C’était il y a tout juste 50 ans: le 22 décembre 1960

Le gouvernement et les milieux patronaux sont inquiets de la tournure que prend le conflit, sa rapidité et son ampleur rappellent de mauvais souvenirs, la grève générale insurrectionnelle de 1950 n’étant pas très loin dans les esprits. Les industriels demandent au gouvernement de ‘‘prendre d’urgence les mesures pour maintenir l’ordre dans le pays.’’ Très clairement, le développement foudroyant de la grève générale a surpris le gouvernement et la bourgeoisie, qui ne s’attendaient pas du tout à devoir faire face à un mouvement général d’une telle ampleur.

Cet article, ainsi que les prochains rapports quotidiens sur la  »Grève du Siècle », sont basés sur le livre de Gustave Dache  »La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61 »

Ce gouvernement réactionnaire rempli de haine envers les grévistes déclare que : ‘‘La plupart des arrêts de travail constatés depuis mardi paraît révéler une agitation sociale désordonnée, déclenchée par des meneurs en marge de leurs organisations syndicales et au mépris de toutes les règles librement fixées par les employeurs et les travailleurs.’’

La décision de partir en grève prise par la CGSP a provoqué les conditions favorables à l’extension de la grève au secteur du privé, mais elle devait encore être déclenchée par une avant-garde qu’on peut qualifier de petite minorité de syndicalistes en marge de leurs directions syndicales, car ces dernières restaient au balcon. Tous les journaux de la droite réactionnaire ont dénoncé le mouvement de grève comme étant l’œuvre d’une minorité d’agitateurs. Mais il est certain que les militants minoritaires au départ collaient à la volonté d’action de la base ouvrière. Sans profond malaise social, sans grande inquiétude parmi les travailleurs qui craignent une régression sociale certaine, il n’est pas possible à une minorité de déclencher un mouvement général d’une telle ampleur.

Le gouvernement, pris au dépourvu dans les premiers jours par l’ampleur de la grève générale, tarde à réagir et pendant ce temps, la grève s’étend partout, les débrayages spontanés surgissent dans tout le pays. Les métallurgistes, les verriers, les mineurs, les cheminots, les dockers, etc. sont tous en grève, toute la Wallonie est paralysée. En Flandre, le développement de la grève est plus lent et plus dur, mais il est bien réel également, des secteurs entiers de Flandre sont en grève. Encore une fois, les travailleurs flamands démontrent qu’ils sont bien comme les travailleurs wallons dans la lutte, malgré toutes les difficultés qu’ils doivent supporter, les menaces, les vexations ainsi que la chape de plomb du clergé ancestrale et réactionnaire qui pèse sur la Flandre. Cela n’empêche pas les affiliés CSC d’être également en grève, au coude à coude avec les affiliés FGT B. Ils sont peut-être verts dans leur tête, mais rouges dans leur cœur.

Le PSB veut surtout voulu porter toutes ses forces sur la voie parlementaire, en sachant pourtant pertinemment bien que cette voie ne pouvait pas éviter le vote de la Loi Unique, le rapport de force au Parlement était nettement défavorable aux travailleurs.

A la suite d’un débat tumultueux qui dure depuis deux jours, le président de la Chambre M. Kronacker annonce qu’il suspend la discussion et met les Chambres en vacances jusqu’ au 3 janvier 1961. La bourgeoisie, en mettant le Parlement en congé, reconnaît dans les faits que ce n’est plus là qu’il lui faut se défendre, mais dans la rue. C’est là que les grévistes ont spontanément placé le débat, c’est là, dans la rue, que se déroule la lutte pour le pouvoir. Le gouvernement a compris qu’il ne sert à rien de discuter au Parlement pendant que tout le pays est paralysé par la grève générale. Cependant, il hésite encore entre un compromis ou la répression ouverte.

Pendant que les dirigeants nationaux de la FGTB, membres du Parlement pour le PSB, se plaignent en palabres interminables de leur absence aux négociations avec le gouvernement, qui n’entretient de contacts qu’avec la seule CSC, dans tout le pays, la grève générale prend chaque jour de plus en plus d’ampleur. Dans la région de Charleroi, comme dans les autres régions, la grève s’est étendue comme une traînée de poudre.

Ainsi, ce 22 au matin, une grande partie des 8.000 travailleurs des ACEC se rendent en cortège dans le centre ville de Charleroi pour empêcher les magasins d’ouvrir leurs portes en dehors des heures prévues. C’est en fait un imposant piquet de grève qui se répand dans les rues principales de Charleroi et qui va ensuite contrôler toute la circulation. Les points névralgiques de la circulation sont contrôlés par des grévistes motorisés. Il y a des heurts entre les piquets et les gendarmes pour se rendre maître de la rue. Finalement, les grévistes parviennent à paralyser complètement la circulation, les trams et les trains sont à l’arrêt.

Plus aucun train n’arrive ni ne quitte Liège-Guillemins ou Charleroi. A Verviers, la grève est là aussi totale. A Anvers, des arrestations ont été opérées parmi les piquets de grève, on apprend qu’un ancien député communiste a subi le même sort. A Gand, la grève générale continue de s’étendre malgré qu’aucun mot d’ordre n’ait été donné. La grève atteint surtout la régie électrique, ce qui prive les entreprises d’électricité, mettant au chômage technique plus de 35.000 travailleurs. A Bruxelles, des renforts de police et de gendarmerie prennent position avec matériel dans « la zone neutre », le Parlement et le Palais Royal.

C’est que la bourgeoisie connaît parfaitement l’objectif de la grève générale, les dirigeants du mouvement ouvrier aussi. Mais ces derniers se refusent à tout prix à engager la bataille pour le pouvoir. Tous ceux que les évènements ont contraint à se placer à la tête de la grève générale vont dans les faits tout mettre en œuvre pour la combattre de toutes leurs forces.

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