C’était il y a tout juste 50 ans : le 11 janvier 1961

La grève générale commence petit à petit à s’ essouffler. Des reprises ont lieu par ci par là. Bien entendu, dans les grands centres industriels, la grève est toujours bien effective, mais les grévistes ont compris que les mots d’ordre d’action autres que des manifestations dans le «calme, l’ ordre et la discipline» ne viendront pas. Les appareils syndicaux et politiques montrent des signes évidents de capitulation.

Cet article, ainsi que les autres rapports quotidiens sur la  »Grève du Siècle », sont basés sur le livre de Gustave Dache  »La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61 »

A Liège et à Charleroi, malgré une légère reprise dans les grands magasins et dans les cinémas et malgré les quelques trams qui circulent sous la protection de la gendarmerie, les travailleurs des secteurs clefs de l’ économie sont toujours en grève totale, de même dans le Centre, le Borinage, à Gand, à Anvers, à Hoboken et à Louvain.

A Mons, une manifestation rassemble, selon le journal « Le Peuple » du 12 janvier, 25.000 manifestants. Le premier orateur est un parlementaire du PSB, hué par les grévistes, qui l’empêchent de parler. Il faut l’ intervention de Renard pour demander que le parlementaire, M. Busieu, puisse prononcer quelques mots, ce qu’il fait dans l’indifférence générale.

Dans la région flamande du pays malgré les pressions et les difficultés énormes, les piquets de grèves sont toujours très actifs. Des incidents graves éclatent à Hoboken entre gendarmes et piquets de grève : on apprend qu’il y a dix blessés parmi les ouvriers, dont un blessé grave. En effet, la fière monte à Hoboken entre gendarmes et grévistes. Alors que le piquet de grève ne fait que discuter avec des hommes qui veulent travailler, des bagarres éclatent. Un gréviste est blessé à mort, le crâne défoncé et la mâchoire démise, victime des gendarmes qui sont sur le pied de guerre, avec baïonnettes au fusil. Deux autres sont blessés à coups de crosse et un autre d’ un coup de baïonnette. Ils sont transportés à l’ hôpital.

A Ruppel, des barrages de pavés sont établis sur les routes. Des bagarres éclatent, les gendarmes tenant leur fusil par le canon et frappant de toutes leurs forces en hurlant : «ça doit finir!» Le commandant des gendarmes avait ordonné «Quittez immédiatement ce lieu, sinon vous avez le choix entre la prison ou l’hôpital.» Les gendarmes avaient bu pour se donner du courage, ils puent l’alcool. Après les bagarres, un bulldozer déblayeles routes.

Les journaux signalent encore des sabotages à Ath-Tournai. Une rupture de voie occasionne le déraillement d’ une micheline. Des arrestations arbitraires ont encore eu lieu. Les grévistes des ACEC manifestent à Charleroi. Ils réclament : «A Bruxelles», «Belgique, République».

Dans toute la Belgique, on signale que l’action des forces de répression se fait plus violente. Les piquets de grève sont attaqués par la gendarmerie, les membres des Comités de grève sont emprisonnés. La bourgeoisie commence dès maintenant à démanteler l’ embryon d’ ordre ouvrier qui s’ est créé spontanément au cours de la grève générale insurrectionnelle. Elle ne peut tolérer que la classe ouvrière organisée continue plus longtemps à imposer sa volonté en contrôlant la circulation, en réglant les approvisionnements, les heures d’ ouvertures des magasins, etc.

Face à la répression et aux directions syndicales qui avaient souvent donné l’ ordre de «ne pas insister devant la police», les travailleurs ont comme d’ habitude fait preuve de la plus grande imagination. Les gendarmes cherchent à faire circuler les piquets en les dispersant loin des portes des entreprises. Les grévistes organisent sur-le-champ des piquets tournants, qui défendent l’ entrée de l’usine sans donner à la police la possibilité de les disperser. Partout, les piquets se renforcent, se font plus mobiles. Le système de relève se perfectionne. Les communications entre piquets s’organisent. Chaque piquet dispose d’ automobiles et de motos. Les piquets de grève sont reliés à un centre local.

Les centres locaux se regroupent en centres régionaux. De même, la technique des manifestations s’ améliore. On apprend à se diviser devant les charges de gendarmerie et à se reformer dès que l’ alerte est passée. On apprend les bons itinéraires, les moyens de s’ armer d’ objets divers. On apprend à diviser les forces de police et à se défendre des photographes de presse qui la renseignent. Toute cette tactique de combat ouvrier est le résultat des actions spontanées de la classe ouvrière pendant la grève générale.

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