Le travail intérimaire remplace de plus en plus les emplois stables

Le travail intérimaire, en principe réservé aux PME confrontées à du personnel absent ou à un accroissement de travail temporaire, est de plus en plus utilisé à grande échelle pour remplacer les emplois fixes. De ce fait, les entreprises disposent d’une main-d’œuvre très flexible. Il n’est plus question d’emplois de qualité. Aujourd’hui, on remplace souvent un contrat à plein temps et à durée indéterminée par des contrats de travail flexibles.

Yves Drieghe

Le travail intérimaire est un développement incontrôlé du travail flexible avec un statut très précaire. Et ce alors que la plupart des travailleurs aspirent à la sécurité de l’emploi. Cette précarité mène aussi à une plus grande vulnérabilité. Les intérimaires qui luttent pour leurs droits sont tout simplement écartés à l’expiration de leur contrat. Les patrons utilisent le travail intérimaire pour briser la solidarité des travailleurs et tirer la lutte sociale vers le bas.

Les intérimaires n’ont pas de droits bien déterminés. Les entreprises ne peuvent normalement recourir au travail intérimaire qu’en cas d’accroissement temporaire du travail, pour l’exécution de tâches exceptionnelles ou pour remplacer un travailleur fixe dont le contrat est suspendu (congé, maladie,…). Aujourd’hui, nombre d’entreprises considèrent pourtant le travail intérimaire comme la norme établie.

Chez Tupperware, des travailleurs prestent du «travail temporaire» depuis 8 ans. Les travailleurs fixes qui partent en pension ne sont plus remplacés par des contrats fixes. Bonne nouvelle pour l’agence d’intérim Vedior qui a un siège à l’intérieur de Tupperware.

En chiffres absolus, c’est La Poste qui utilise le plus d’intérimaires. D’où la présence de bureaux d’intérim dans les bâtiments de La Poste.

Les propositions de Vandenbroucke inspirent confiance à Federgon!

Federgon, la fédération professionnelle des bureaux d’intérim et d’embauche, et le ministre de l’Emploi pour la Région flamande, Frank Vandenbroucke, veulent confier aux sociétés d’intérim un rôle plus important sur le marché de l’emploi sous prétexte que le travail intérimaire permet à beaucoup de travailleurs d’accéder à un emploi fixe. C’est pourquoi ils veulent la levée «de l’interdiction du travail intérimaire dans certains secteurs». Une levée de l’interdiction du travail intérimaire dans les services publics sonne agréablement aux oreilles de Federgon. C’est pourquoi Frank Vandenbroucke a reçu le tout premier «Prix Federgon Intérimaire» pour sa «contribution pro-active à l’amélioration du fonctionnement du marché du travail». Federgon ne cherche donc pas à cacher que les propositions du ministre SP.a sont taillées sur mesure pour les sociétés d’intérim.

C’est un scandale qu’une ouvrière de chez Tupperware n’ait toujours pas de contrat fixe après 8 ans de travail dans l’entreprise. Mais Federgon le dit sans ambages: «Combien coûte un collaborateur fixe? Salaire brut + pécule de vacance + 13ème mois + charges patronales + … la liste continue. Bref, le recours au travail intérimaire est plus compétitif et meilleur marché que l’embauche de travailleurs fixes». Donner une sécurité de revenu à un travailleur ne figure pas à leur agenda!

Adecco est une entreprise aux bénéfices plantureux, le résultat de la fusion entre le groupe suisse Adia et le groupe français Ecco. L’entreprise avait une valeur de 2,2 milliards € au moment de la fusion. 4 ans plus tard, le groupe Adecco compte 5.800 bureaux dans 65 pays, 28.000 employés et place chaque jour 650.000 intérimaires dans 100.000 entreprises. En 2002, ils avaient un chiffre d’affaire annuel de 16 milliards €. Ils ont engrangé un bénéfice net de 255 millions € dans les 3 premiers trimestres de 2003.

L’intérim belge est un secteur en pleine extension qui place 316.000 intérimaires par an. Cela signifie que ces travailleurs n’ont pas la garantie d’un revenu fixe, pas d’horaires fixes, pas de congé de grossesse. Et s’ils tombent malades?

Les bureaux d’intérim imposent une flexibilité scandaleusement élevée à leurs intérimaires. « Pendant les quelques mois où j’ai travaillé chez Tupperware, j’ai reçu à plusieurs reprises un coup de téléphone à 12h m’invitant à être sur mon lieu de travail à 14h. A d’autres moments, on me disait que je ne devais pas venir travailler, car il y avait trop peu de travail. Je devais travailler tantôt dans l’équipe du matin, tantôt dans celle de nuit pendant la même semaine. En outre, je devais attendre le vendredi pour signer le(s) contrat(s) pour les jours où j’avais déjà travaillé ».

Les services de médiation pour le secteur privé ont traité en 2003 environ 163 plaintes d’intérimaires. Les plaintes relatives au travail intérimaire affluent aussi chez les syndicats. La plupart des plaintes tournaient autour des « relations humaines ». Un bureau d’intérim n’a aucune obligation de fournir du travail à un intérimaire. La discrimination est donc monnaie courante. D’autres plaintes portent sur des questions administratives (notamment la prime de fin d’année), sur l’incapacité de travail,…

Non seulement les sociétés d’intérim font des bénéfices, mais elles aident les entreprises à maximaliser leurs profits. Le travail intérimaire est l’arme idéale contre l’unité des travailleurs. On exige des travailleurs une flexibilité scandaleusement élevée qui ne leur offre absolument aucune sécurité de revenu et leur cloue le bec avec des contrats à la journée. La seule solution, c’est de créer des emplois dignes de ce nom de telle sorte que les travailleurs jouissent d’un bon statut et de la sécurité d’emploi. Il faut abolir le travail intérimaire au rabais !

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Première page de Lutte Socialiste