C’était il y a tout juste 50 ans: le 31 décembre 1960, le tournant fédéraliste

Comme nous l’avons déjà constaté, à ce moment, la situation n’ évolue guère sur le front de la grève générale, mais la détermination des grévistes ne faiblit pas. Les dirigeants de la FGTB veulent de plus en plus reprendre le mouvement en main ; ils s’ imposent par le manque de perspectives pour la grève, refusent de donner des mots d’ordre réclamés par les grévistes, refusent que la situation dépasse le cadre bourgeois. La FGTB prétexte même éprouver des difficultés à payer les premières indemnités de grève.

Cet article, ainsi que les autres rapports quotidiens sur la  »Grève du Siècle », sont basés sur le livre de Gustave Dache  »La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61 »

A Namur, des groupes de grévistes manifestent devant le local FGTB, mécontent de n’avoir pas été payés. Ce 31 décembre, des manifestations ont encore lieu dans la région du Borinage, à Liège ainsi qu’à Bruxelles. La nervosité est grande parmi les grévistes qui attendent des mots d’ ordre susceptibles d’ affronter ouvertement le gouvernement et l’ Etat bourgeois. Il faut passer à un autre stade que celui de toujours faire de grandes manifestations qui, à chaque fois, démontrent que les travailleurs sont prêts à l’ affrontement révolutionnaire mais se terminent sans résultat.

Insensiblement, devant le caractère insurrectionnel de la grève générale, le Comité de Coordination des régionales wallonnes de la FGTB abandonne les travailleurs flamands à leurs propres difficultés, là où les pressions du Clergé et de l’ Etat bourgeois sont énormes.

La FGTB Wallonne met l’ accent sur l’ aspect wallon de la grève générale. La réunion du Comité de ce samedi 31 décembre, ignorant complètement que le mouvement de grève générale est aussi effectif en Flandre, marque un tournant dans le front de la grève générale, et cette tendance va s’accentuer au cours des prochains jours.

La FGTB wallonne prend des dispositions et souligne avec satisfaction que le mouvement essentiellement localisé en Wallonie avait : «renoué magnifiquement avec la tradition révolutionnaire du mouvement socialiste des années glorieuses de la fin du siècle dernier.» Il est d’ une part effectivement vrai que cette grève générale renoue magnifiquement avec la tradition révolutionnaire du mouvement ouvrier belge. Mais, d’ autre part, c’ est totalement faux de prétendre que la grève générale est essentiellement localisée en Wallonie.

La presse socialiste ou même de droite publie régulièrement des rapports d’ actions, de manifestations, de bagarres avec la gendarmerie, d’agressions de locaux syndicaux, d’arrestations de grévistes, de provocations policières,… tant en Flandre qu’en Wallonie. Nier cette évidence est une manière de détourner le combat et de justifier le refus d’employer les méthodes de lutte révolutionnaire réclamées par les travailleurs en lutte.

Tant les grévistes de Flandre que ceux de Bruxelles ou de Wallonie veulent des actions plus dures. Le « Drapeau Rouge », organe central du PCB, fait le compte rendu d’ une assemblée de grévistes à Liège et écrit notamment : «Mais une certaine nervosité règne dans l’ assemblée. Les grévistes manifestent le désir d’ entendre le bureau fournir des mots d’ ordre plus précis pour la continuation de la lutte.» Et à Herstal : «Servais Thomas, président, a ensuite communiqué une nouvelle très grave à l’ assemblée : un tué et des blessés parmi les manifestants de Bruxelles.» A l’instant, des cris de colère fusent de partout dans la salle, l’ assemblée se fait houleuse et crie : «Les troupes sont ici, ce sont des généraux qu’il nous faut», «Marche sur Bruxelles», «Marche sur Liège».

En tout cas les ouvriers de base de Wallonie et de Bruxelles sont parfaitement conscients, par les diverses informations qu’ils reçoivent, des différentes actions de masse qui se déroulent régulièrement en Flandre, ils savent que les travailleurs flamands luttent aussi courageusement que les travailleurs des autres régions dans cette dure grève générale, voire même plus. Partout, avec la conscience la plus aiguë de l’ étape à venir, les ouvriers en grève crient : « A Bruxelles». Le mot d’ ordre de marche sur Bruxelles est très populaire chez les grévistes, beaucoup se souviennent de celle organisée en 1950 durant l’Affaire Royale. Les travailleurs comprennent également qu’à cette époque, ils avaient étés bernés par les dirigeants socialistes. Ils avaient commencé à marcher sur Bruxelles contre la royauté ; les dirigeants socialistes les avaient conviés à regagner leurs foyers : «Léopold a abdiqué». Mais Baudouin a été intronisé avec la bénédiction du PSB… Fort de cette expérience, les travailleurs sont cette fois-ci décidés à ne pas céder, à aller jusqu’au bout. La marche sur Bruxelles, ce n’ est pas seulement la volonté d’ imposer la république, c’ est également l’ expression du besoin élémentaire des ouvriers en lutte d’ affronter dans la capitale le gouvernement Eyskens et l’ Etat bourgeois. Si les bureaucrates refusent d’ organiser la marche sur Bruxelles, c’ est qu’ ils comprennent fort bien que ce mot d’ ordre signifie l’ affrontement révolutionnaire direct des masses ouvrières et de l’ Etat bourgeois, ce qu’ils craignent par-dessus tout.

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai