Là où certains verraient un bien, les patrons font mine de vouloir prévenir une catastrophe. L’Union européenne martèle en effet depuis des années que les taux d’emploi en Europe sont trop faibles par rapport à ceux des principaux pays concurrents. Résultat : partout, l’âge de départ à la retraite, le montant de la pension, les durées de cotisation,…sont modifiés systématiquement au détriment des salariés. Mais si les taux d’emploi sont trop faibles, pourquoi ne pas engager les dizaines de milliers de jeunes qui aboutissent au chômage chaque année?
Cédric Gérôme
En Belgique aussi, cela fait maintenant plus d’un an que gouvernement, patrons et médias balaient idéologiquement le terrain pour s’atteler au rallongement de l’âge de la retraite et au tronçonnage de nos prépensions. Sur le ton d’un alarmisme démesuré, tous se rejoignent pour affirmer que « si on veut que le système de pensions et celui des soins de santé restent viables, il faut augmenter le taux d’emploi des actifs sous peine d’être obligé de relever les cotisations sociales à un niveau intenable » (La Libre Belgique, 09/04/2005). Comme s’il ne s’agissait que d’un problème technique, sans conséquences pour l’ensemble de la société.
Le phénomène du « papy-boom » sert dans ce débat d’argument massue, et prétend donner à ces affirmations un caractère incontestable. Cependant, même si le vieillissement de la population est réel, on occulte sciemment le fait qu’en Belgique comme ailleurs, la productivité a considérablement augmenté elle aussi; par conséquent, non seulement il y a suffisamment d’argent pour payer les pensions, mais il y en a même plus qu’avant. Le tout est d’aller le chercher là où il se trouve : dans les poches des grands patrons et des actionnaires. Electrabel affiche un bénéfice net de près d’un milliard d’euros. Fortis est en tête du classement avec un bénéfice de 3,358 milliards d’euros. Tandis que les profits des entreprises ont explosé au cours de ces dernières années, les travailleurs ont vu leur part du gâteau fondre comme neige au soleil. Et c’est de nouveau à eux que l’on demande de « faire des sacrifices »… Pas étonnant qu’en Grèce, en Autriche, en France et en Italie, la réforme des pensions ait provoqué des mouvements de masse, y compris des grèves générales. Solide leçon pour le gouvernement belge qui, après les nombreuses grèves et mouvements de lutte de ces derniers mois, marche sur des œufs. L’objectif du gouvernement et du patronat est d’augmenter de cinq ans l’âge effectif de la sortie de carrière, ainsi que de porter un premier coup de sabre aux prépensions. Mais la manière d’appliquer cette nouvelle offensive sur les acquis des travailleurs ne fait pas l’unanimité au sein du gouvernement. Voilà pourquoi le débat sur les fins de carrière est de nouveau reporté, pour la conférence de printemps qui aura lieu en mai. Certains n’hésitent pas à faire preuve d’une démagogie sans borne pour faire avaler la pilule aux travailleurs.
C’est le cas de cet économiste de l’UCL, Sergio Perelman, qui affirme que « Si on remet les vieux sur le marché du travail, il y aura un effet bénéfique pour toute l’économie et donc sur l’emploi des jeunes». Effets bénéfiques? Un rapport publié par l’Organisation internationale du travail (OIT) révèle que le nombre de travailleurs morts dans l’exercice de leur métier dépasse, par an, les deux millions.
Plutôt que de retarder l’âge de la retraite, il faut faciliter l’emploi de tous durant la vie active et permettre aux plus âgés de couler leurs vieux jours dignement. Mais pour cela, il faut changer de politique. Notamment en partageant le travail entre tous, avec maintien du salaire. Il faut stopper l’attaque contre les pensions et les prépensions. Aux côtés de syndicats combatifs, il faut un parti doté d’un vrai programme socialiste. C’est ce que nous construisons avec le MAS-LSP. Rejoignez-nous dans ce combat!