Les données révélées par le nouveau rapport annuel sur la pauvreté sont déconcertantes : 1,5 million de Belges vivent sous le seuil de pauvreté ou pile dessus(1). Bruxelles, bien que faisant partie du top trois des régions les plus riches d’Europe, compte plus de 100.000 chômeurs et plus d’un quart de sa population connaît la pauvreté. Le tiers des enfants bruxellois vit dans une famille où personne ne travaille.
Par Els Deschoemacker
Mais ceux qui travaillent ne sont pas non plus à l’abri de la pauvreté : le nombre de travailleurs pauvres a augmenté de 4,2% en 2006 à 4,8% en 2008 et est passé de 180.000 à 220.000 ! Et encore ces chiffres ne tiennent-ils pas compte de tous les pauvres (sans-papiers ou personnes fortement endettées ne sont pas repris). Enfin, ils ne tiennent pas non plus compte des conséquences de la crise. Le prochain rapport sera assombri par les pertes d’emplois et les pertes d’heures de travail et de salaire dues au chômage économique en 2009 et 2010. Les statistiques de pauvreté sont dramatiques, mais nos politiciens et nos patrons ne perdent pas leur aplomb pour autant et continuent à dire qu’il faut une modération salariale plus dure et une diminution plus brutale des dépenses de l’Etat. La politique menée en Allemagne nous est présentée par les organisations patronales comme le modèle à suivre. Et c’est vrai que les patrons y font de très bonnes affaires.
En Allemagne, la limitation des allocations de chômage dans le temps impose aux gens d’accepter n’importe quel boulot à n’importe quel salaire et à n’importe quelles conditions. En Belgique, 40% des chômeurs connaissent la pauvreté, contre 50% en Allemagne. Le nombre de travailleurs pauvres y augmente aussi. Une délégation de la CSC en visite en Allemagne pour y regarder de près ce ‘‘modèle’’ est revenue choquée : ‘‘Evidemment que l’Allemagne est plus compétitive que la Belgique’’, a dit la CSC, ‘‘mais prend on aussi en compte le dumping social ?’’
Quant aux politiciens, ceux-là même qui avaient la bouche pleine de bonnes intentions à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre la pauvreté – qu’ils aient parlé d’un plan d’action contre la pauvreté ou soient même restés une nuit dans un centre pour sans-abri – négocient actuellement sur la façon d’imposer encore plus d’austérité à la classe des travailleurs. Même si les désaccords existent sur la méthode, tous les politiciens au nord comme au sud du pays sont d’accord pour dire qu’une réforme d’Etat doit permettre à la Belgique de ‘‘vivre selon ses moyens’’. Ils veulent ‘‘régionaliser pour responsabiliser’’, mais il serait plus honnête de dire ‘‘régionaliser pour imposer l’austérité’’.
La pauvreté ne va pas diminuer avec toutes les pressions sur les autorités afin de couper dans leurs budgets. Bien au contraire, cela ne va qu’approfondir les conséquences des pertes d’emploi et de salaire. Les plans d’austérité qui, en ce moment même, se heurtent à la résistance massive de la classe ouvrière dans d’autres pays sont en pleine préparation ici aussi. Chez nous aussi, il faudra une résistance massive pour stopper ces plans.
Sur base capitaliste, la pauvreté ne va qu’augmenter. Nous ne pouvons pas permettre que les travailleurs doivent payer la crise avec une explosion de la pauvreté. Nos directions syndicales doivent briser les liens entretenus avec leurs ‘‘amis politiques’’ pro-capitalistes, préparer un plan d’action qui refuse tout assainissement opéré sur le dos des travailleurs et faire des pas en avant en direction de la construction d’un nouveau parti des travailleurs, pour ainsi unifier les travailleurs de tout le pays dans la lutte.
(1) Soit 878 euros nets par mois pour un isolé et 1844 euros nets pour un ménage de deux adultes et deux enfants. Ce rapport est basé sur des chiffres de 2008.