Economie capitaliste: vers une nouvelle crise?
En 2004, 51.100 nouvelles maisons ont été construites en Belgique, record inégalé depuis 1994. Depuis la crise économique de 2001 aux USA, les pays développés essaient de stimuler la croissance en rendant l’emprunt plus accessible : les taux d’intérêt sont aujourd’hui historiquement bas.
Peter Delsing
Construire une maison n’est sans doute pas à la portée de tous. Pour des familles ouvrières où un partenaire ne travaille pas, ou pour ceux qui habitent seuls, c’est irréalisable. Des chiffres de l’ONEm pour 2004 montrent que 17% de la population active est complètement ou partiellement touchée par le chômage. Avec 1,17 millions de personnes, c’est un record. Pour ces familles, construire une maison est pratiquement exclu.
Les familles dans lesquelles les deux partenaires travaillent, lorsqu’elles n’appartiennent pas à une catégorie aisée, craignent de ne plus pouvoir continuer à rembourser leurs emprunt si l’un des deux venait à perdre son emploi. Vu l’instabilité actuelle du capitalisme ce n’est pas une crainte irréelle.
L’emprunt bon marché ne durera pas
Le gouvernement a mentionné une plus grande consommation pour expliquer la croissance de 2,7% en 2004. Bien que supérieure aux pays voisins, cette croissance ne suffisait déjà pas à faire baisser le chômage, et elle sera encore moindre cette année. On peut s’imaginer les drames qui vont naître du nombre grandissant des pertes d’emplois…
La croissance de la consommation allait de paire avec l’amnistie fiscale pour l’argent noir placé à l’étranger. De toute manière, emprunter à bon marché ou acheter à crédit ne peut pas se poursuivre éternellement. Le nombre de mauvais payeurs pour des lignes de crédits est passé en Belgique de 99.530 jusqu’à 190.226 entre 1997 et 2003. Aux Etats-Unis, le taux d’intérêt a déjà commencé à croître, afin surtout de ne plus élargir la bulle des dettes et les prix des maisons. Or, 85% de tous les emprunts effectués l’an passé dans notre pays peuvent être adaptés chaque année sur base des changements de taux d’intérêt. Quand le taux d’intérêt augmente, beaucoup de familles subissent une gifle financière.
Economie mondiale instable
Nous connaissons actuellement la relance économique la plus faible depuis la seconde guerre mondiale. Beaucoup de pays ont eu une croissance insuffisante pour maintenir l’emploi. En général, l’exploitation aggravée des travailleurs a élargi le fossé entre riches et pauvres. Depuis la crise de 2001, les entreprises américaines ont augmenté la productivité moyenne par travailleur grâce à l’introduction de nouvelles technologies et de nouvelles techniques de management. Durant les 3 derniers mois de 2004, la croissance de la productivité a ralenti, ce qui démontre que ces avantages pour les patrons commencent à être épuisés.
Un autre élément est l’endettement. Après le 11 septembre, Bush a emprunté chaque année pour mener ses guerres en Irak et en Afghanistan. L’industrie de guerre a été bien servie, au détriment des projets sociaux dans lesquels Bush épargne pour limiter le déficit.
Le taux d’intérêt peu élevé a stimulé les dettes. Pour chaque dollar de nouvelle croissance entre le début de 2001 et la fin de 2003 aux USA, 3,14 dollars de nouvelles dettes ont été faites par les familles, les entreprises et le gouvernement. Pour la première fois dans l’histoire, les dettes aux Etats-Unis représentent plus du double de la production annuelle (PIB). Ceci a contribué au rôle des Etats-Unis comme "marché de la dernière chance". Cela a aussi provoqué un flux de dollars vers d’autres pays, avec pour effet que la demande de dollars a diminué et donc également sa valeur.
En Asie, les banques centrales ont massivement acheté des dollars ces dernières années, sous forme d’obligations d’états, afin de faire baisser leur monnaie avec le dollar et ainsi garder leur position d’exportation. S’il y avait une correction du dollar vers le bas, ils pouvaient se diriger vers d’autres monnaies. Une nouvelle forte baisse du dollar secouerait la stabilité internationale financière. L’exportation des pays de l’Europe, avec un euro encore plus cher, serait étouffée. Cela pousserait les pays de la zone euro dans une crise profonde.
Il y a aussi les prix du pétrole qui grimpent et qui, fin mars, s’approchaient des 60 dollars par baril. Le "contrôle" de l’Irak, sensé entraîner les prix du pétrole vers le bas, est un rêve qui pour Bush est devenu cauchemar. Le prix du pétrole plus élevé mine la rentabilité des entreprises et stimule une augmentation générale des prix.
Encore des pertes d’emplois
En Europe, la croissance ne suffit pas à créer des emplois. L’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie ont connu lors du dernier trimestre 2004 une contraction de l’économie, en comparaison avec le trimestre précédent. La moitié de la production dans la zone euro va donc dans la direction d’une récession. En Allemagne le chômage est au niveau le plus élevé depuis les années ’30 : 5,2 millions de sans emplois. La crainte d’une lutte de classe plus intense chez les politiciens bourgeois, entre autre en France et en Allemagne, les pousse à enfreindre les règles budgétaires de la zone euro (le Pacte de Stabilité).
On ne peut prédire le rythme d’une crise économique. Avec une croissance ralentie ou une récession, les pertes d’emplois vont continuer. Les capitalistes et leurs partisans ont fait leurs temps, il est désormais urgent que le mouvement ouvrier et les jeunes forment leurs instruments syndicaux et politiques pour défendre leurs intérêts dans la très instable période à venir.