporairement et partiellement, si des luttes ne prennent pas place, les patrons vont de nouveau s’en aller avec les profits et les travailleurs vont en payer le coût. Mais aussi sur le plan politique, nous devons de nouveau pouvoir mener la lutte si nous voulons obtenir le maximum sur le plan syndical. Le choix pour le soi-disant moindre mal sous la forme d’encore un fois voter pour les partis existants qui prétendent encore de temps en temps agir dans les intérêts de la classe ouvrière (mais qui ces dernières décennies ne le font plus en actes) a conduit dans le passé au démantèlement social, à une capitulation relative du mouvement ouvrier devant les revendications des patrons. Dans l’avenir cela ne serait pas différent, sauf en pire.

Avec ce vote pour le moindre mal, le mouvement ouvrier prend une position passive, ce qui signifie qu’elle subit tout simplement le processus actuel de réforme d’Etat – qui est en fait la préparation du plan d’austérité drastique qu’on va essayer de nous imposer. Les directions syndicales ont déjà plusieurs fois appelé avec les organisations patronales à un accord sur la réforme d’Etat et la formation d’un gouvernement, qu’importe le gouvernement. Mais nous ne voulons pas de n’importe quel gouvernement, nous ne voulons pas avoir un gouvernement simplement pour avoir un gouvernement.

Pour pouvoir sortir de ce scénario, les militants syndicaux doivent augmenter la lutte contre toutes tentatives du patronat de nous faire payer la crise. Nous devons sur le plan syndical refuser un mauvais accord interprofessionnel et mener la lutte pour une augmentation du salaire brut, contre les contrats précaires et pour assez de moyens pour la création d’emplois décents. Sur le plan politique, nous devons nous préparer à agir contre n’importe quel gouvernement quand il veut nous présenter la facture. Dans la lutte pour nos intérêts, les idées et les forces peuvent grandir pour arriver, pour la deuxième fois dans l’histoire, à la création d’un véritable parti des travailleurs. Un vrai parti des travailleurs peut élaborer une solution définitive à la question nationale en Belgique: une démocratie conséquente, qui tient compte des droits sociaux et culturels de tous les groupes de la population, basée sur une économie planifiée démocratiquement élaborée et qui développe tout la territoire de la Belgique sur le plan social et économique, c’est une condition cruciale. Ce n’est possible que si la bourgeoisie est privée de son pouvoir dans la société.

Un tel parti des travailleurs ne va pas tomber du ciel, mais va se développer sur base de la lutte et des leçons tirées de cette lutte par les masses des travailleurs, comme ça c’est passé dans le temps avec le vieux parti ouvrier, aujourd’hui bourgeoisifié. Une fois qu’une lutte plus massive et maintenue commence pour maintenir des conditions de vie décentes dans cette crise de longue durée du capitalisme, les délégués et militants des mouvements sociaux vont tirer des conclusions plus profondes. L’histoire nous montre que ce processus, une fois commencé, peut développer très vite, certainement s’il y a une minorité consciente sous la forme d’un parti socialiste révolutionnaire capable de développer ses racines dans le mouvement ouvrier dans ce processus.

Il n’y a donc pas de raccourci. Dans la période qui vient, il y aura sans doute une continuation de la crise politique, pendant laquelle le pays est géré par le gouvernement en affaires courantes, en fait un gouvernement technique qui n’en a pas le nom. Si un gouvernement avec la NVA est formé, il va être de courte durée, le tantième gouvernement de combat à l’intérieur. Si les négociations ne peuvent plus être tirées dans le temps, nous pouvons avoir à faire à des élections dans les mois prochains, bien que cette perspective diminue à mesure que la menace des marchés financiers augmente.

A un certain moment un compromis devra être trouvé, qui consistera à ce que la grande majorité de la population – les travailleurs et leurs familles, les gens qui vivent d’allocations, les petits indépendants – paye la facture de la crise capitaliste. Ce compromis va, comme toujours, être de double sens et donner vie à de nouvelles contradictions et tensions. Bien qu’aujourd’hui les forces ne sont pas là pour imposer la désintégration de la Belgique, le maintien de la Belgique sur base capitaliste va de plus en plus être miné jusqu’à ce que cela devienne intenable à un certain moment. La faute dans le raisonnement de beaucoup de flamingants contents de ce processus n’est pas que ce processus ne se passerait pas, mais réside dans l’illusion que cela pourrait se passer pacifiquement et avec des négociations.

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