Le MOC soumet son cahier de revendications au PS, au CDH, au MR, à Ecolo et au Front des Gauches

J’ai rarement vu un débat aussi professionnel que celui organisé par le Mouvement Ouvrier Chrétien mardi soir dernier à l’Aéropolis, le quartier général du MOC. Des politiciens des quatre partis traditionnels francophones et du Front des Gauches ont été soumis aux questions de toutes les organisations qui composent le Mouvement Ouvrier Chrétien. Le PSL-LSP a enregistré ce débat qui a duré deux heures. Voici un rapport de cette soirée.

Par Eric Byl

Anja Deschoemacker en débat avec les partis établis

La manière dont ce débat a été pris au sérieux s’est reflétée dans les représentants envoyés par les différents partis. Ainsi, pour le PS, Laurette Onkelinx en personne s’était déplacée, de même que Joëlle Milquet pour le CDH, Sarah Turine pour ECOLO, Serge de Patoul pour le MR et Anja Deschoemacker pour le Front des Gauches. Chaque organisation du MOC avait 8 minutes pour exposer une problématique et poser 2 questions concrètes en découlant, après quoi les représentants politiques avaient 4 minutes pour commenter leur façon de voir les choses et répondre aux deux questions.

Jean Hermesse, le secrétaire général de la Mutualité Chrétienne, a expliqué chiffres à l’appui à quel point l’inégalité sociale a un effet négatif sur la santé. Il a lancé un appel à la solidarité et à la réduction des frais supportés par le patient. La première question de la Mutualité Chrétienne était: êtes-vous prêts à intervenir pour limiter les frais hospitaliers du patient, et de quelle façon concrète ? La deuxième : quelle mesure trouvez-vous prioritaire pour créer à terme une offre de soins de santé adaptée au vieillissement de notre population ?

Je n’étais certainement pas le seul dans la salle à me rendre compte que les politiciens avaient adapté leur rhétorique face aux auditeurs. Nous avons donc pu entendre des politiciens traditionnels qui ont pourtant, tous sans exception, participé à la politique néolibérale de ces 30 dernières années, défendre à l’unisson l’universalité des soins de santé publics. Pas ‘‘d’économies sauvages’’ et une franchise maximale de 200 €, a répondu Joëlle Milquet. De même que Laurette Onkelinx et Sarah Turine, elle a défendu de conserver le taux de croissance de 4,5% du budget de la santé publique. Laurette Onkelinx a ajouté qu’une partie pouvait être mise de côté, pour le fonds de vieillissement par exemple. Elle a également souligné que le récent accord dans le non-marchand ouvrait la voie à la création de 10.000 emplois, mais elle a oublié de mentionner que ce développement reste très loin derrière l’ampleur des tâches qui incombent à la santé publique.

Sarah Turine a plaidé pour la prévention, par une alimentation plus saine et un meilleur environnement entre autres. Elle pense peut-être que ceux qui font leurs courses à l’Aldi ou au Lidl y vont tout simplement par choix ? Que la santé est moins bonne dans les quartiers surpeuplés de Bruxelles, par exemple, nous le savons, mais où trouver de l’argent pour avoir une petite maison avec jardin ? Elle a également parlé de revoir le rôle du médecin généraliste et d’interdiction tout supplément sur les honoraires.

Même le représentant du MR a déclaré que tout le monde devait être assuré. Mais, selon lui, le secteur privé a un rôle à jouer, dans l’aide aux personnes âgées par exemple. Aucun mot au sujet du fait que le gouvernement a décidé de garder le taux de croissance du budget des soins de santé, mais seulement à condition que cela puisse également être utilisé pour combler les déficits d’autres secteurs de la sécurité sociale. Anja Deschoemacker s’est déclarée contre la commercialisation des soins de santé, comme quelques autres. Elle a parlé des conditions de travail dans ce secteur et a aussi plaidé pour l’intégration de l’assurance de santé et de l’assurance hospitalisation dans l’assurance de maladie ordinaire, et cela pour tout le monde, pas seulement en Flandre

Au nom de la CSC, le secrétaire général Claude Rolin a accentué la nécessité de donner une priorité absolue au premier pilier de retraite (géré par l’Etat) et de lutter contre le chômage, pas contre les chômeurs. Ses questions étaient : comment pensez-vous préserver et développer la retraite légale ? Que proposez-vous pour promouvoir l’emploi, à côté de la formation, de l’accompagnement et de l’activation des chômeurs et des plans de création d’emplois?

De Patoul a surtout constaté que beaucoup de postes vacants n’ont pas trouvé de travailleur. Bref, il y a des lacunes en termes de formation. Lui-même il ne doit pas postuler pour ce genre d’emplois, sinon il aurait pu constater que les patrons ne sont pas très chauds pour engager des jeunes et qu’ils préfèrent attendre jusqu’au moment où ces jeunes veulent faire ce boulot presque gratuitement. Joëlle Milquet a bien entendu défendu son plan win-win. Selon elle, cela a aidé 12.000 jeunes peu scolarisés à trouver un emploi. Elle n’a pas précisé combien de ces jobs sont de véritables emplois qui ne tiennent pas simplement à l’argent mis sur la table par la collectivité. Laurette Onkelinx veut revoir le principe de la Déduction des Intérêts Notionnels pour lier cela à la création d’emplois et pour sanctionner les sociétés qui ne consacrent pas 2% de leur chiffre d’affaires à la formation. Sarah Turine, de son côté, défend les emplois verts. Pris globalement, tous les partis traditionnels veulent plus de formation et, avec quelques nuances, veulent créer des emplois en diminuant les charges patronales.

Anja Deschoemacker a souligné que, depuis déjà 30 années d’une telle politique, nous avons pu constater que les diminutions de charges ne créent pas d’emploi. Ces partis traditionnels qui se plaignent maintenant de notre manque de formation sont les mêmes que ceux qui, depuis des années, entretiennent le sous-financement de l’enseignement. Anja a aussi défendu l’élargissement des services publics avec des emplois statutaires au lieu d’inventer de nouveaux plans de création d’emplois. Suffisamment d’études démontrent que ces plans de création d’emplois coûtent plus aux caisses de la collectivité que l’engagement de fonctionnaires.

Tous les partis ont plaidé d’accorder la priorité au premier pilier de retraite. Sarah Turine veut faire dépendre la déductibilité des caisses de retraite de l’éthique et la durabilité des investissements. Milquet et Onkelinx trouvent que le deuxième pilier doit être généralisé vers une sorte de capitalisation collective, une sorte de premier pilier bis. Seul De Patoul trouvait que les deux piliers doivent être équivalents. Anja a reconnu le besoin de renforcer le premier pilier, mais a plaidé contre les charges sur le deuxième et troisième pilier, après que les millions de personnes y aient été poussés parce que les allocations du premier pilier ont été vidées.

Finalement Thierry Jacques, le président du MOC, a formulé 3 questions pour la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, les Equipes Populaires et pour Vie féminine. Pour les Equipes Populaires: que vous pensent de la proposition d’une base de données centralisée qui comprenne tous les comptes des contribuables pour que l’information se trouve à disposition plus rapide comme l’exemple de la base de données FICOBA en France ? Pour le JOC : quelles alternatives et adaptations proposez vous concernant le système de travail d’intérim ? Et finalement pour Vie féminine : quels sont vos plans concernant l’inégalité entre hommes et femmes et comment agir concrètement?

Evidement, tout le monde a plaidé de s’attaquer à la fraude fiscale, y compris le MR. Le CDH a indiqué qu’aux USA, la fraude fiscale est considérée comme un crime, alors qu’il s’agit plutôt d’un sport en Europe. Pour le PS, la création d’une base de données ne va pas assez loin. Avec Ecolo, le PS plaide pour une forme d’impôt sur les bénéfices des fortunes. Le MR a continué à souligner que la fraude sociale doit aussi être combattue. Mais nous n’avons pas à attendre beaucoup si la lutte contre la fraude fiscale connaît à l’avenir la même intensité que lors des législatures précédentes. Anja a répété les propositions du Front des Gauches concernant un impôt sur les grandes fortunes et une plus grande progressivité de l’impôt.

En réponse à la question de la JOC, la plupart des politiciens se sont limités à dénoncer les abus du travail intérim. Même le représentant du MR a admis que l’intérim ne devrait servir que d’emploi temporaire, comme si le MR ne sait pas que d’innombrables travailleurs sont gardés très longtemps dans l’intérim. L’abus massif de travail d’intérim par La Poste, par exemple, n’a été touché par aucun politicien traditionnel. Anja a plaidé pour des contrats convenables et à durée indéterminée et pour des contrats statutaires dans les services publics. Elle a également défendu une drastique réduction du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire.

Alors que, pour certains, l’égalité entre hommes et femmes augmente, pour la grande majorité elle recule, a reconnu le CDH. Cela a un rapport avec le recul social global. Onkelinx a déclaré que dans le gouvernement, il avait été convenu de d’abord tester l’effet de chaque mesure sur l’inégalité, avant de les voter. Ecolo a plaidé pour l’obligation du congé parental. Anja a confirmé ce dernier à condition que les allocations soient alors fortement augmentées. Elle a tout de suite mis l’accent qu’aussi longtemps que les déficits sociaux existent, il va toujours y avoir des discriminations, parce qu’une discussion surgira inévitablement sur la distribution de ces pénuries. Avec cette position, elle a provoqué le premier et unique applaudissement.

La soirée a été clôturée par Thierry Jacques. Le MOC rédigera un rapport du débat, probablement à titre d’information pour ses membres. Il a semblé accorder sa préférence pour un Olivier, CDH, Ecolo est le PS. Néanmoins, le Front des Gauches a été félicité par différents spectateurs pour la contribution très forte de sa représentante, Anja Deschoemacker.

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