Le Fianna Fáil et le Green Party, les partis au poiuvoir, ne sont pas seuls à prendre position pour l’austérité. Les deux plus grands partis de l’opposition n’ont eux non plus rien d’autre à offrir.
Joe Higgins, Eurodéputé du Socialist Party (CIO – Irlande)
Une intense attention est actuellement accordée au budget d’austérité sauvage qu’on a balancé à la figure du peuple irlandais, sur ordre de la Commission de l’Union Européenne, du Fonds Monétaire International et de la Banque Centrale Européenne – toutes ces institutions jouant le rôle d’huissiers au service des plus grands spéculateurs financiers et bancaires européens.
La population de cet État se retrouve maintenant prise dans une situation pour le moins bizarre, et qui ne devrait tout bonnement pas être tolérée. Le gouvernement est composé de partis politiques qui ne sont soutenus que par un électeur sur cinq, et il est maintenant en train d’imposer des mesures économiques et fiscales désastreuses, censées être prolongées non pas sur un an, ce qui serait déjà assez mauvais en soi, mais sur quatre ans.
La question qui se pose alors est la suivante: comment est-il possible qu’un tel gouvernement puisse se permettre de ne fût-ce qu’envisager pareille idée ? La réponse à cette question se trouve confortablement assise sur les fauteuils de l’opposition au Dáil Éireann (le Parlement), car c’est la complicité du Fine Gael et du Labour Party qui permet cet état de fait.
Envisageons l’hypothèse où ces partis se seraient déclarés absolument opposés aux mesures draconiennes qui sont proposées en ce moment, et auraient refusé tout net de les mettre en œuvre s’ils venaient à prendre le pouvoir. C’en serait fini de ce gouvernement, et des élections générales seraient immédiatement convoquées. Cependant, en acceptant le programme de coupes budgétaires et de nouvelles taxes du gouvernement pour les quatre prochaines années, le Fine Gael et le Labour approuvent de manière implicite le concept fondamental de ce plan, et donnent la possibilité politique à ce gouvernement entièrement discrédité de continuer à aller de l’avant.
C’est maintenant un véritable dilemme qui se pose à la population, et qui se posera encore plus à elle lorsqu’elle ira voter lors des élections générales. Les deux grands partis d’opposition offrent exactement le même menu que le Fianna Fail et le Green Party : l’austérité.
Le Fine Gael a très clairement annoncé son plan de coupes et de hausses de taxes pour un montant de 6 milliards d’euros pour l’an prochain, c’est à dire exactement le même que celui du gouvernement. Le Labour Party, quant à lui, tente désespérément de cacher le fait que lui aussi est prêt à tailler à la hache dans les revenus et les services publics.
Le document du Labour appelé “Propositions pour le budget 2011”, n’est qu’une tentative de masquer le véritable rôle qu’il jouerait au cas où il entrerait au gouvernement avec le Fine Gael, quelle que soit la répartition et le nombre de postes. Le mots “coupes” n’y est à aucun moment utilisé. On préfère y parler d’“ajustement budgétaire”, pour un montant de 4,5 milliards d’euros en 2011, qui combine en réalité des coupes et des hausses de taxes. C’est 1,5 milliards en moins que le plan du Fine Gael, mais le Labour est d’accord sur le fait que ces 1,5 milliards vont devoir être trouvés, mais à un peu plus long terme.
En d’autres termes, le Labour Party, tout comme le Fianna Fáil, le Fine Gael et le Green Party, accepte les dictats des marchés financiers, selon lesquels c’est aux travailleurs, aux chômeurs, aux pensionnés et aux pauvres de payer pour la crise économique et fiscale monumentale qui a été causée par la rapacité sans fin des spéculateurs fonciers et des banquiers qui les ont financés. Le dirigeant du Labour, Eamon Gilmore, a en réalité accepté la responsabilité des idées fondamentales du gouvernement Fianna Fáil/Green Party lorsqu’il a déclaré que le Labour, une fois au gouvernement, n’annulerait pas les coupes budgétaires qui ont été votées au budget.
Le prochain gouvernement sera très certainement composé du Fine Gael et du Labour Party. Dans quelques journaux, on a mentionné une éventuelle coalition de la “gauche” qui serait composée du Labour, du Sinn Fein (le parti nationaliste officiellement “de gauche”) et de la United Left Alliance (Alliance de gauche unie – la toute nouvelle coalition de la gauche radicale irlandaise, dans laquelle sont impliqués nos camarades du Socialist Party). Mais ceci n’est que pure spéculation, car il y a un désaccord fondamental entre la vraie gauche et les autres partis de la pseudo-“gauche”, un désaccord qui porte sur la solution à apporter face au désastre économique actuel.
La Gauche insiste sur le rejet immédiat de la charte des vassalité qui a été imposée par le FMI et la Commission européenne et qui, si elle est mise en application, fera du peuple irlandais un peuple d’esclaves, transfusant à jamais son sang économique dans les coffre-forts des marchés financiers mondiaux, laissant derrière elle un véritable sillon d’effondrement social qui parcourra l’ensemble du paysage irlandais. La Gauche insiste donc sur le fait que PAS UN CENT ne sera payé aux spéculateurs financiers qui ont joué et qui ont perdu dans ce casino détraqué qu’était le marché immobilier irlandais.
La position de la Gauche est que toutes les plus importantes institutions financières doivent être placées sous le contrôle public, mais restructurées afin d’être soumises au contrôle populaire, et gérées d’une manière entièrement différente. Ceci rendrait possible non seulement le fait de pouvoir fournir des prêts à de bonnes conditions pour tous les indépendants et les petites entreprises, mais également l’investissement dans des projets d’infrastructure majeurs et dans les services publics, et par là même, créer les dizaines de milliers d’emplois nécessaires.
Le lancement de la United Left Alliance a généré énormément d’intérêt. Ceci est justifié, car elle va figurer en première ligne des changements d’une ampleur sismique qui vont se faire jour dans la politique irlandaise au cours des mois qui viennent, et elle va amener à l’avant-plan la réalisation qu’il existe bel et bien une alternative socialiste et démocratique au système brisé qui prévaut en ce moment.
Interview de Joe Higgins : »Le peuple irlandais n’a aucun compte à rendre aux banques et aux milliardaires »
‘L’Irlande est confrontée aux plus importantes coupes budgétaires et hausses de taxes de toute son histoire – c’est là le tribut qu’elle doit payer pour avoir reçu un renflouement international. Mais l’eurodéputé socialiste Joe Higgins croit que le système financier irlandais est déjà complètement démoli et ne pourra pas être réparé.
»La réalité pour l’économie irlandaise et pour le capitalisme irlandais est que, qu’elle se trouve dans l’euro ou en-dehors de l’euro, elle est confrontée à un désastre parce qu’elle est tellement faible qu’elle est incapable de développer la société. Mais je prédis par contre que le niveau de la dette à présent est tout simplement impossible à rembourser, il ne fait absolument aucun doute que l’on va devoir déclarer le non-payement d’ici les prochaines années, alors nous disons : pourquoi attendre ce moment-là, et soumettre notre peuple à une immense peine et à une énorme souffrance, pour rien !
»Nous devrions refuser de payer les débiteurs maintenant immédiatement, c’est là le point central ; et il faut développer un plan afin de relancer notre économie. Ce pour quoi nous allons faire un sacrifice en réalité, c’est pour les banques internationales et pour des spéculateurs milliardaires, qui parcourent les marchés financiers à la recherche d’un bénéfice rapide. Nous ne leur devons absolument rien en ce qui concerne le peuple irlandais. Ces spéculations autour de la dette ont été effectuées par des banques privées, lors de contrats privés. Nous disons : on ne peut pas réparer ce système, il est complètement démoli ; il cause des souffrances sans fin à des dizaines de millions de gens partout en Europe ; les spéculateurs sont déjà en train de se tourner vers leur prochaine cible qui sera soit le Portugal, soit l’Espagne, maintenant qu’ils ont eu ce qu’ils voulaient en Irlande. »