Des fuites confirment que les USA s’enlisent toujours plus profondément dans le bourbier afghan
Les États-Unis ont réagi avec colère face à la fuite de plus de 90.000 documents portants sur la guerre en Afghanistan, documents publiés sur le site Wikileaks. Mais cette réaction n’a porté que sur le fait de divulguer ces documents, rien n’a été dit sur le contenu de ceux-ci… Le portrait de la guerre en Afghanistan qui y est dressé n’est pas des plus roses pour les États-Unis et leurs alliés : les talibans sont de plus en plus forts, l’allié pakistanais est peu fiable et les USA perdent du terrain. Cela n’est pas nouveau en soi mais, indirectement, ces éléments sont dorénavant officiellement confirmés.
23 septembre: manifestation anti-guerre à Gand
Le 23 septembre se déroulera à Gand une manifestation contre le sommet européen des ministres de la Défense. Cette manifestation anti-guerre partira à 19h de ‘Gent Zuid’. Le week-end précédent cette manif, les Etudiants de Gauche Actifs iront manifester à Aalter, la commune d’où provient l’actuel ministre belge de la guerre, Pieter De Crem, dit ‘Crembo’, le départ est fixé au samedi 18 septembre, à 15h à la gare d’Aalter.
Les 92.000 documents divulgués portent sur une période allant de 2004 à janvier 2010. Ils montrent que les talibans sont en général plus forts qu’initialement attendu, et plus forts que jamais depuis le début de la guerre en 2001. En outre, les États-Unis disposent d’indications claires que des fractions des services secrets pakistanais (ISI) participent activement au soutien des Talibans, alors que le Pakistan est officiellement allié des USA et reçoit d’ailleurs une grosse aide financière dans ce cadre. Les documents font aussi le récit de différents problèmes rencontrés par l’armée d’occupation. Toute cette publication mine fortement la rhétorique du président Obama concernant l’augmentation du nombre de troupes en Afghanistan en vue de parvenir plus rapidement à une résolution du conflit. Au vu de ces documents, les affirmations et promesses de retrait des troupes semblent invraisemblables. L’Afghanistan est un bourbier pour les puissances étrangères d’occupation, aucune solution facile n’existe. Cela ne concerne pas que l’occupant américain, mais aussi ses partenaires, dont les troupes belges.
Les documents indiquent clairement que les troupes d’occupation font tout leur possible pour minimiser les forces des talibans, minimiser l’armement à leur disposition et minimiser leurs campagnes. Selon la nouvelle stratégie d’occupation, les occupants eux-mêmes devraient gagner le cœur de la population locale, mais le nombre d’attaques avec des drones (de petits avions sans pilote qui lâchent des bombes actionnées à distance) s’est intensifié, non seulement au Pakistan mais aussi en Afghanistan.
De telles attaques à l’aveuglette, ainsi que d’autres – comme les fusillades de motards non armés – ont fait des centaines de morts. Les documents parlent d’au moins 195 morts parmi les civils, mais le nombre réel est probablement beaucoup plus grand. Il est notamment question d’une fusillade commise par des soldats polonais en 2007 sur un village alors qu’un mariage y était célébré. Parmi les victimes se trouvait notamment une femme enceinte.
Au moins 180 documents traitent des problèmes rencontrés avec les services secrets pakistanais (ISI). L’ISI a été impliquée dans la formation de terroristes kamikazes, dans la contrebande de l’argent, dans l’organisation d’attentats (dont l’un, en 2008, visait à tuer le président Karzai!) et même dans l’intoxication de la bière pour les troupes occidentales. La véracité de certaines réclamations est douteuse, mais l’implication de l’ISI dans le soutien aux Talibans n’est pas à remettre en question.
Apparemment, l’ISI est suffisamment prudente et tente d’éviter toute preuve tangible. Cet élément rend plus difficile de distinguer faits et rumeurs, mais les indications du soutien pakistanais pour les Talibans sont assez forts. Si les Talibans sont forts, c’est utile pour le Pakistan afin de limiter l’influence des populations non-Pachtounes en Afghanistan (et surtout des alliés Indiens de certains seigneurs de guerre d’autres groupes ethniques). Les Pakistanais peuvent aussi utiliser leur soutien aux Talibans afin de renforcer leur position parmi la population pachtoune au Pakistan, principalement dans la NWFP (la province frontière dans le nord-ouest). Cette population n’a jamais accepté la frontière officielle entre le Pakistan et l’Afghanistan, une frontière résultant des interférences impérialistes.
Obama ne se sent pas responsable, les documents se rapportant principalement à la période précédent son arrivée au pouvoir. Quel argument original… Il est bien vrai qu’Obama n’a été au pouvoir qu’au cours d’une seule des six années couvertes par les documents divulgués. Mais il faut immédiatement préciser qu’Obama continue la politique de son prédécesseur et va même encore plus loin en augmentant les forces d’occupation. Un autre argument des autorités américaines contre cette fuite de documents est la question de la sécurité des troupes américaines en Afghanistan ainsi que les risques encourus par “la sécurité nationale”. Mais ces risques ne sont-ils pas principalement renforcés précisément par ces opérations guerrières en Afghanistan ?
Ces documents décrivent à quel point la situation des forces d’occupation est pénible. Pour Obama et les autres responsables de l’occupation, la publication de ces documents sur internet arrive à un moment bien ennuyeux, alors qu’ils tentent d’augmenter le nombre de troupes et de vendre cela à la population en affirmant que la guerre est un succès et qu’elle peut progressivement conduire à une forme de soutien pour un régime locale et démocrate. Cette illusion est maintenant balayée. Après presque neuf années de guerre et d’occupation, les Talibans sont plus forts et les occupants sont de plus en plus enfoncés dans le bourbier afghan. L’envoi de troupes supplémentaires ne va conduire qu’à l’accélération de ce processus.