La marmite en ébullition a fini par éclater : le Front National belge, déchiré par des rixes internes depuis des mois, vient de se scinder en deux. Le parti – qui n’a de parti que le nom – n’en est certes plus à sa première fracture…à dire vrai, il les collectionne : plus de 30 scissions ou mouvements de dissidence l’ont traversé depuis sa création en 1985.
Cédric Gérôme
Jusqu’à présent, le président à vie et créateur du FN, Daniel Féret, politicien médiocre et magouilleur professionnel, était toujours retombé sur ses pattes, écartant sans trop de peine tous ceux qui lui faisaient de l’ombre. Mais le big boss semble cette fois-ci en plus mauvaise posture, et il n’est pas exclu que son nouveau concurrent, « Force Nationale », lui ravive le leadership et entreprenne une véritable structuration du parti.
Deux lettres sont arrivées le même jour dans les mains du président du Parlement régional Bruxellois. La première, envoyée par Paul Arku et trois autres piliers du FN, l’informait du fait que le bureau politique du parti avait exclu Daniel Féret ; la deuxième était signée de Féret et annonçait l’exclusion de Paul Arku ! En réalité, c’est la majeure partie de l’appareil politique wallon, soutenue par de nom-breux membres, qui semble avoir coupé avec le chef historique du FN et ses lieutenants. Ils préparaient visiblement leur coup depuis longtemps : une asbl dénommée Force Nationale avait déjà été créée en décembre dernier. Fin janvier, le groupe dissident annonce la création d’une nouvelle formation politique du même nom, tout en appuyant le réquisitoire de la Cour d’Appel visant à suspendre les dotations publiques de l’asbl FN (la « vraie », celle de Féret). Une lutte pour la récupération du label FN s’engage, dans laquelle Féret, croulant sous les ennuis judiciaires, n’est pas certain de sortir vainqueur.
L’extrême-droite francophone, plus bête que méchante ? A voir. D’une part, les partis traditionnels, avec leur politique de démolition sociale, lui balaie le terrain. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les derniers sondages du Soir qui montrent un FN encore en hausse, devançant Ecolo en Wallonie avec 8,1% des intentions de vote. D’autre part, il ne faut pas sous-estimer les capacités politiques des cadres dissidents, tel Paul Arku, transfuge du Vlaams Blok et responsable de parti hors pair. Daniel Féret régnait d’une main de fer sur le parti, barrant la route à toute idée d’en faire autre chose qu’un ramassis d’escrocs inactifs et de politiciens ratés uniquement prêts à se remplir les poches et à récolter les voix des électeurs mécontents. Il n’est pas exagéré de dire que cet homme constituait un des principaux obstacles au développement d’un parti néo-fasciste digne de ce nom dans le sud du pays. C’est pourquoi l’éviction de ce pion gênant et l’arrivée sur la scène de meneurs d’hommes aux perspectives plus ambitieuses pourrait radicalement changer la donne.
Le nouveau parti se proclame « nationaliste, pas nazi ni raciste » Se distanciant de Féret, le nouveau FN veut ainsi se donner une façade moins repoussante et une organisation plus efficace. C’est pourtant Paul Arku qui avait écrit : «Il est temps de créer un grand Syndicat National où se regrouperont les travailleurs, les entrepreneurs et tous les acteurs socio-économiques, par secteur d’activité. Un syndicat belge, pour les Belges, où, tous unis, ils réapprendront la solidarité entre nationaux, enfin débarrassés de la gangrène étrangère ». Bref, un style qui s’inscrit dans la plus pure tradition fasciste.
« Force Nationale » : nouveau coup d’épée dans l’eau ou premier pas vers un scénario à la flamande ? La question reste en suspens. Quoiqu’il en soit, le combat contre l’extrême-droite ne pourra réellement porter ses fruits que par la construction d’une véritable opposition. Une opposition de gauche active, combative et résolue.