«Pendez-les, ils en veulent à nos enfants!» titre un quotidien en publiant une liste de gays avec, dans certains cas, leur photo et adresse. Le quotidien justifie que lister les homosexuels est une «mission d’intérêt public». En effet, le gouvernement ougandais discute actuellement d’un projet de loi visant à exécuter le gays et les lesbiennes. Le texte propose également de punir toute manifestation et même discussion publique sur l’homosexualité. Il ferait de l’Ouganda l’un des pays les plus dangereux au monde pour les homosexuels se rangeant alors du coté de l’Iran qui exécute déjà de longue date les homosexuels en public.
Que prévoit ce projet de loi ?
Toute personne que l’on soupçonne d’être gay ou lesbienne risque la prison à vie ou la peine de mort. Leurs « complices » et ceux qui défendent les droits des LGBT seront également poursuivit. Ainsi, tout parent qui ne dénonce pas son enfant homosexuel sera condamné à une peine de 3 ans de prison. Un professeur qui se retrouve face à un élève gay sera condamné à la même peine s’il ne dénonce pas son élève à la police endéans 24 heures. Un propriétaire qui se permet de loger un couple de lesbiennes risque 7 ans de prison. Des pressions seront aussi exercée à l’encontre des médecins qui acceptent de soigner des malades homosexuels. Un journaliste commettrait aussi un délit s’il interviewait un couple gay. Les militants qui défendent les droits des LGBT seront également poursuivit.
Le ministre à l’origine de cette loi, David Bahati, persiste et signe. «Nous avons une opportunité unique de barrer la route à l’homosexualité en Ouganda. Et si nous ne la saisissons pas maintenant, ce sera impossible à l’avenir.» Connu par sa volonté d’interdire les mini-jupes pour faire de la prévention routière (sic !), ce dernier annonce par ailleurs qu’il mettra en œuvre des moyens de « remettre sur le droit chemin » les lesbiennes, gai, bi et trans. Ne serait-ce pas le grand retour des camps de rééducation ?
Qui se cache derrière cette loi ?
La législation en vigueur en Ouganda, héritée de l’époque coloniale, condamne déjà aujourd’hui les gays et lesbiennes à des peines de prison (jusqu’à 14 ans selon l’article 140 du code pénal). Depuis quelques mois, on assiste à une surenchère de l’intolérance. Des razzias ultra-violentes sont organisées quotidiennement contre les bars gays. Le ministre des Affaires étrangères, Sam Kutesa, s’épanche en propos vomitifs dans un quotidien local The Monitor : « La majorité des Africains et des Ougandais exècrent l’homosexualité ». Pour le président de la Chambre, Edward Sekandi, le pays devrait tout mettre en œuvre pour « en finir avec les relations homosexuelles ». De son côté, le ministre de l’Ethique, Nsaba Buturo, qualifie l’homosexualité de « répugnante ». Par ailleurs, les communautés religieuses, catholique et musulmane, se sont unies cet été contre les homosexuels dans une grande campagne nationale intitulée « Kick sodomy out of Uganda ». Les trois figures les plus furieusement anti-gay, le ministre qui a déposé le texte de loi, le président ougandais et le pasteur Ssempa, sont d’ailleurs tous membre d’un groupe intégriste chrétien bien connu The Family. Cette organisation se félicite notamment de compter parmi ses membres toute une série de députés américains néoconservateurs, on y retrouve ainsi parmi les plus assidus le pasteur Rick Warren qui a intronisé Barack Obama lors de son serment à la nation. C’est dans ce contexte qu’en octobre dernier, le nouveau projet de loi homophobe était présenté devant le parlement ougandais. Il est toujours en discussion actuellement.
L’inégalité sociale s’ajoute à la discrimination
« Les homosexuels riches et proches des cercles de pouvoir ne sont nullement inquiétés, c’est avant tout aux homosexuels pauvres qu’on s’attaque.» Un militant homosexuel témoigne dans le magazine gay Têtu, « Selon moi, c’est une forme de distraction politique. Le régime veut rester au pouvoir, alors il jette les homosexuels en pâture. Comme ça, la population s’acharne sur eux, en disant qu’ils sont responsables de la misère ou de la pandémie sida, dont le taux ne cesse de croître en Ouganda. Pendant ce temps-là, le peuple ne réfléchit pas aux politiques qui pourraient améliorer ses conditions de vie… » Tandis que le discours réactionnaire se nourrit des inégalités sociales !
« En investissant le champ social et humanitaire pour pallier les carences de l’Etat, les évangélistes multiplient les dons et le nombre de convertis. Les congrégations transforment hangars, garages, magasins, écoles, anciennes salles de cinéma et discothèques en lieux de prière, où accourent en masse les plus pauvres. C’est une façon de manipuler les consciences pour rendre les pauvres responsables de leur situation », réprouve le père Carlos Rodriguez dans le journal Le Monde Diplomatique. Il poursuit, « Dans ce pays d’Afrique où le capitalisme est le plus ancré, où les travailleurs n’ont aucun droit et où les investisseurs sont totalement libres, la religion est utilisée pour justifier pauvreté et injustice. »
« C’est grâce à Dieu que je suis sorti de la pauvreté et possède désormais un avion privé », s’exclame l’évangéliste américain Creflo Dollar devant la foule massée au stade de Kampala. Une activiste ougandaise de la lutte contre le sida s’insurge : « Avec le nouveau programme financé par les Etats-Unis, finie l’éducation sexuelle des jeunes. A l’école, on ne leur parle que d’abstinence. » Furieux, le militant LGBT Louis-Georges Tin (président de l’IDAHO) affirme « Que la loi passe ou pas, le mal est déjà fait. Il est à craindre que des groupes extrémistes se sentent investis d’une mission spéciale pour transformer la vie sociale par la loi divine à laquelle ils se réfèrent. En somme, si la loi n’est pas votée par l’Etat, ils se feront «justice» eux-mêmes. » Et c’est précisément ce qui est en train d’arriver. Depuis la présentation du texte, les agressions et les arrestations sont en augmentation, selon Sexual Minorities Uganda.
La violence homophobe ne s’arrête pas aux frontières de l’Ouganda
Il faut savoir que l’homosexualité n’est légale que dans 13 pays en Afrique. D’abord, en février, on apprenait par un journal kényan que la police avait interrompu un mariage homosexuel clandestin et arrêté cinq personnes. « Nous ne pouvons laisser ces jeunes gens compromettre leur avenir par l’homosexualité », a commenté l’imam Ali Hussein. « Nous devons utiliser tous les moyens pour lutter contre ce vice. Ceci est immoral et nous ne devons pas le permettre ! », a surenchéri l’évêque kényan Lawrence Chai.
On apprenait aussi, qu’en Egypte, les homosexuels sont jetés en prison pour «mépris de l’islam» et «pratiques sexuelles contraires à l’islam». Des «déviants sexuels», comme les appelle la presse égyptienne, ont été arrêtés dans une discothèque sur le Nil. Après publication de leurs photos, noms, métiers et même adresses dans le journal, 52 d’entre eux ont été traduits devant un tribunal d’exception dont le jugement est sans appel. La moitié d’entre eux ont écopé d’une peine de 5 ans et croupissent encore dans les cachots égyptiens.
D’autre part, le quotidien britannique The Guardian consacrait récemment un article sur l’arrestation de 18 nigériens homosexuels avec comme titre : « Au Nigéria, la chasse aux homos est ouverte ». On y apprend qu’un homme a récemment été attaqué au Lagos et tué par une bande qui prétendait « nettoyer le Lagos des personnes homosexuelles », et le cas d’une bande de garçons qui ont violé cinq lesbiennes en disant qu’ils voulaient les « guérir de l’homosexualité ». Au Nigéria, les actes homosexuels sont passibles d’un emprisonnement de 14 ans. Dans les régions qui ont adopté la charia, les homosexuels peuvent même être condamnés à la peine capitale. Pour l’archevêque anglican, Peter Akinola, rien ne sert d’y aller par quatre chemins : « Nous voulons protéger le Nigéria contre l’anéantissement complet qui suivra la colère de Dieu si de telles pratiques sont reconnues comme normales dans notre pays ».
L’Afrique du Sud se prépare quant à elle à dépêcher en Ouganda un ambassadeur ouvertement homophobe, Jon Qwelane. Ce diplomate affirmait sans sourciller que les politiciens sud-africains auraient «un jour les couilles de supprimer le mariage homosexuel de la Constitution. Sinon, bientôt certains imbéciles demanderont aussi que la Constitution les autorise à épouser un animal».
Mais encore, deux jeunes de 16 et 18 ans soupçonné de s’aimer ont été pendus en Iran et cinq militants transexuels ont été arrêtés en Turquie le 17 mai dernier… à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie. Et on pourrait continuer, la liste est longue…
Tout ce qui nous divise nous affaiblit !
Nous luttons contre l’homophobie parce que cela mine l’unité indispensable dans la résistance contre le capitalisme. 7,7 millions d’Ougandais vivent sous le seuil de pauvreté, soit 38% de la population. Ils sont 700.000 de plus qu’il y a dix ans. L’Ouganda compte aussi actuellement plus de 2 millions d’enfants orphelins, dans la majorité des cas à cause du sida. Une telle situation provoque inévitablement tensions et violence. En l’absence de réponse collective de la part du mouvement ouvrier, le racisme, sexisme et l’homophobie peuvent se développer sur base de la frustration présente.
Répondre à ce phénomène ne doit pas s’effectuer sur une base moralisatrice, mais en expliquant la nécessité de l’unité de tous les opprimés, indifféremment de leur genre, de leur origine ou de leur préférence sexuelle. Il est d’ailleurs assez remarquable de constater que les minorités qui entrent en résistance se rejoignent facilement. Fin des années ’60, aux Etats-Unis, le mouvement des droits civiques contre le racisme et les débuts du mouvement gay ont ainsi connu un rapprochement. Il est temps de mener la lutte, en Ouganda comme ailleurs.