Europe en crise: Chez nous bientôt aussi?

L’euphorie de l’unification européenne qui régnait il y a de cela dix ans est devenue crise, tension et peur. La presse économique le reconnaît d’ailleurs avec beaucoup d’honnêteté. Tandis que le Financial Times écrivait il y a peu qu’ “Un spectre hante l’Europe: le spectre de la Grèce”, The Economist a eu une photo d’une manifestation grecque avec pour légende “Bientôt dans votre ville ?”

Article tiré de l’édition de Lutte Socialiste de juin

Tragédie grecque

Solidarité européenne!

Manifestation ce samedi 26 juin – 13h30 – Place Van Meenen, Saint Gilles (Bruxelles) – Près de la Gare du midi, arrêt Horta

  • Appel du Front des Gauches
  • Tract du Front des Gauches
  • Europe – Initiative pour une « semaine de protestations et de solidarité »
  • Agenda de la semaine d’action
Ceux qui prétendent que la crise grecque est le produit de la “fainéantise” ne font que mentir pour masquer leur propre responsabilité. Si la Grèce est un maillon faible de l’Union Européenne, ce n’est aucunement la faute aux travailleurs grecs, mais bien à la politique néolibérale de ces dernières années.

La dette de l’Etat a bondi au-delà des 300 milliards d’euros, soit 112% du Produit Intérieur Brut(1) et elle pourrait même atteindre les 130% en 2013. Il est même probable que ces chiffres soient en dessous de la réalité, car il est difficile de se rendre réellement compte de l’ampleur des dettes, masquées sous de complexes montages financiers. Cette montagne de dettes est de plus aggravée par la spéculation financière et par la fraude fiscale des grandes entreprises. Les francs-tireurs de la dictature néolibérale – les hedge funds (fonds spéculatifs), les banques d’investissement et les grands actionnaires et les agences de cotation – ont assiégé l’économie grecque. Maintenant, la Grèce ne peut emprunter qu’à des taux très élevés, au grand bonheur des spéculateurs.

Les institutions internationales exigent que ce soient les travailleurs grecs et leurs familles qui payent pour la crise et non pas les spéculateurs et les capitalistes. Le plan d’austérité qui y est prévu est un véritable bain de sang social, un massacre organisé des conditions de vie des travailleurs, des pensionnés, etc.

750 milliards d’euros ne suffisent pas pour éviter la contagion

La Grèce est virtuellement en faillite et sa garantie de crédit (ses capacités à rembourser ses dettes) est encore plus bassement estimée que celle de l’Islande, qui s’est économiquement effondrée en octobre 2008. Aujourd’hui, la question qui obsède les gouvernements et les économistes, c’est de savoir qui sera la prochaine victime des charognards financiers. Tous les pays européens sont dans la tourmente. Les banques et entreprises allemandes ont placé 390 milliards d’euros en Grèce, au Portugal, en Espagne et en Irlande, pays au bord du gouffre. Voilà pourquoi le gouvernement allemand a tout de même fini par accepter le plan d’aide à la Grèce en dépit de son opposition initiale.

Ce plan d’urgence, d’une valeur de 750 milliards d’euros, a suscité l’euphorie sur les bourses… pendant un jour ! Le lendemain, le doute était revenu et l’euro a continué à perdre du terrain. Pour certains économistes et politiciens, 750 milliards d’euros, ce n’est toujours pas assez pour sauver la zone euro de façon structurelle: envoyer une bouée à un naufragé, cela ne veut pas encore dire qu’on l’a sorti de l’eau. Ces aveux ont encore plus aiguisé la soif de spéculation des vautours de la finance.

Ce plan comporte de nombreux risques. Tout d’abord, pour la majeure partie, il s’agit d’un plan destiné à emprunter aux marchés financiers à de meilleures conditions. La dette ne disparaît donc pas, il ne s’agit que d’un emballage de celles-ci en répartissant les risques. Mais l’Histoire nous a appris que répartir des risques de faillite ne fait pas subitement disparaître les risques, cela ne fait que les éparpiller. On parle déjà de “contagion” au Portugal, en Irlande, en Italie et en Espagne. Certains attirent également l’attention sur la Belgique : l’économiste britannique David Roche a ainsi décrit notre pays comme une “vraie ruine”.

La brève euphorie autour de “la quatrième plus forte hausse du Bel 20”(2) qui a suivi l’annonce du le plan d’urgence a précédé d’une seule journée une monumentale “gueule de bois” (selon la une du quotidien économique flamand De Tijd). Le capitalisme ressemble de plus en plus à un accro à l’héroïne pour qui chaque nouveau fix entraîne une brève euphorie mais qui, au fur et à mesure que la fin approche, ressent de moins en moins d’effets à chaque shot.

Aucune alternative ?

Les dirigeants européens répètent à l’envi qu’il n’existe aucune alternative aux coupes budgétaires et aux plans d’austérité, logique suivie par tous les partis traditionnels. En Grèce, l’austérité est appliquée par un gouvernement social-démocrate et, au Parlement Européen, si les Verts ont bien fait quelques remarques sur le plan d’austérité grec, elles ne portaient pas sur le contenu, mais uniquement sur la vitesse à laquelle ce dernier devait être appliqué pour qu’un “plus grand consensus” soit atteint. A les entendre, la seule solution, c’est de faire payer les travailleurs et leurs familles.

Certains pensaient que l’Allemagne, moteur de l’économie européenne, pourrait empêcher l’approfondissement de la crise, mais cet espoir est vain. La bonne position concurrentielle de l’Allemagne face aux autres économies est basée sur de bas salaires (attractifs pour les patrons) ainsi que sur les dures coupes budgétaires de ces dernières années. Mais cela a impliqué une chute de la consommation interne du pays. Hors de question donc d’imaginer que la consommation allemande puisse sortir l’Europe d’affaire.

Expulser la Grèce hors de la zone euro est encore moins une solution. Le gouvernement grec pourrait bien dévaluer sa nouvelle monnaie, mais si les dettes doivent être payées en euros, cela ne solutionnerait rien, tandis que toute réévaluation de la dette diffuserait d’autant plus la crise. Mais, par dessus tout, la désaffection de la Grèce aurait un effet de sape sur la zone euro.

Le capitalisme subit une cuisante défaite idéologique. Il n’est plus question d’euphorie pour le projet européen ou le capitalisme. Si le mouvement des travailleurs ne formule pas ses propres réponses face à la crise, la bourgeoisie attendra gentiment la fin de la crise en nous la faisant payer dans le sang et la sueur. Le choix est simple : subir l’effondrement de notre niveau de vie ou entrer en lutte tous ensemble contre ce système.

En Grèce, le mouvement de protestation est d’une grande importance. L’appel de parlementaires européens de la Gauche Unitaire Européenne/Gauche Verte Nordique pour une semaine d’action de protestations coordonnée à l’échelle européenne pour la fin du mois de juin est une excellente initiative pour renforcer l’idée de solidarité internationale. Mais cela doit absolument s’accompagner d’une campagne en faveur d’une réponse clairement socialiste face à la crise du capitalisme.


(1) PIB: indicateur économique qui mesure les richesses créées dans un pays donné et pour une année donnée. Une dette de plus de 100% signifie donc que même toute la richesse créée en une année dans le pays ne suffirait pas pour payer les créanciers.

(2) Bel 20 : principal indice boursier à la Bourse de Bruxelles, reprenant la valeur de 20 actions de Bruxelles (Colruyt, InBev, Dexia,…)

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