‘‘Les dirigeants affament nos enfants’’ – les syndicats menacent d’une grève générale pour le 31 mai
Ce 19 mai, des dizaines de milliers de travailleurs et de pensionnés ont manifesté dans les rues de la capitale roumaine, Bucarest, contre le massacre des salaires, des emplois et des services publics exigé par le Fonds Monétaire International (FMI) et par l’Union Européenne en tant que précondition pour un nouveau prêt au gouvernement roumain. Cela illustre une nouvelle vague de troubles et de protestations en Europe de l’Est, après la faillite complète du capitalisme et deux décennies de stagnation et de déclin.
Par Olsson, Rättvisepartiet Socialisterna (CIO – Suède)
La manifestation, forte de quelques 60.000 participants, était l’une des plus grandes qu’ait connu le pays depuis la lutte de masse qui a renversé la dictature stalinienne de Nicolae Ceausescu en 1989. Y ont pris part des travailleurs de l’automobile, des mineurs et des fonctionnaires, y compris plusieurs milliers de policiers, de même que des étudiants et des pensionnés.
“C’est eux ou nous”
La manifestation de masse a été marquée par une énorme colère contre le gouvernement et une détermination de se battre jusqu’à la chute du gouvernement. ‘‘Nous voulons la chute du gouvernement, sans quoi ils vont nous détruire. C’est eux ou nous’’, a confié un manifestant à l’agence Reuters. Il existe encore la compréhension que si ces coupes budgétaires devaient passer, elles seront à nouveau suivies de coupes encore plus brutales et de hausses des taxes. ‘‘Nous sommes conscients que le gouvernement ne va pas s’arrêter après ces mesures. Dans quelques mois, ils vont augmenter la TVA et la taxe sur le revenu’’, a déclaré un enseignant âgé de 64 ans.
‘‘A bas le gouvernement des menteurs !’’, ‘‘Vous avez bradé notre avenir’’, criaient les manifestants.
‘‘Les gens sont désespérés et nous encouragent à ne pas céder, nous sommes prêts à stopper l’économie la semaine prochaine afin de nous faire entendre du gouvernement’’, a clamé le président de Cartel Alfa, le syndicat du secteur public. Un autre président syndical a symboliquement déchiré l’accord de prêt du gouvernement et du FMI, et Marian Gruia, chef du syndicat de la police, a appeler les Roumains à s’unir, ‘‘Comme on l’a fait en 1989, lorsque nous avons renversé la dictature.’’
L’atmosphère pendant la manifestation a forcé les dirigeants syndicaux à annoncer une grève générale pour le 31 mai, si le gouvernement ne se retire pas. S’il veut poursuivre ses plans, cette grève générale pourrait être la plus grande mobilisation de masse depuis 1989.
Mouvements de protestation dans les ex-pays staliniens
Le même jour, des dizaines de milliers d’étudiants ont manifesté à Ljubljana, brisant la façade du Parlement slovène. L’instabilité des régimes capitalistes dans la région peut être vue en Kirghizie, où une insurrection révolutionnaire a renversé le gouvernement en avril, en une seule journée. Les développements au Kazakhstan illustrent le potentiel de ces luttes où les travailleurs soulèvent les idées de nationalisation et de contrôle ouvrier durant leur contre-attaque.
Les promesses non-tenues, selon lesquelles le capitalisme allait développer ces pays entraînent à présent une vague de rage et de colère. Beaucoup de confusion vit dans la conscience des masses des travailleurs, et de la population laborieuse en général, sur la question de savoir comment sortir de la misère du capitalisme. Mais l’expérience de l’inaptitude du stalinisme, puis la faillite complète du capitalisme, pousse maintenant les travailleurs et les jeunes à tirer des conclusions politiques qui vont dans le sens du socialisme.
Plans d’austérité pour la Roumanie
Le plan de coupes budgétaires qui est proposé, et qui est sans doute le plus draconien jamais proposé par aucun gouvernement européen jusqu’ici, inclut une coupe de 25% des salaires dans le public, une coupe de 15% dans les pensions, de 15% pour les allocations sociales ; la réduction des allocations familiales de 15%, et des coupes pour le personnel des entreprises d’Etat. Si le gouvernement triomphe, les coupes sont censées débuter le mois prochain – ce qui est loin d’être certain après l’action de hier et la proposition d’une grève générale pour le 31 mai.
De plus, ce plan réduira le nombre de fonctionnaires d’un nombre compris entre 80.000 et 150.000 d’ici 2011, ce qui signifie par exemple que 15.000 enseignants perdraient leur emploi. Le secteur public est le plus grand employeur du pays, employant 1,3 millions de personnes.
La Roumanie est le pays le plus pauvre de l’UE ; le salaire moyen n’y dépasse pas 350€, et la pension minimale est d’à peine 80€ par mois. De nombreux travailleurs gagnent beaucoup moins que le salaire moyen officiel.
‘‘Nos salaires sont trop bas. Ils n’étaient déjà pas bons avant, mais avec ces coupes, on ne voit rien de bon pour le futur’’, a dit à l’agence Associated Press Valentina Voina, une infirmière âgée de 33 ans qui gagne 900 lei (260€) par mois, et qui participait à la manifestation.
Les nouvelles coupes budgétaires menacent la population de tomber dans la misère et la décrépitude. ‘‘Nous vivons dans un pays dont les dirigeants affament les enfants, affament leurs parents, et condamnent les pensionnés à la mort’’, disait un des calicots à la manifestation.
Même avant que le nouveau plan d’austérité ne coupe les salaires des fonctionnaires, les bonus ont été gelés et nombre d’entre eux ont été forcés à partir sans recevoir leur salaire, au moment où le secteur public a été ‘‘dégraissé’’.
En automne de l’an passé, les mesures d’austérité du gouvernement, inspirées par le FMI et l’UE, ont provoqué toute une série de manifestations de masse et de grèves impliquant jusqu’à 800.000 personnes début octobre. Confronté à la menace d’une grève générale, le gouvernement a chuté. Mais une nouvelle coalition, comprenant en gros les mêmes ministres que la précédente, a été formée peu avant Noël.
C’est ce gouvernement faible qui désire maintenant instaurer de bien pires attaques que celles prévues par le gouvernement précédent qui a été forcé de démissionner en automne 2009.
Pour une réponse socialiste face au déclin économique
Le soi-disant ‘‘marché’’ a déjà commencé à compter sur la chute du gouvernement. ‘‘Les commentateurs et les investisseurs (les spéculateurs) craignent apparemment que le gouvernement perde son sang-froid et cède face aux manifestants. Un peu plus tôt ce mois-ci, une mise aux enchères de la dette du gouvernement a échoué à attirer assez d’attention.’’ (BBC, ce 20 mai)
Au fur et à mesure que le temps passe, l’économie roumaine s’enfonce de plus en plus bas et l’Etat n’a même pas l’argent pour les dépenses courantes.
Les syndicats et les autres mouvements sociaux doivent maintenant poursuivre la lutte pour renverser le gouvernement et le FMI, et débattre et mener campagne pour la construction d’une alternative ouvrière, sous la forme d’un véritable parti socialiste de masse.