En de nombreux endroits, nous travaillons avec les jeunesses syndicales à l’intérieur de comités pour la marche des jeunes. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, il semble que cela soit sous forme de « city parade », en troquant slogans et revendications contre décibels et musique électronique, que les différentes bureaucraties nationales des syndicats imaginent la marche des jeunes pour l’emploi.
Nicolas Croes
On pourrait légitimement voir là un manque de confiance quant à la volonté des jeunes de lutter pour leurs intérêts. Pourtant, plus que cela, c’est l’absence de perspectives que les syndicats ont à offrir aux jeunes travailleurs qui transparaît derrière ces méthodes de disc-jokey. Une sono puissante a l’avantage d’éluder la question d’une animation combative en même temps qu’elle masque les slogans provenant d’autres groupes du cortège. Reste à ceux-ci tout le loisir de s’écarter de la source du bruit, en allant donc se perdre au fond de la manifestation…
Cela ne saurait étonner une jeunesse qui n’a en définitive jamais rien connu en dehors d’un syndicalisme de service. Les nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi ne voient bien souvent en leur syndicat qu’une caisse de paiement des allocations de chômage, alors que celui-ci était initialement prévu comme organe de lutte pour EVITER de se retrouver sans emploi. Ainsi, nul ne sait ce qu’il est advenu de la revendication de diminution du temps de travail avec embauche compensatoire. Elle faisait pourtant encore partie, il y a peu, des revendications syndicales de base visant à résorber le chômage. Quant aux jeunes travailleurs, comment peuvent-ils finalement déceler quelque cohérence derrière les circonvolutions qui mènent les syndicats à accepter les propositions du patronat après avoir appelé pour la première fois dans l’histoire de la Belgique à manifester durant les accords interprofessionnels ?
Pour les travailleurs plus anciens, par contre, ceux qui se souviennent des mobilisations contre le plan d’austérité de Val Duchesse en 1986 et qui ont gardé en tête ces 350.000 manifestants en grève venus au seul appel de la FGTB, les méthodes actuelles ne peuvent faire songer qu’à de grotesques mascarades. L’on pourrait encore, si besoin est, rappeler l’ampleur des mobilisations des sidérurgistes en 82 contre le démantèlement de Cockerill-Sambre, etc… Mais il est vrai qu’à l’époque le gouvernement Martens-Gol avait repoussé la social-démocratie dans l’opposition, rendant le frein de l’appareil FGTB beaucoup moins puissant qu’il ne l’est aujourd’hui.
Mobiliser pour une marche des jeunes combative, c’est avant tout redémarrer un travail syndical orienté vers la jeunesse, dont le radicalisme ne peut que s’asphyxier en dehors du mouvement ouvrier. Le développement du mouvement altermondialiste, qui ne cherche dorénavant plus qu’à domestiquer le capitalisme, où à la rigueur à l’attaquer à coup de yaourt bio, l’a magistralement démontré.
Pour cela, le 19 mars n’est qu’un début, mais ce premier pas est d’une importance primordiale. C’est à travers la préparation et le déroulement de la manifestation que l’impulsion doit être donnée, par l’intermédiaire d’un programme clair, sans ambiguïté vis-à-vis d’un capitalisme décati, et capable de redonner aux jeunes travailleurs et à leurs aînés l’envie de combattre résolument pour leur avenir, de la manière la plus efficace et résolue qui soit.