Attention! Droit de grève en danger

La Planchette. Bulletin d’information aux travailleurs de la STIB, diffusé par le Mouvement pour une Alternative Socialiste (MAS) – n°1 – avril 2005


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Travailleurs de la STIB. Entre octobre 2004 et le 10 janvier 2005, vous avez été nombreux à faire plusieurs journées de grève pour l’amélioration des conditions de travail (manque de personnel, matériel en mauvais état, temps de parcours trop court,… ). Malgré la mésentente entre syndicats, vous avez pu obtenir certaines améliorations: les temps de parcours de certaines lignes ont notamment été allongés. Mais on constate que plus le temps passe plus on revient progressivement à la même situation qu’avant.

Projet de convention sur le règlement des conflits

Un «vent favorable» nous a amené un projet de convention, daté du 17/12/2004 (donc en plein mouvement de grève en décembre dernier), entre la direction de la STIB et les secrétaires des 3 syndicats (Vonck, Naniot, Dreesen). Ce projet menace gravement le droit de grève à la STIB. Nous vous présentons les points les plus importants de ce projet de convention.

Création d’un «Bureau de conciliation» permanent

Le point 4 du projet de convention prévoit de créer un «Bureau de conciliation» spécialement pour la STIB. Il est prévu que ce «Bureau de conciliation» (7 représentants syndicaux, 7 de la direction, 1 conciliateur) doit se réunir AVANT et PENDANT une grève.

Commentaire du MAS: C’est donc quelque chose de nouveau. Habituellement, lors d’une grève, l’une ou l’autre partie peut toujours faire appel à un conciliateur du Ministère de l’Emploi. Il n’y a aucune obligation légale de créer un tel «Bureau de conciliation» permanent, spécialement pour la STIB.

Réunion de ce «Bureau de conciliation» avant le dépôt de tout préavis

Le point 5 du projet prévoit que si un syndicat veut déposer un préavis de grève, il faut D’ABORD une réunion du «Bureau de conciliation». Ce Bureau pourra être convoqué simplement par fax (article 8), alors que le dépôt d’un préavis de grève doit se faire par la lettre recommandée auprès de l’employeur et du «Bureau de conciliation».

Commentaire du MAS: Habituellement, un syndicat n’est pas obligé de passer par la conciliation avant de déposer un préavis de grève. Lors du dépôt de ce préavis, il faut adresser un recommandé à l’employeur pour l’avertir, mais jamais auprès d’un quelconque «Bureau de conciliation», puisque les conciliateurs du Ministère de l’Emploi n’interviennent pas de façon permanente, mais «à la carte» et à la demande d’une des parties.

On voit tout de suite que ce «Bureau de conciliation» va surtout servir à empêcher le dépôt d’un préavis de grève et à faire traîner les choses en longueur.

Pas d’indemnisation de la grève si ce «Bureau de conciliation» ne s’est pas réuni

L’article 10.1 du projet de convention mérite qu’on le cite intégralement:

«Constitue une grève sauvage, toute action déclenchée et se déroulant en dehors du respect d’une ou de plusieurs règles de procédure décrite dans ce projet de convention et par conséquent non reconnue par les syndicats.

En cas de grève sauvage, les organisations syndicales signataires s’engagent à confirmer immédiatement la non reconnaissance de cette grève et à appeler leurs affiliés à reprendre le travail sur le champ.»

Commentaire du MAS: Tout devient clair! Si les syndicats signent une telle convention, ils se lient les mains (et surtout ilslient les mains des travailleurs pour partir en grève): si UNE règle de procédure n’est pas respectée, la grève est considérée comme sauvage et n’est pas indemnisée par le syndicat. De plus il faut reprendre le travail sur le champ.

Ce n’est pas à un «Bureau de conciliation» (paritaire) de reconnaître une grève, mais à l’assemblée des délégués de chaque syndicat de décider ou non de partir en grève et de reconnaître une grève

. Est-ce que vous croyez que, réciproquement, Flaush accepterait de ne licencier personne ni d’infliger aucune sanction à un travailleur sans passer au préalable devant un tel «Bureau de conciliation»?

Ce paragraphe 10.1 est vraiment un exemple de pure propagande patronale qui vise à faire croire qu’une grève spontanée (sans préavis) est une grève «sauvage». En réalité, une grève dite «sauvage» est une grève non reconnue par tous les syndicats (il suffit qu’un syndicat reconnaisse une grève et décide d’indemniser ses affiliés pour qu’elle cesse d’être «sauvage»). La reconnaissance d’une grève est du seul ressort du syndicat, et pas du conciliateur social… et encore moins de l’employeur.

Mouvement spontané

Le projet de convention prévoit aussi, à l’article 10.2, qu’un «mouvement spontané» ne sera pas considéré comme sauvage (arrêt de travail limité dans le temps d’un nombre limité de travailleurs suite à un événement extérieur imprévisible. Exemple: suite à une agression).

Commentaire du MAS: Ce paragraphe sert à jeter un rideau de fumée devant le projet de convention anti-grève. D’abord, on parle bien ici de mouvement LIMITÉ dans le temps et en nombre. Le fait que de tels mouvements spontanés ne soient pas considérés comme «grève sauvage» apparaît comme une concession faite aux travailleurs. En réalité, ni l’employeur, ni les secrétaires syndicaux ne peuvent s’opposer à de telles actions légitimes suscitées par l’indignation des travailleurs.

Notons aussi que, dans ce paragraphe, la STIB en profite pour se laver les mains devant les agressions en les présentant comme «imprévisibles». Légalement, tout employeur a l’obligation de prendre les mesures préventives pour éviter les accidents. Bien sûr on ne peut pas tout prévoir. Mais en matière d’agressions, la STIB doit aussi prendre des mesures préventives (par exemple avoir deux agents à bord du véhicule pour les endroits et les heures critiques).

Sanctionscontre les délégués

Le projet prévoit aussi que si une organisation syndicale ne respecte pas la procédure, ses délégués seront sanctionnés en diminuant le crédit d’heures que certains délégués ont (surtout les premiers délégués) pour s’occuper de leurs tâches syndicales.

Commentaire du MAS: Non seulement ce projet d’accord prévoit un bâton contre les travailleurs (non paiement de l’indemnité de grève si on ne respecte pas la procédure du «Bureau de conciliation»), mais aussi contre les délégués (diminution des crédits d’heures).

Les crédits d’heures ne sont pas une faveur faite par l’employeur mais une obligation légale prévue par la Convention nationale n°5 sur le statut de la délégation syndicale. Les délégués ont LE TEMPS ET LES FACILITÉS NÉCESSAIRES pour remplir leur mission (article 21 de la Convention nationale n°5).

Sanctions contre les grévistes

L’article 12 du projet prévoit que «tout jours de grève, reconnue ou non, ne fait pas l’objet de paiement du salaire, sous réserve d’autres sanctions que l’employeur pourrait prendre, allant jusqu’au licenciement».

Commentaire du MAS: Pas besoin de faire une convention pour savoir que le salaire n’est pas payé quand on fait grève. Et d’ailleurs, ce n’est pas une «sanction». Un salaire n’est pas non plus une «récompense», mais la somme que l’employeur doit payer en échange du travail fourni. S’il n’y a pas de travail, il n’y a pas de salaire. Il est inacceptable qu’un projet de convention (à signer par les syndicats) associe la grève, RECONNUE ou NON, à des sanctions allant jusqu’au licenciement! LA GREVE EST UN DROIT que les travailleurs ont dû conquérir par la lutte.

En conclusion

Ce projet de convention doit être remis intégralement à sa place, là d’où il n’aurait jamais dû sortir: à la poubelle! Car si ce projet passe (même en partie), c’en est fini du droit de grève.

Ce projet de convention aurait eu parfaitement sa place en Espagne avant les années 1970, à l’époque de Franco, où un système corporatiste paritaire réglait les conflits en prétendant que patrons et travailleurs avaient un intérêt commun.

Travailleurs, vous savez bien que vous n’avez pas d’intérêt commun avec Flaush. Vous voulez de bonnes conditions de travail et un salaire convenable, lui veut faire rouler le maximum de véhicules possible avec le moins de personnel possible. Ce ne sont pas des intérêts communs, mais opposés. C’est pourquoi les travailleurs, organisés en syndicats, doivent pouvoir décider eux-mêmes d’une grève (quand, pourquoi, combien de temps) et pas un «Bureau de conciliation paritaire».

Que faire?

Les travailleurs de la STIB ne sont pas au courant de ce projet. La plupart des délégués non plus. Seuls les secrétaires, les permanents et quelques premiers délégués sont au courant.

Les secrétaires syndicaux doivent des explications. Ils doivent notamment répondre aux questions suivantes:

– Comment se fait-il qu’ils n’ont rien dit jusqu’à présent et que vous devez apprendre cette nouvelle par un tract du MAS?

– Pourquoi ont-ils gardé le silence sur ce projet de convention?

– Trouvent-ils normal de signer une convention qui lie les mains des travailleurs pour les empêcher de faire grève?

– Trouvent-ils normal que pour des motifs de grève des sanctions soient prises contre les grévistes (licenciement éventuel) et contre les délégués (crédits d’heures)?

– Trouvent-ils normal de MARQUER LEUR ACCORD, dans un texte commun avec le patron, sur ces sanctions?

Allez trouver votre délégué pour lui demander des explications. Les permanents doivent rendre des comptes. Il faut organiser des assemblées syndicales à ce sujet et demander un VOTE de CONFIANCE (ou plutôt de défiance) envers les secrétaires syndicaux.

Le MAS et les syndicats

Le Mouvement pour une Alternative Socialiste est pour des syndicats forts, démocratiques et totalement indépendants du patron et de l’État.

UNITÉ: Non aux querelles de chapelle! Les travailleurs ont besoin d’unité.

DÉMOCRATIE SYNDICALE: Dans une entreprise la direction décide. Dans un syndicat cela doit être l’inverse: la base décide et les secrétaires ne doivent être là que pour appliquer ce que la base décide. Les secrétaires syndicaux et les délégués doivent être au service des travailleurs. Les assemblées syndicales doivent être ouvertes à tous les affiliés. Dans ces assemblées, après une discussion démocratique où chacun a pu s’exprimer, il faut un vote pour indiquer au secrétaire ce qu’il doit faire. Les secrétaires syndicaux, les permanents, les délégués doivent être élus par l’ensemble des affiliés.

NON AU CARRIÉRISME: afin d’écarter les arrivistes qui veulent «faire carrière» dans le syndicat, le salaire des secrétaires et des permanents ne doit pas être supérieur au salaire moyen d’un travailleur de la STIB. Il n’est pas normal que les secrétaires et les permanents soient payés comme des cadres.

LIBERTÉS SYNDICALES: stop aux sanctions contre les grévistes et contre les délégués! La convention nationale n°5 prévoit beaucoup de points non respectés par la STIB (droit au temps et aux facilités nécessaires pour les délégués, local syndical, assemblée du personnel sur le lieu de travail et pendant le temps de travail).

Le texte complet de ce projet de convention:

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