Turquie: Des centaines de milliers de personnes pour le premier mai place Taksim

Travailleurs et jeunes turcs et kurdes démontrent leur force

Après 32 ans de répression, des centaines de milliers de personnes ont participé cette année au Premier Mai, place Taksim à Istanbul. Ils ont fait de cette manifestation un évènement très vivant et combatif. Jusqu’à cette année, se rendre place Taksim le premier mai n’était pas autorisé. L’année dernière encore, la police avait attaqué les travailleurs, les jeunes et les organisations de gauche qui avaient tenté d’entrer sur la place.

Par des correspondants du CIO à Istanbul

En 1977, au sommet d’un mouvement révolutionnaire en Turquie, un million de personnes s’y étaient réunies. Immédiatement après le départ de la manifestation, des snipers de l’organisation fasciste des Loups Gris ou de la police (ce n’est toujours pas clair aujourd’hui) ont commencé à tirer sur les masses. Plus de 30 personnes avaient perdu la vie. Ceux qui essayaient de s’échapper étaient constamment repoussés vers la place par la police, ce qui a eu pour effet d’augmenter le nombre de morts et de blessés. En 1980, les militaires ont organise un coup d’Etat et ont brutalement réprimé le mouvement ouvrier. A partir de 1977, toutes les tentatives d’investir la place Taksim ont été bloquées et des gens ont été tués en essayant d’y parvenir.

Cette année, le gouvernement turc avait promis un Premier Mai pacifique et avait autorisé les manifestations place Taksim, après avoir brutalement attaqué les protestations des travailleurs de Tekel le premier avril 2010. Mais au vu du renforcement actuel du mouvement ouvrier, le gouvernement ne pouvait pas stopper les masses.

Trois manifestations ont convergé vers la place Taksim. La plus grande d’entre elles était organisée par la fédération syndicale “révolutionnaire” DISK et par l’aile gauche du syndicat du secteur public KESK. Tous les groupes de gauche ont également pris part à cette manifestation. La seconde était organisée par la fédération Türk-Is, proche de l’Etat, et la troisième était organisée par la fédération syndicale religieuse conservatrice Hak-Is.

La manifestation de gauche était un océan de drapeaux rouges et de grandes bannières, sous des chants et de très bruyants slogans militants.

Il est difficile de dire combine de personnes étaient présentes tellement cet évènement était gigantesque. Le gouverneur d’Istanbul parle de 150.000 personnes, tandis que le journal kurde Gündem a avancé le chiffre de 500.000 participants. De toute façon, bien plus de 100.000 personnes ont défilé uniquement dans la manifestation de gauche à elle seule. Hurriyet, un quotidien turc, a parlé de 200.000 personnes uniquement pour cette marche.

Le nombre de jeunes manifestants était particulièrement remarquable, de même que la taille du contingent kurde, avec plus de 10.000 personnes.

Les travailleurs de Tekel forcent le dirigeant de Türk-Is à quitter le podium

Les travailleurs de cette entreprise de tabac se sont considérablement fait remarquer: quand Mustafa Kumlu, dirigeant de la plus grosse fédération syndicale, Türk-Is, est arrivé sur le podium, une délégation de ces travailleurs l’a hué. Les travailleurs de Tekel sont organisés dans le syndicat de l’alimentation Tek-Gida Is, qui fait partie de Türk-Is. Mais de nombreux travailleurs se sentent trahis par Kumlu et Türk Is, à cause de leur rôle dans la lutte des travailleurs de Tekel qui s’est développée ces derniers mois. Kumlu a été tellement hué qu’il a dû quitter le podium!

Dans les prises de parole qui ont suivi, le rôle joué par la bureaucratie syndicale a été fortement critiqué, mais il n’a pas été question d’une véritable stratégie, des journées d’action et de grève en solidarité avec les travailleurs de Tekel par exemple. Cela reflète la faiblesse générale de la gauche turque.

Mais ce fut un premier mai particulièrement réussi : le premier depuis 1977 sans attaques de la police. Des centaines de milliers de militants sont venus célébrer ensemble la fête des travailleurs, c’est un signal fort qui en dit beaucoup sur le réveil du mouvement ouvrier en Turquie.

La reconstruction du mouvement ouvrier en Turquie est entrée dans une phase intéressante et dynamique. La gauche turque est divisée en une multitude de groupes (pour la plupart staliniens), mais la lutte de Tekel a renforcé la conscience politique et mis en action une nouvelle couche de gens. Des milliers de nouveaux militants, principalement des jeunes, ont commencé à participer à la reconstruction du mouvement ouvrier. La construction d’un parti de masse réellement socialiste de la classe ouvrière de Turquie hors de ce processus dépend du rôle que peuvent jouer les forces marxistes en étant capables d’offrir une stratégie offensive pour lier les différentes couches de jeunes et de travailleurs afin d’organiser la riposte.

Avoir pu entrer cette année sur la place Taksim est un symbole important qui encourage des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs en Turquie. La lute contre les conséquences de la crise capitaliste peut en être massivement renforcée. La résistance en Grèce pourrait aussi avoir un grand effet et montrant la voie à suivre.

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai