Afrique du Sud : La coupe du monde de… l’inégalité !

Ce qui aurait dû être un bel événement sportif est marqué par les scandales, la corruption et l’avidité. Voilà la toile de fond de la Coupe du Monde de Football qui se tient en Afrique du Sud, la première Coupe du Monde organisée sur le continent africain.

Democratic Socialist Movement (CIO-Afrique du Sud)

Avant même qu’un seul match ne s’y soit déroulé, l’Afrique du Sud a déjà vaincu le Brésil pour la Coupe du Monde de l’inégalité. Ce sera d’ailleurs sans doute le seul prix que ce pays remportera. La Coupe du Monde a encore plus aiguisé les contradictions présentes en Afrique du Sud. L’élite politique autour du gouvernement de l’ANC tente notamment désespérément de rapidement mettre sur pied une riche classe capitaliste noire afin d’impressionner le capital occidental blanc.

Près de 800 milliards de Rand (soit 80 milliards d’euros) ont été dépensés pour les travaux d’infrastructure (routes, aéroports, autoroutes et stades) mais, à l’exception du système BRT (Bus Rapid Transit), aucun de ces investissements ne profitera à la population. Ces moyens auraient été bien plus utiles pour les soins de santé ou l’enseignement. A titre d’exemple, les dépenses d’infrastructures pour la Coupe du Monde équivalent à dix ans d’investissements dans le logement ! Les dépenses sont pour la collectivité, les revenus pour la FIFA et les investisseurs étrangers.

Les seuls à avoir bénéficié de ces investissements sont les patrons des entreprises de construction. Le profit d’une entreprise telle que Group 5 s’est accru de 73%. Les topmanagers ont reçu 40% en plus, jusqu’à 7,4 millions de Rand par an (740.000 euros par an, soit 2000 €/jour). Un simple ouvrier du bâtiment ne reçoit que 5,5 Rand de l’heure (0,55€/h). Un ouvrier doit donc travailler plus de 25 heures pour se payer le ticket le moins cher pour un match.

Au salaire s’ajoutent les contrats temporaires et les mauvaises conditions, tout un contexte qui permet de comprendre pourquoi 26 grèves ont eu lieu durant la construction des stades, dont 20 spontanées. Les entreprises ayant généralement des liens étroits avec d’importantes figures politiques qui, à leur tour, entretiennent des relations avec les dirigeants syndicaux, ces luttes ont été loin d’être évidentes.

FIFA : 1 travailleurs et pauvres : 0

Lors de cette coupe du Monde, la FIFA va marquer quelques buts. Rien qu’en droits de diffusion des matchs, elle va remporter 1,2 milliard d’euros. Les revenus pour cette année, avant même le début de la Coupe du Monde, s’élèvent déjà à plus de 1 milliard d’euros! Et cela, malgré le faible succès des tickets que beaucoup de Sud-Africains ne peuvent tout simplement pas se payer. La plupart du temps, il ne leur sera même pas possible de suivre les matchs à la télévision, faute d’accès à l’électricité. 2,8 millions de jeunes entre 18 et 24 ans n’ont ni travail ni instruction. Le chômage frappe 8 millions de personnes (35% de la population – 25% selon les chiffres officiels). Le gouvernement parvient à construire des stades flambant neuf en un temps record, mais aucun moyen n’existe pour des logements décents pour la population, sans même parler des services de base, des soins de santé et de l’enseignement.

Tout ceci est destiné à améliorer l’image du pays à l’étranger. Les clochards et les enfants des rues sont chassés des centres-villes. A Johannesburg, 15.000 sans-abri ont été attrapés et placés dans des centres d’accueil temporaires en-dehors des villes et, à Durban, la police embarque tous les jours des enfants des rues pour les relâcher hors de la ville. A Capetown, les pauvres sont expulsés de la ville et parqués à Blikkiesdorp, une “Région de Relocalisation Temporaire” qui contient 1.300 petits logements-containers de 3 à 6 mètres de long. Les pauvres sont entassés dans des camps de concentration pour les garder hors de vue!

Résistance

Marx est notamment connu pour avoir dit que la religion est l’opium du peuple, ce que l’on peut dire du sport aujourd’hui. L’élite dirigeante instrumentalise la Coupe du Monde à la manière des empereurs romains qui endormaient le peuple avec “du pain et des jeux”. Cela a bien fonctionné un moment, mais cela n’a pas pu résoudre les contradictions de la société et la crise. Malgré l’interdiction de toute action de protestation pendant la Coupe du Monde, il n’est pas exclu qu’une action soit menée. Les habitants des bidonvilles se battent pour avoir droit aux services de base et des jeunes de divers bidonvilles brûlent des pneus et bloquent les routes. Ces actions rappellent la lutte contre l’apartheid. C’est une expression des énormes frustrations qui vivent parmi la population. Les chauffeurs de taxi qui risquent de perdre leur revenu à cause du nouveau système de bus dans les grandes villes vont eux aussi entrer en action.

Très peu de travailleurs se laissent berner par la propagande selon laquelle les grèves seraient “antipatriotiques”. Les fédérations syndicales qui, en général, soutiennent le régime, se sont dites obligées de protester contre le fait que le merchandising autour de la Coupe du Monde soit fabriqué dans des usines chinoises (meilleur marché), et contre le fait que, pendant la Coupe du Monde, le pays sera virtuellement colonisé par la FIFA.

Le gouvernement de l’ANC continue à rester indifférent aux souffrances de la majorité de la population. Il fait un peu penser à la reine Marie-Antoinette qui, en 1789, aurait dit en parlant du peuple français affamé ‘‘Ils n’ont pas de pain? Qu’ils mangent de la brioche !’’ La réponse du gouvernement sud-africain face au logement, à l’enseignement et à l’emploi est “Mais on vous a donné des stades !”

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