INTERVIEW: Australie – « Reconstruire les forces du mouvement ouvrier »

Lors de l’école d’été du CIO qui s’est tenue en Belgique, Socialisme.be a interviewé une militante du syndicat Australien UNITE pour voir quelles leçons peuvent être tirées de l’expérience des camarades Australiens pour le renforcement de la lutte des jeunes et des travailleurs ici en Belgique.

Socialisme.be : Comment est née l’idée de « UNITE » et comment l’avez-vous concrétisée?

En 2003, un petit groupe de personnes se sont réunis à Melbourne pour discuter de la campagne autour de questions qui intéressent les jeunes travailleurs. Nous regardions vers le syndicat « UNITE » en Nouvelle-Zélande, qui tentaient d’organiser les travailleurs précaires dans des domaines comme l’hôtellerie, les loisirs et la restauration. Nous avons pris exemple sur leur travail et mit sur place UNITE en Australie en utilisant une campagne contre les bas salaires et la précarisation du travail.

En particulier, nous avons ciblé les domaines de la restauration rapide, de la vente au détail et de soins de santé car c’est dans ces domaines que les problèmes sociaux sont le plus accentués. Ce sont aussi les domaines où les jeunes travailleurs sont les plus employées.

Socialisme.be : UNITE a organisé des campagnes couronnées de succès et a gagné des augmentations de salaire pour les jeunes travailleurs. Comment avez-vous fait?

Au départ nous nous sommes concentrés sur une campagne du type « nom et prénom » où nous avons exposé publiquement les patrons qui ont maltraité leur personnel. Pour de nombreux employeurs de l’industrie, la crédibilité de leur marque compte énormément.

Nous avons donc constaté que si une action des travailleurs est couplée avec une campagne médiatique, il est plus facile d’obtenir des résultats importants. En 2006, nous avons transformé « UNITE » pour établir un véritable syndicat, avec de véritables structures à côté de campagnes encourageant les jeunes travailleurs à se joindre à UNITE pour construire avec nous un syndicat de lutte.

Nous avons eu quelques succès en remportant la hausse des salaires et le payement des arriérés de salaire pour toute une série de travailleurs sous-payés. Notre campagne la plus importante a été celle dirigée contre le magasin géant 7-Eleven. Cette société emploie majoritairement des étudiants chinois et indiens et, dans la plupart des cas, ils sont sous-payés.

Les travailleurs sont généralement très timides parce qu’ils sont en Australie grâce à des permis de séjour temporaires pour étudiants mais, grâce à notre campagne, nous sommes tout de même parvenus à obtenir quelques victoires. Par exemple, jusqu’à présent, nous avons gagné près de 200.000 $ en compensation pour les travailleurs du 7-Eleven. Notre campagne a également contraint l’État à «mettre sous observation» environ 60 magasins 7-Eleven, et nous comptons gagner un montant de 100.000 $ avec une autre affaire en cour de jugement.

Socialisme.be: En Belgique, il arrive que certains jeunes travailleurs soient très méfiants vis-à-vis des syndicats traditionnels .Quelle est la situation en Australie?

En Australie, le pourcentage de travailleurs du secteur privé qui sont syndiqués se situe autour de 13 -14 pour cent, pour ce qu’il en est des jeunes de moins de 25 ans, ce chiffre tombe au dessous de 10 pour cent.

Il ya très peu de connaissances sur les syndicats chez les jeunes, c’est pourquoi l’un des aspects de notre travail est la visite des écoles secondaires et la discussion avec ces étudiants. Grâce à notre travail et notre campagne de visites dans les écoles, nous essayons de réintroduire les idées du syndicalisme dans la nouvelle génération de travailleurs.

Socialisme.be : En Belgique, nous revendiquons un salaire minimum de 1.500 euros, est-ce qu’il existe en Australie un salaire minimum et quelle est votre expérience de la façon dont il fonctionne dans la pratique?

Oui, en Australie il y a un salaire minimum. Il est actuellement de $ 14,31 par jour pour un adulte de plus de 21 ans. Le problème pour les jeunes travailleurs est cependant qu’il existe aussi un « taux de rémunération junior ». Si vous avez moins de 21 vous êtes généralement payé en fonction de votre âge. Dans certains cas, les travailleurs de 15ans peuvent être payé moins de la moitié du salaire minimum.

Bien entendu, il est très difficile de vivre sur le salaire minimum en Australie. Logement, nourriture et prix de transport sont extrêmement élevés. Pour aggraver les choses, nous avons actuellement un taux d’inflation d’environ 2,8 pour cent et le gouvernement refuse systématiquement de donner aux travailleurs une quelconque augmentation de salaire.

Socialisme.be : Que pensent les autres syndicats de nos actions ? Comment se situent-ils en relations à nos campagnes ?

Bien que tous les syndicats ne soient pas heureux de notre existence, nous avons eu la chance d’obtenir un peu de soutien de certains des syndicats les plus progressistes à Victoria. Le travail est certainement difficile, notre syndicat est le plus souvent géré par des bénévoles et avec un très petit budget, mais certains syndicats nous ont donné de petits dons et du soutien en nature. Nos membres paient des cotisations et nous avons également une couche de partisans qui font des dons de façon régulière. Nous avons des avocats, des comptables et des agents industriels qui sont heureux de nous donner des conseils gratuits et du soutien, mais le travail le plus important est celui fourni par les jeunes travailleurs qui visitent les magasins et qui nous aident pour les campagnes et pour l’organisation de notre travail.

Socialisme.be : Quel rôle ont eut les membres du Comité pour une Internationale Ouvrière dans le lancement et le développement de UNITE ?

Eh bien, les membres du CIO ont contribué à fonder UNITE en 2003. Beaucoup d’entre eux sont toujours à la tête de l’organisation. Le Socialist Party (CIO-Australie) a été très généreux en termes de temps et d’argent, mais surtout, ils nous ont donné un appui politique. C’est à cause de l’échec des politiques de l’aile droite du mouvement syndical qu’aujourd’hui énormément de jeunes se situent à l’extérieur du mouvement syndical. D’une certaine manière, on pourrait dire que notre tâche est celle d’essayer de réparer leurs dégâts. La reconstruction du mouvement syndical passe par un investissement des forces véritablement socialistes pour cette tâche.

Nous sommes les seuls à disposer des idées et des méthodes pour pouvoir outrepasser ce système basé sur la super exploitation des jeunes et des travailleurs. Reconstruire les force du mouvement ouvrier, telle est notre tâche, en Australie, comme en Belgique, comme dans le reste du monde.

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