Eco-terrorisme dans le Golfe du Mexique

Nationaliser BP et le secteur pétrolier

Suite à l’explosion, le 20 avril dernier, de la plate-forme Deepwater Horizon, le président américain a qualifié la catastrophe de ‘‘11 septembre écologique’’ ! Il n’a malheureusement pas poussé son raisonnement jusqu’au bout… Le capitalisme et sa logique de maximisation du profit est prêt à causer des dégâts irréversibles à l’environnement et à ceux qui y vivent. La ‘‘guerre contre le terrorisme’’ est un échec, et si nous voulons éviter que la lutte contre ‘l’éco-terrorisme’ n’emprunte la même voie, nous devons détruire la base matérielle de cet ‘éco-terrorisme’ : le système de production capitaliste. Seule une gestion démocratiquement planifiée de l’économie peut à l’avenir assurer qu’une telle catastrophe ne se reproduise plus.

Par Alain, Namur, article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste

Multinationales pétrolières et changements climatiques

La réalité des changements climatiques est aujourd’hui généralement acceptée, mais les sociétés pétrolières ne jouent pas seulement un rôle important dans la pollution. Elles essayent aussi de jouer sur la perception que nous avons de cette pollution.

Le journaliste d’investigation George Monbiot a démontré qu’ExxonMobil avait ainsi directement ou indirectement subventionné 124 organisations dont le but était de contester les changements climatiques. La tâche de ces organisations est de semer la confusion en affirmant qu’il existe d’autres positions scientifiques que celles qui dénoncent les modifications climatiques. Cela aboutit parfois à des conclusions absurdes, comme de dire qu’il y a plus de chance de connaître une invasion extra-terrestre qu’un changement climatique… Tout est bon pour semer le trouble dans les médias et l’opinion publique.

Sécurité ignorée

Des documents démontrent que BP a ignoré des avertissements au sujet de la possibilité d’une fuite. En 2009, un rapport de la multinationale a affirmé qu’un accident était peu probable, voire même impossible. Mais les scientifiques et les membres du personnel ont toujours dit que c’était une conclusion un peu trop rapide. BP a économisé de toutes les manières imaginables, notamment en travaillant avec des sous-traitants, ce qui a assuré le licenciement de centaines d’ingénieurs. On a vu le résultat qui accompagne ces pratiques.

Les amis de BP

Jusqu’à présent, BP a entretenu de très bons liens avec l’establishment politique. Sarah Palin peut bien faire des critiques aujourd’hui, les liens entre son parti, les républicains, et le secteur pétrolier ne sont plus à démontrer. Le président Obama a, par exemple, reçu une aide financière de la compagnie pour sa campagne électorale. A peine un mois avant le désastre du Golfe du Mexique, le gouvernement Obama avait d’ailleurs examiné une loi destinée à élargir les possibilités pour le forage en haute mer. Quant au secrétaire d’Etat à l’énergie du gouvernement Obama, Steven Koonin, il était encore il y a fort peu directeur de recherche au service de… BP. Il était notamment responsable de la surveillance de la sécurité des plateformes en haute mer !

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  • Nationalisation de BP et des sociétés pétrolières – Transition vers l’énergie propre MAINTENANT! – Tract de Socialist Alternative (CIO-USA)
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11 travailleurs payent de leur vie la course aux profits

Selon plusieurs sources (dont deux élus démocrates au congrès US), BP aurait pris des risques lors du forage de la plateforme afin de se débarrasser de certains coûts… dont celui de la sécurité. Les économies ainsi réalisées seraient comprises entre 7 et 10 millions de dollars. De plus, avant l’explosion, plusieurs rapports avaient rapporté des incidents, sans que BP ne juge utile de leur donner suite.

Lors de l’explosion de la plateforme, 11 travailleurs sont décédés, une illustration du fait que la classe ouvrière paye toujours le prix fort de la course au profit. La classe des travailleurs toute entière sera touchée de diverses manières : les travailleurs de Louisiane (déjà victimes de l’ouragan Katrina) vont subir le choc de la catastrophe sur un secteur important de l’économie régionale, celui de l’élevage de crevettes (40% des fruits de mer consommés dans le pays proviennent de Louisiane). Le coût engendré par le nettoyage des plages ne sera que partiellement payé par BP. Des bénévoles sont parfois à l’œuvre sur certaines plages pour éliminer les galettes de pétrole qui s’y échouent. Et comment évaluer la perte subie par le patrimoine naturel (poissons, fonds marins, modification du biotope et de la biocénose) ? Le coût de la catastrophe ne pourra être que sous-évalué, au détriment de la collectivité.

La énième catastrophe

Le 24 mars 1989, l’Exxon Valdez a été responsable d’une marée noire de 38.500 tonnes en Alaska. Exxon a payé 3.4 milliards de frais de nettoyage et 500 millions de dollars de ‘‘dommages punitifs’’. Le 16 mars 1978, l’Amoco Cadiz a été responsable d’une marée noire de 227.000 tonnes de pétrole sur les côtes de Bretagne. Standard Oil a payé 1,25 milliard de dollars après 14 ans de procédure. Le 12 décembre 1999, le naufrage de l’Erika a déversé 20.000 tonnes sur les côtes de Bretagne, Total ne payant que 570 millions d’euros, dont 200 millions font toujours l’objet d’un pourvoi en cassation. Le Prestige, le 13 novembre 2002, a déversé 64.000 tonnes sur les côtes d’Espagne, de France et du Portugal. Le fond international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution (FIPOL) par les hydrocarbures estime à 1.05 milliard d’euros le coût de cette catastrophe. Finalement, le désastre du 20 avril 2010, qui aura déversé (selon les estimations du gouvernement américain) entre 177.000 et 322.000 tonnes de pétrole dans le Golfe du Mexique coûtera 9,8 milliards de nettoyage et environ 8,6 milliards d’indemnisation et de frais de justice (Le Soir, 16 juin 2010). Cette somme, même astronomique au regard des salaires et des sommes avec lesquelles la classe ouvrière doit se débrouiller, n’est qu’une grosse cacahuète au vu des dividendes versés par BP ces dernières années (environ 8,7 milliards d’euros par an).

Le titre de BP a subi des troubles en Bourse suite aux annonces menaçant de ne pas verser de dividende cette année. Cela démontre encore une fois de quelle rapacité font preuve les actionnaires face aux désastres écologiques et humains.

Une catastrophe qui en cache des tas d’autres dans le secteur

Dans le delta du Niger, un oléoduc d’ExxonMobil s’est rompu rejetant 4 millions de litres de brut pendant 7 jours avant que la brèche ne soit colmatée. Avec ces 606 champs pétrolifères, le Delta du Niger fournis 40% des importations américaines de pétrole. C’est devenu aussi la capitale mondiale de la pollution pétrolière… En deux générations, l’espérance de vie est retombée à 40 ans dans certaines régions de ce Delta. Entre brèche et fuite, tous les sols sont souillés. La corruption des régimes compradores de la région permet que les compagnies pétrolières ne soient pas trop inquiétées.

Plus jamais ça ?

Barack Obama a appelé l’économie américaine à se libérer de sa dépendance face au pétrole pour s’orienter vers les énergies du 21 siècle. Ce genre de déclaration ne vise qu’à restaurer son image, fortement écornée par sa gestion de l’affaire, qualifiée au mieux de molle.

Quand on demande aux travailleurs du secteur de la crevette dans la région s’ils sont favorables à la fermeture des plates-formes, leur réponse n’est pas unilatérale. En effet, le secteur pétrolier est aussi un grand pourvoyeur d’emplois et chaque crevettier a soit un fils, soit des amis qui travaillent dans le secteur. L’attitude incantatoire d’Obama tente en fait de masquer que les USA sont dépendants de l’industrie pétrolière. La seule solution, pour sortir de cette dépendance, est de nationaliser ce secteur hautement stratégique et en même temps dangereux. La mise sous contrôle des travailleurs de sites critiques comme ceux des plateformes en haute mer permettrait de ne pas laisser au seul soin du profit d’évaluer la politique de gestion du risque.

Pour sortir de la dépendance aux énergies fossiles, il faut planifier la transition vers les énergies renouvelables. Cela ne peut se faire que dans le cadre d’une économie planifiée. En effet, sur base capitaliste, la transition vers les énergies renouvelables est bloquée par l’investissement énorme qui est nécessaire afin de développer le secteur.

La concurrence dans un secteur pour obtenir une bonne part de marché et réaliser son profit, combinée à la concurrence entre tous les secteurs de l’économie, donne lieu à une répartition sectorielle du taux de profit. Le capitalisme vert n’est qu’une modification sectorielle de la répartition du taux de profit. Cela signifie que cela reste du capitalisme et, sous ce système, on ne peut trouver aucune solution pour répondre aux besoins sociaux tout en faisant face aux contraintes environnementales.

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