La Belgique, paradis fiscal pour les grandes entreprises

Ces dernières années, l’impôt sur les sociétés a fortement diminué en Belgique, c’est le moins que l’on puisse dire. Le taux officiel de 33,99% n’est plus encore payé que par des PME naïves. Certaines entreprises ont à peine été imposées, voire même pas du tout. Cette tendance n’a été que renforcée par la Déduction des Intérêts Notionnels. Les données des 500 plus grandes entreprises ont été examinées, et le PTB (Parti du Travail de Belgique) en a publié un aperçu.

Beaucoup de grandes entreprises n’ont tout simplement pas payé d’impôt en 2009: AB Inbev, Groupe Bruxelles Lambert, Arcelor Finance, Solvay, Dexia Investment Company, Umicore, KBC, Pfizer,… tandis que d’autres en ont à peine payé. Les 50 sociétés qui ont payé le moins d’impôt (sur une liste de 500) ont en moyenne été imposées à hauteur de… 0,57% ! C’est bien loin du taux officiel, et même plus bas que le taux appliqué en Irlande. Là-bas, le taux d’imposition pour les sociétés est de 12%, ce qui a été introduit avec l’argument qu’une telle mesure ne pourrait qu’attirer des entreprises à venir s’installer dans le pays. Au niveau fiscal, nous assistons depuis quelques années déjà à une course vers le bas entre les divers pays, c’est à celui qui imposera le moins les grandes entreprises. A ce titre, notre pays fait figure d’exemple.

Ici et là, on fait des remarques sur ces chiffres, généralement sans aller plus loin qu’en faisant remarquer que les structures internes des grandes compagnies sont compliquées, ce qui fait qu’une de ses branches peut ne pas payer d’impôt tandis qu’une autre bien. Dans le cas d’Anheuser-Busch Inbev, concrètement, cela veut dire qu’aucun impôt n’est perçu sur un montant de 6,378 milliards d’euros de bénéfice, et que d’autres branches d’AB Inbev payent un impôt, mais sur des sommes bien plus petites.

Pour les grandes entreprises, Saint Nicolas a été très généreux ces dernières années, les cadeaux-fiscaux n’ont pas manqué! Quant à la Déduction des Intérêts Notionnels, c’était la cerise sur le gâteau, un élément saisi par les patrons pour vendre notre pays à l’étranger et dire à quel point il était intéressant. Mais les mêmes, dans notre pays, n’ont de cesse de parler de la trop haute pression fiscale de Belgique. Cette rhétorique ne tient pas la route. Dans la pétrochimie par exemple, les grandes entreprises ne payent quasiment pas d’impôt: ExxonMobil paye 1.019 euros d’impôt sur un profit de 5 milliards d’euros, BASF 126.000 euros sur un profit de 579 millions d’euros (0,02%), Bayer 5,7 millions d’euros sur un profit de 192 millions d’euros (2,99%). Ce genre de pourcentage est devenu la norme dans le monde des grandes entreprises.

Toutes ensemble, les 50 entreprises qui ont payé le moins d’impôt auraient dû payer 14,3 milliards d’euros en plus si le taux de 33,99% avait été respecté. Mais, sur un total de 42,7 milliards d’euros de profit, seul un montant de 243 millions d’euros a été perçu.

Ces chiffres ont évidement une incidence sur nombres de discussions qui ont actuellement lieu. Premièrement, tout comme nous l’avons dit ci-dessus, il est clair que la rhétorique selon laquelle le patronat paierait de trop hautes taxes est fausses. Notre pays est un paradis fiscal pour les grandes entreprises. Deuxièmement, alors qu’on nous demande de payer pour la crise, il apparait que lors d’une année de crise, 50 grandes entreprises ont réalisé au moins 42,7 milliards d’euros de profit. Enfin, il est étrange de constater que les syndicats n’nt pas utilisé ces chiffres dans le cadre des négociations pour l’Accord Interprofessionnel alors qu’ils avaient eux aussi accès à ces chiffres (déposés à la Banque Nationale). Cet été encore, la CSC avait utilisé différentes données de 2008. A ce moment, la CSC dénonçait que 7 grandes entreprises n’avaient pas payé d’impôt, notamment avec la Déduction des Intérêts Notionnels. Il était question de 5,8 milliards d’euros de déduction fiscale pour 35 grandes entreprises.

La CSC avait déclaré: ‘‘ Sept entreprises ont déduit plus d’intérêts que ce qu’elles ont enregistré comme bénéfice comptable, ce qui leur a permis de ne pas payer d’impôts. L’une d’entre elles a même déduit des intérêts notionnels d’un montant cinq fois supérieur à son bénéfice comptable. Qu’une société déduise trop ne pose du reste pas de problème: elle pourra continuer à déduire les années suivantes. Conséquence: pas d’impôts pendant des années.’’ Et encore: ‘‘Si parmi les 35 grandes entreprises qui ont eu recours à la déduction des intérêts notionnels durant l’exercice 2008, nous ne retenons que celles qui ont enregistré un bénéfice, nous constatons que ces dernières n’ont payé en moyenne que 8,5% d’impôt des sociétés.’’ Les nouvelles données démontrent que ce pourcentage a encore baissé. Selon le PTB, ces 500 grandes entreprises ont eu un taux d’imposition de 3,76% contre 24,2% en 2001.

Les syndicats vont-ils utiliser ces chiffres pour mener campagne en faveur de la suppression de la Déduction des Intérêts Notionnels et des autres cadeaux fiscaux ? Ou pour réfuter les arguments patronaux voulant nous imposer une modération salariale afin de préserver notre “position concurrentielle” ? Qu’attendre de plus pour partir à l’offensive avec les revendications des travailleurs?

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