Lecture: ‘‘Un autre monde’’ de Barbara Kingsolver

Paru en anglais sous le titre “The Lacuna”, ce livre a remporté l’Orange Fiction Prize, l’un des plus prestigieux prix littéraires du Royaume-Uni. Depuis fin août, il est aussi disponible en français aux éditions Rivages. Ces pages, écrites sous forme de journal, se lisent au pas de charges. L’auteur fictif, Harrison Shepherd, devient dans les années ’30 cuisinier de l’artiste mexicain Diego Rivera et du révolutionnaire russe en exil Léon Trotsky.

Shepherd observe et participe aux évènements, mais du second rang seulement. Elevé aux Etats-Unis au temps de la Grande Dépression, il est notamment témoin de la répression de la Bonus Army et du bain de sang qui a suivi (la marche de la Bonus Army de 1932 était composée d’anciens soldats de la Première Guerre mondiale, chômeurs pour l plupart, qui revendiquaient le paiement des compensations promises par le gouvernement). Par la suite, Shepherd arrive indirectement en contact avec la Commission sur les Activités Anti-américaines, prédécesseur de la commission qui sera présidée après-guerre par McCarthy.

“Un autre monde” parle de personnages et d’évènements historiques, mais reste un ouvrage de fiction. Il n’aborde pas les idées de Trotsky, mais peut donner une meilleure image de ce grandiose révolutionnaire et de qui il était, probablement même mieux que certains travaux ‘scientifiques’. Ce livre critique aussi certains mensonges des medias traditionnels, comme par exemple la théorie selon laquelle les agents staliniens qui voulaient assassiner Trotsky étaient engagés par Trotsky lui-même pour attirer l’attention.

Shepherd, devenu célèbre écrivain, retourne aux Etats-Unis où il est attaqué par les medias en raison de ses prétendues sympathies communistes. Il pense alors à ce que Trotsky lui avait dit concernant l’existence de deux types de journaux : “ceux qui mentent tous les jours, et ceux qui gardent les mensonges pour des campagnes particulières afin d’en augmenter l’impact.” Chose peu commune dans un roman historique, Barbara Kingsolver critique la façon dont l’art et la culture sont utilisées aux Etats-Unis. A un certain moment, une amie et collaboratrice de Shepherd, Violet Brown, remarque que les historiens mexicains peuvent parler de thèmes tels que l’injustice, c’est accepté parce qu’il s’agit d’un passé lointain, dans un autre pays. Elle décide donc de cacher les journaux de Shepherd pour ne les éditer que 50 ans plus tard, à un moment où la critique contenue dans ces livres abordera une période suffisamment lointaine pour être acceptable.

Sans aucun doute, Barbara Kingsolver espère que le lecteur fera des parallèles avec l’actualité, la propagande sur “la guerre contre le terrorisme”, ou le clivage entre riche et pauvre aux USA, des éléments qui font penser aux contradictions des années 1930.

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